Extraits

"Mais Zane se fichait de savoir que Ty était nerveux. Il voulait que ce petit enfoiré se tortille sur sa chaise parce que le monde de Zane s'était soudain écroulé pour ne rien révéler d'autre qu'un parquet de verre sous ses pieds."

"- Je sais que ça ne tourne pas très rond, chez Ty, dit Nick en tapotant sa tempe du doigt. Il a toujours été à deux doigts de prendre le mauvais chemin. Une vis se desserre, et il est parti. La seule choses qui le retient du bon côté, c'est sa loyauté. Le fait d'avoir une cause. Tu lui enlèves ça? Tu te retrouves à regarder dans les yeux d'un monstre."

- parce que je savais que ça te ferai du mal. Je ne voulais pas te faire de mal, je ne voulais pas que tu saches que Dick doutait de ta loyauté. J'espérais pouvoir attendre, j'espérais pouvoir donner mon dernier rapport quand tu serais à la retraite et en avoir fini avec ça.

(Ty à Zane, p170)

Le caporal Tyler Grady était assis sur sa paillasse, relisant la lettre pour la dixième fois peut-être. Il savait qu’il recevrait un jour ce genre de nouvelle, mais cela lui faisait tout de même du mal. Ses yeux suivirent de nouveau l’écriture cursive.

David Whitlock lui avait écrit pour le féliciter d’être entré dans les forces de Reconnaissance. Il avait terminé sa lettre en lui disant qu’il avait rencontré quelqu’un à l’université. Il était heureux, et il pensait même être amoureux. Mais David demandait à Ty la permission d’aller de l’avant, lui disant qu’il attendrait si Ty l’exigeait, comme il l’avait promis lorsqu’il était parti.

Ty secoua la tête en relisant. Il ne supporterait pas ça. David méritait bien plus que ce qu’il aurait jamais pu lui offrir.

Il pressa la lettre contre son torse nu et retomba sur sa paillasse pour fixer la toile du haut de la tente, au-dessus de sa tête. Après un moment, il jeta son bras sur ses yeux. Il était parti pour cette raison précise, pour donner à David la liberté de changer, pour se trouver des options qui n’impliquaient pas de partager sa vie avec quelqu’un envers qui il ne pouvait pas s’engager totalement.

Cela ne l’empêchait pas pour autant d’avoir le cœur brisé.

Zane n’avait pas entendu son véritable nom prononcé depuis presque six mois. Deux semaines après l’enterrement de sa femme, il avait supplié qu’on lui donne une nouvelle mission, une partie de lui espérant qu’un changement d’environnement lui donnerait un peu moins envie de se tuer, et une autre part de lui espérant que la mission soit assez dangereuse pour ne pas avoir à s’achever lui-même. Il était sous couverture à Miami depuis lors, seuls sa chance et son sens de la justice bien trop exacerbé justifiant le fait qu’il était encore en vie. Il voulait voir ces connards tomber, et il ferait n’importe quoi pour cela.

Zane déglutit. Il avait joué à ce jeu, tellement souvent qu’il ressemblait à une roulette russe. Et s’il n’avait pas coupé les ponts avec sa famille ? Et s’il n’avait pas rejoint le Bureau ? Et si Becky n’était pas morte ? Et s’il n’était pas allé à Miami ? Mais toutes ces choses l’avaient placé sur la route qui l’avait mené à Ty.

Puis Zane entra, secouant la tête. Il était habillé de la même façon que Ty, excepté son T-shirt, qui était noir, et son jean foncé était beaucoup plus élimé. Ils avaient ébouriffé ses cheveux aussi, les plaquant en arrière pour les laisser boucler derrière ses oreilles.

Ty tenta de retenir la réaction viscérale que déclenchait cette vision de Zane, mais il était impossible de ne pas le mater.

— OK, on a l’analyste de la CIA en costume, déjà, du style espion international, dit Violet, se munissant d’un calepin. Les pompiers torse nu. Les deux officiers de police en uniforme dans la prison. L’EMT à l’arrière d’une ambulance. Il nous faut autre chose.

— Dans ce cas, peut-être que ce serait bien de jouer sur un look plus rustique, du genre qui n’a pas peur de tacher son costume ? Avec les pistolets, évidemment, vu qu’on n’a pas encore utilisé d’armes dans nos photos actuelles.

Ty baissa les yeux sur son costume, son costume Tom Ford préféré. Visiblement, il n’avait pas la moindre envie de le salir.

— Peut-être que vous pourriez nous mettre en civils sous couverture, suggéra-t-il en passant une main protectrice sur son insigne.

Susan poussa un cri et saisit son bras.

— Sous des couvertures !

— Non. Quoi ? Non ! laissa échapper Ty.

— C’est une excellente idée ! s’exclama Cynthia.

Zane ressentit littéralement un éclair de panique.

— Je ne pense vraiment pas que…

— Oh, j’aime encore plus que la moto !

— Il peut faire avec la moto, tenta Ty, mais elles ne l’écoutaient plus.

— Oh, c’est parfait. Je vais téléphoner tout de suite pour qu’ils préparent un lit.

Susan saisit son portable tandis que les femmes à l’arrière bavardaient et griffonnaient des notes.

Zane se pencha et gronda à Ty :

— Qu’est-ce que tu as fait ?

Ty haussa les épaules, impuissant.

— Je… Je… J’y suis pour rien !

Ty jeta un coup d’œil à la sortie de secours. Étrangement, il avait toujours été à la fois timide et arrogant ; à la fois grande gueule et introverti. Il aimait la foule, jouer le comique de service ou le chef de meute, selon ce que la situation imposait, comme un caméléon. Zane avait vu des vidéos de lui datant de l’époque où il était à l’armée, dansant avec d’autres Marines qui ne se prenaient pas au sérieux, pour passer le temps ou pour amuser des camarades blessés. Il était toujours partant pour jouer les beaux gosses, utilisant son charme et son charisme quand il le jugeait opportun. Mais dès que quelqu’un tentait de l’enregistrer pour la postérité, Ty se figeait comme s’il se cachait d’un T-rex. Il aurait préféré se prendre une balle plutôt que de se retrouver devant un appareil photo.

— Une organisation locale de premiers secours est en train de mettre en place une collecte de fonds en vendant un calendrier.

Ty se leva, tendant sa main vers McCoy comme s’il voulait échapper au démon.

— Hors de question !

Zane cligna des yeux.

— Un calendrier ?

McCoy hocha la tête.

— Ils prennent des gens de l’État, du fédéral, des organisations municipales, et tous les bénéfices vont à un fonds pour soutenir les premiers intervenants blessés dans l’exercice de leurs fonctions.

— Admirable, fit Zane.

— On vous a demandés tous les deux pour être… modèles, parvint à articuler McCoy sans céder à l’amusement.

Zane regarda son partenaire, puis de nouveau McCoy.

— C’est une blague.

Ty secouait la tête, faisant glisser son pouce sur les chiffres de son portable. Zane ne l’avait même pas vu le tirer de sa poche.

— Je ne plaisante jamais, dit McCoy avec une touche d’espièglerie.