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Leur conversation était comme le bruit de l'époque, de la ville. Une langue nouvelle qu'elle commençait à apprendre et qui ce soir-là la fatiguait, qu'elle n'avait pas envie de pratiquer.
Afficher en entierDe toute façon, on vivait dans une société qui sacralisait le travail, n'avait-elle pas remarqué que quand on rencontrait une personne pour la première fois, on lui demandait immédiatement ce qu'elle faisait comme travail, et non ce qu'elle aimait par exemple, comme si le travail définissait l'être.
Afficher en entierEt puis, peu à peu, j'ai compris que c'était beau de voir des personnes qui crevaient de solitude prendre la parole, la France qu'on n'entend pas. Et ils bénéficient de l'écoute qu'ils n'ont jamais. Pourquoi les clochards ne pourraient-ils pas parler ? Y'a des choses dingues comme le projet d'une nouvelle constitution. C'est très hétérogène, toutes les luttes de ces dernières années y sont concentrées, les migrants, les ZAD, l'antispécisme, les féministes. Bon, il y a aussi des radicaux, des casseurs, mais dans l'ensemble c'est pacifiste. On en revient à la base, à analyser ce qu'est la politique, vivre les uns avec les autres (...) A Maubert, il y avait quatre cents personnes réunies pour soutenir dix gars, ça dépasse la loi Travail, c'est la possibilité d'un monde meilleur qui s'ouvre, plus solidaire aussi
Afficher en entierJeanne se mit à réfléchir au sentiment de solitude. Quelque fois cela lui plaisait d'être seule, de se soustraire au regard d'autrui. Elle avait été seule au cours de son existence, peut-être que c'était parce qu'elle était enfant unique, on disait que généralement les enfants uniques étaient des solitaires. Mais depuis qu'elle habitait à Paris, cela lui pesait. Elle s'était mise à rechercher la compagnie des autres, à éprouver un désir fou de les entendre, de savoir comment ils vivaient, ce qu'ils pensaient, elle était prise d'une curiosité insatiable pour eux, elle devait les connaître à tout prix.
Afficher en entierComme si d'ailleurs ils n'étaient pas seuls ! ils soliloquent à plusieurs, ont l'illusion d'un dialogue, d'une parole partagée, du grand tout. Le collectif c'est la pire des illusions. Au moins avant, ils étaient devant leur télé ou devant le comptoir à s'arsouiller, conscients de leur condition misérable, de leur solitude, et voilà maintenant qu'ils feignent de croire qu'ils sont ensemble ! quelle blague ! c'est désespérant ! et quel cynisme de les encourager !
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