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Peut-être me méprises-tu pour chaque mot que je t’ai écrit à l’époque. Peut-être me hais-tu pour chaque mot que je continue de t’envoyer. Mais je ne peux pas faire autrement. Comment vas-tu, Emmi ? J’aimerais tant être là pour toi. J’aimerais tant faire pour toiquelque chose d’utile. J’aimerais tant savoir ce que tu penses et ce que tu ressens. J’aimerais tant penser et ressentir avec toi. J’aimerais tant prendre la moitié de tout cela sur mes épaules, aussi désagréable que ce soit
Afficher en entierEt voici ma requête : monsieur Leike, rencontrez ma femme ! Je vous en prie, faites-le, afin qu’elle ne soit plus hantée ! Nous sommes adultes, et je ne peux rien vous imposer. Je ne peux que vous implorer : rencontrez-la ! Je souffre de mon infériorité et de ma faiblesse. Je ne sais pas si vous imaginez à quel point c’est humiliant pour moi d’écrire de telles lignes. Vous, en revanche, vous n’avez pas montré le moindrepoint faible, monsieur Leike. Vous n’avez rien à vous reprocher. Et moi non plus je n’ai rien à vous reprocher, hélas, rien. On ne peut pas en vouloir à un esprit. Vous êtes insaisissable, monsieur Leike, intangible, vous n’êtes pas réel, vous n’existez que dans l’imagination de ma femme, vous êtes l’illusion d’un bonheur éternel, un vertige hors du monde, une utopie amoureuse faite de mots. Je ne peux rien contre cela, je suis réduit à attendre le moment où le destin se montrera miséricordieux et fera enfin de vous un homme en chair et en os, un homme tangible avec des contours, avec des forces et des faiblesses. Votre supériorité ne s’effacera que le jour où ma femme pourra vous voir comme elle me voit, une créature vulnérable, imparfaite, un simple être humain, avec ses défauts. Alors, seulement, je pourrai lutter contre vous, monsieur Leike. Alors, je pourrai me battre pour garder Emma
Afficher en entierPourquoi ai-je renoué le contact avec toi après Boston ? Pourquoi ? – Parce que les neuf mois de « Boston » ont été les pires neuf mois jamais écoulésdepuis la division officielle des années en douze mois. Parce que l’homme des mots s’était glissé hors de ma vie en silence. Lâchement, par la petite porte de la boîte d’envoi, verrouillée par un des messages les plus cruels de la communication des temps modernes. Aujourd’hui encore, cette phrase me poursuit dans mes rêves (et parfois aussi dans ma boîte mail, quand la technologie m’en veut) : ATTENTION. ADRESSE MAIL MODIFIÉE, blablabla
Afficher en entierChère Emmi, je ne peux plus revenir en arrière. Je m’en veux, mais il n’y avait que deux possibilités. Soit mon retrait et mon silence pour le restant de mes jours. Soit la vérité. Beaucoup trop tard. Un retard impardonnable. Impardonnable, je le sais. Je t’envoie en pièce jointe le mail que Bernhard m’a écrit il y a plus d’un an, le 17 juin, juste après son « accidentcardiaque » pendant sa semaine de randonnée avec les enfants dans le Tyrol
Afficher en entierCela se corse : comment ai-je pu pardonner Bernhard ? Leo, j’ai relu cette question au moins vingt fois. Je ne la comprends pas, honnêtement. QU’EST-CE que j’aurais pu pardonner à Bernhard ? D’être mon mari ? D’avoir été un obstacle à notre amour parmail ? De t’avoir finalement poussé à la fuite par sa seule existence ? Leo, quel est le but de ta question ? Il faut que tu m’expliques
Afficher en entierTrente-cinq ans et demi. Et Bernhard a 49 ans. Fiona 17. Jonas 14. Leo Leike a 37 ans. Hektor, le bulldog de madame Krämer, a neuf ans. Et Wasiljew, la petite tortue des Weissenbacher ? Il faudra que je demande, rappelle-le-moi, Leo ! Mais que veux-tu dire par là ? À 35 ans, suis-je trop jeune pour me comporter de façon conséquente ? À 35 ans, suis-je trop jeune pour assumer mes responsabilités ? Suis-je trop jeune pour savoir ce que je me dois à moi-même et à ceux que j’aime, les concessions que je dois faire pour rester fidèle à ce que je suis
Afficher en entierMais, non, ce n’est plus le « grand amour ». Peut-être cela ne l’a-t-il jamais été. Et pourtant, nous étions si heureux de le mettre en scène, de nous le jouer l’un à l’autre, de nous stimuler grâce à cela, de l’exhiber aux enfants, pour qu’ils se sentent à l’abri. Après douze ans sur les planches, nous nous sommes lassés de nos rôles d’époux parfaits. Bernhard est musicien. Il aime l’harmonie. Il a besoin d’harmonie. Il vit l’harmonie. NOUSla vivons en couple. J’avais décidé d’être une partie de l’ensemble. Si je me retire, je provoque la chute de tout ce que nous avions construit. Bernhard et les enfants ont déjà vécu un tel effondrement. Cela ne doit pas arriver une deuxième fois. Je ne peux pas leur faire cela. Je ne peux pas ME faire cela. Je ne me le pardonnerais jamais. Tu comprends
Afficher en entierJonas a quatorze ans. C’est encore un enfant. Il est sensible, affectueux. Sa mère lui manque, il a tant besoin de moi. Il maintient l’unité de la famille,fermement, en déployant une force extraordinaire. C’est à l’école qu’il manque d’énergie. Il me demande tous les deux jours si j’aime encore son père. Leo, tu n’as pas idée de la façon dont il me regarde dans ces cas-là. Pour lui, il n’y a rien de plus beau que de nous voir heureux ensemble, et il est le centre de notre monde à tous les deux. Parfois, il me pousse carrément dans les bras de son père. Il veut recréer de force notre intimité. Il sent qu’elle disparaît peu à peu
Afficher en entier"Emmi, j'ai été accablé par ton mail sur la sombre fin de printemps. Je ne savais pas quoi répondre. Il n'existe pas de mode d'emploi qui donne un plan pour situer le bonheur. Chacun le cherche à sa facon, aux endroits où il pense pouvoir le trouver. Mais peut-être était-ce trop demander d'attendre de toi quelques mots encourageants pour mon "opération Boston"."
Afficher en entier"Une seule personne ne peut pas tout donner. Bien sûr, on peut décider d'attendre toute sa vie de rencontrer un tel homme, un qui donne tout. On peut caresser cette magnifique, cette enivrante et bouleversante illusion d'absolu, qui fait battre le coeur et rend supportable une vie rongée par le manque. Jusqu'à ce qu'elle se brise cette illusion. Alors, on ne ressent plus que le manque. C'est un sentiment que je ne connais que trop. Ce n'est plus pour moi. Je ne tends plus vers un idéal. Je veux profiter le plus possible de quelque chose de bien, cela suffit à mon bonheur."
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