La Thérapie du Silence

" D'autant que tout est si parfait ; même le mal est construit avec rigueur. Éreinté, Kolovkine n'a pas vocation d'archange. La solitude et la fatigue le gagnent. Lui-même ne désire que la paix et son silence. La pluie tombe lourdement sur l'église. Des particules H²O, ainsi que le temps qu'il a fallu pour bâtir l'édifice, les mains qui ont travaillé sur chaque vitrail, chaque enluminure... Des fragments temporels et des atomes. "

" Éloigné des envies des enfants riches des pays développés, Rudy ne saurait situer ces pays sur une carte tant l’instruction lui manque, mais il siffle avec entrain tout en se fixant des genouillères improvisées. L’enfant les a confectionnées avec des élastiques et des chaussettes, trouvées dans les brumes épaisses de la montagne. Le dôme purulent semble les avaler chaque jour un peu plus, les manger, se repaître d’eux comme de leurs habitats vétustes. Oui, l’instruction lui fait défaut ! Les rêves matérialistes et futiles, également. Mais aucunement l’intelligence ! Avec un pic et un sac, Rudy suivra les six étapes quotidiennes de son travail forcé. Tout d’abord, la collecte. Puis, le tri. Ensuite, le lavage. Viennent alors, la revente puis, optionnellement, la nage jusqu’aux barges et la plage. Là, Rudy jouera avec d’autres enfants, parlera, rattrapera son enfance volée, se confiera au Père Tanguy Armanicello, un jésuite métissé qui voue sa vie à améliorer le quotidien des scavengers, les instruire à travers le vocabulaire du dialecte Tagaloc qu’il a lui-même appris. Rudy entasse le plastique, le métal et les matières premières : flacons, conserves vidées, gobelets en plastique pour dix, trente ou quarante centimes de pesos philippins le kilo. Puis, il lave son butin en prenant garde au chapardage de ses pairs. En effet, propre, le kilo lui vaudra quarante centimes sûrs, au lieu de cinq, s’il le revend sale. Rudy s’évertue donc à nettoyer ses déchets à la brosse à dents. Le petit connaît beaucoup de revendeurs sur le port. Des plus compréhensifs aux plus scrupuleux. Afin d’augmenter sa paie, il trouve rapidement ce grossiste vénézuélien qui a pour habitude de lui reprendre son lot à cent trente pesos par jour – soit environ deux euros et cinquante centimes, une manne. "