Extraits

— Shax, j’ai peur. Qu’est-ce que je deviens ?

— J’admets que cette histoire de fessée m’a surpris, moi aussi, dit Shax avant de se mordiller la lèvre, à la recherche des mots appropriés. Les déchus changent souvent, Ness. C’est un simple fait. Ma mère faisait partie des rebelles originels, tu sais. C’était un ange, il y a bien longtemps. Elle est magnifique et peut toujours se montrer adorable, mais elle est extrêmement fière et vaniteuse. Violente, lorsqu’elle est en colère.

— Est-ce que je vais devenir violent et en colère ? Une sorte de démon de la jalousie ? Et si je te faisais vraiment du mal ?

Shax secoua la tête.

— Je ne pense pas, non. Les traits de caractère que tu possédais avant pourraient s’amplifier. Tu étais un peu possessif avant d’être déchu. Mon démon, tu m’as appelé plus d’une fois. Cette tendance à la domination s’est exprimée dans les situations de crise. C’est toujours toi. Simplement… plus de toi qu’il n’y en avait avant.

Des tirs touchèrent la porte de la cale. Ness cessa ses questions agaçantes et s’élança dans les couloirs, obligeant Corny à lui courir après. La scène était peut-être amusante, en y réfléchissant. Un Ange avec un démon dans les bras, poursuivi par un cow-boy. Il avait bien trop mal pour rire. Ça allait devoir attendre.

Un chapeau usé suivi par deux yeux verts inquiets apparut au sommet de l’échelle.

— Nom d’un petit bonhomme.

Le reste du corps costaud de Corny suivit, les muscles fermes de ses bras menaçant sérieusement de faire craquer les coutures de sa chemise alors qu’il se hissait dans le grenier et s’agenouillait face à Verin.

Pas mal du tout pour un humain.

Vraiment pas mal. Verin tira sur son jean soudain trop serré et renversa la tête en arrière lorsque Corny essaya de la toucher. Ces foutues cornes…

— Hé ! Bas les pattes !

— Ness ? dit Shax en agitant la guitare. À ton tour ?

Ness le regarda en clignant des yeux, sa peau pâle rougissant d’une manière qui réduisait les entrailles de Shax en bouillie.

— Oh. Je… ne joue pas… ça.

— Mais tu sais chanter, non ?

— Oui, je… je… Parfois.

Ness baissa la tête, visiblement gêné d’être le centre d’attention. Shax s’attendait à ce qu’il refuse, gentiment, poliment. Au lieu de cela, il releva la tête en prenant une grande inspiration et se mit à chanter. La première note transperça Shax de part en part, la splendeur poignante de sa voix un éclat de glace immaculé et étincelant à travers son cœur. Il n’aurait pas dû être aussi surpris. La voix chantée de Ness était angélique, après tout.

Shax sursauta lorsque quelque chose lui poussa le coude. Il se tourna et se retrouva les yeux dans les yeux avec un bovin. Une vache avait passé la tête entre les planches en bois de la clôture. Une deuxième se joignit à elle et vint elle aussi saluer Shax d’un coup de museau.

— Bonjour, les filles. Enchanté de vous voir.

— Vous avez tapé dans l’œil des bestioles, dit Zeke avec un petit rire.

— Chéri, dit-il dans un murmure à peine audible alors que son extase post-sexuelle se transformait en dégoût abject. Elles s’accouplent. Elles sont en pleine orgie et elles se fichent de faire du mal aux autres.

— Ouais, sans déconner, dit Verin en pointant du doigt un groupe de grenouilles au pied des escaliers. Cette femelle a l’air morte, mais le mec qui lui grimpe dessus essaye toujours de la sauter.

— Oh, par la mère des démons… c’est répugnant.

— J’ai cru que tu étais mort.

Shax recula de quelques centimètres pour respirer.

— Absolument pas. Je ne mourrais jamais sur le sol de la salle de bain. Ça manque de dignité.

— On passait une si belle matinée et voilà que tu rechutes brusquement. Je devrais te ramener à l’infirmerie, je suppose.

— Non ! s’écria Shax en se relevant à l’aide de l’épaule de Ness. J’ai assez vu l’infirmerie, merci bien. J’étais seulement… c’était un peu surprenant.

— C’est le générateur de matière noire, n’est-ce pas ? Je suis désolé. Le monsieur a bien dit que ça semblait plus effrayant que ça ne l’était en réalité, mais il est bien emballé et…

Shax posa un doigt sur ces lèvres pleines et séduisantes pour interrompre sa logorrhée.

— Non, non. Le truc à matière noire ne me pose pas de problème. C’est ces grenouilles plus qu’infernales, ces grenouilles répugnantes, couvertes de mucus, visqueuses et révoltantes.

— Les grenouilles, dit Ness avant de cligner plusieurs fois des yeux. C’est les grenouilles qui te mettent dans cet état ?