La Société, Tome 5,5 : Un conte d'auteurs

J’ai beau essayer de me raisonner, l’agacement me gagne après deux heures d’attente. Nous étions supposés déjeuner ensemble, et il est déjà plus de 14 heures. Je sais que Bertrand aime fignoler son travail, mais pour quelqu’un de surbooké, je trouve qu’il exagère. Émi ne semblait pas avoir de si grandes exigences concernant ses cheveux. N’y tenant plus, je me risque à lui téléphoner. La messagerie se met aussitôt en marche. Or, elle n’éteint jamais son portable. Je cherche dans mon répertoire le numéro du salon de coiffure.

— Mlle Travel ? s’étonne une jeune femme à qui je demande des nouvelles de sa cliente. Elle est partie depuis une heure déjà.

Je la remercie du bout des lèvres. Une heure, ce n’est pas la mer à boire. Il se peut qu’elle soit allée faire quelques achats de dernière minute avant de revenir. Je n’ai pas le souvenir qu’elle m’ait parlé de quoi que ce soit en termes de cadeaux de Noël. Pour ma part, je m’en suis chargé depuis pas mal de temps. Un bracelet serti d’émeraudes se cache dans mon coffre. Je ne suis pas censé lui offrir de présent, elle me l’a interdit. La seule chose à laquelle elle tenait, c’était cette semaine de vacances loin de Paris. Dix jours, pour être exact. Près du paquet emballé avec soin se trouvent deux billets d’avion pour l’île Maurice. J’ai été bien inspiré d’y ajouter ce bijou. Je vais devoir négocier un report ou une annulation du voyage avec l’agence. Je campe de nouveau devant la fenêtre quand des coups résonnent à la porte d’entrée. Cette tête de linotte a dû oublier ses clés. Rassuré, je bondis pour lui ouvrir, mais la surprise arrête net la taquinerie que je m’apprêtais à balancer. Louise Sperkling est la dernière personne que je m’attendais à trouver sur mon paillasson.