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— Que serait « vivre » selon toi ? demandai-je.
— Ne pas réagir, agir. Ne pas me débrouiller en fonction des autres, affirmer mes désirs. Cesser de contourner, avancer droit.
Afficher en entierLa religion prétend à la vérité, la littérature revendique sa fausseté. De là, vient sa force. Tandis que le récit religieux se veut véridique sans avoir les moyens de le prouver, la littérature se présente comme une fiction. Joueuse, libre, elle n’a cure du vrai ; le vraisemblable lui suffit. L’adhésion qu’elle demande reste légère : « Suivez mon récit et vous multiplierez les émotions, les réflexions. » Maligne, elle stimule l’esprit sans l’asservir. Consciente de fabuler, elle se protège lucidement d’un mensonge grave : exiger qu’on prenne son imagination pour la réalité, condamner l’auditeur à lui obéir. Si la religion exige d’être crue, la littérature se satisfait d’enchanter. Cette humilité fournit un passeport qui lui a permis de passer les frontières de l’espace et du temps. On lit Homère, Virgile, Dante ou Tolstoï en dépit de toute conviction et société communes. La littérature rassemble quand les religions divisent. Elle s’adresse à l’humain au-delà des différences. Et le fait exister…
Afficher en entierEn quelques secondes, la mémoire m’inonda et je redevins moi.
Afficher en entier- Que serait "vivre" selon toi ? demandai-je.
- Ne pas régir, agir. Ne pas me débrouiller en fonction des autres, affirmer mes désirs. Cesser de contourner, avancer droit. (page 521-522)
Afficher en entier"Les Babéliens avaient adopté l'enthousiasme, ils adhéraient au projet pour échapper à l'effarement, la colère, la révolte. En acquiesçant aux ambitions de Nemrod, ils ne visaient pas vraiment la Tour, ils privilégiaient le partage. S'accommoder les reliait à la communauté, tandis que refuser les en aurait coupés. Au lieu de se dresser, ils se fondaient dans la masse, au risque même de fondre. Ainsi fonctionne le peuple : son unité est faite de consentements forcés, de renoncements inconscients, de concessions peu réfléchies, le tout emporté par un élan obscur, l'attrait de vivre ensemble mêlé à l'horreur de la solitude. Quelques observateurs ont soupçonné un instinct grégaire, il s'agit en fait d'un calcul : on choisit de résider avec les autres plutôt que sans eux, on décide de penser comme eux plutôt que contre eux. Si la rébellion dépend du courage de l'individu, la soumission au collectif relève de la lâcheté." (page 381-382)
Afficher en entier"Les gens cherchent le succès matériel qui les hissera au-dessus de leur voisins, ils paniquent à l'idée de rater. Rater quoi ? Réussir ne consiste pas à acquérir quatre maisons, car tu n'en habites jamais qu'une et à l'intérieur, tu n'es que toi-même. Il ne faut pas posséder plus, mais exister mieux." (page 379)
Afficher en entierLe génie humain ne s’embarrasse plus du bon sens. C'est un enfant brillant, capricieux, téméraire, dépourvu e morale, dont le pouvoir de faire égale celui de défaire. Capable du pire et du meilleur, actif sans perspicacité, il flirte continûment avec ce qu'il déteste : la mort. Tantôt il la repousse, tantôt il la nargue, tantôt il la suscite, ne quittant jamais ce face-à-face exacerbé. Entre eux, les hommes feignent de se parler ; en réalité chacun ne s'adresse qu'à un seul interlocuteur, la mort, autrui se limitant à des bénéfices ou a des dommages collatéraux.
Afficher en entierLa fuite n'apporte pas la solution, elle dessine une méthode
Afficher en entierQuelle étrangeté pour un homme de rencontrer un groupe de femmes dans leur plus simple appareil ! Certaines femmes, on les comprend habillées, certaines déshabillées. La nudité n’affiche pas que la plastique, elle exhibe l’âme. En ce bain, quoiqu’elles fussent toutes à croquer, la nudité révélait les unes, occultait les autres. Nue, celle-là galvaudait son prestige. En se dépouillant, celle-ci devenait une reine. D’aucunes arboraient leur vérité en déambulant sans secret, la poitrine fière, les épaules assurées, la cambrure provocante, la sensualité manifeste. Celles-là au contraire regrettaient les repères qui leur permettaient de s’affirmer, leurs vêtements, leurs foulards, leurs bijoux, leurs couleurs ; gênées, recroquevillées afin de cacher leur intimité, elles manquaient d’éclat
Afficher en entierVivant, tu appelles ça vivant, toi ? Non, vivant, toi tu l’es, les prêtres qui me gardent, les patients qui me consultent. Moi, je ne suis pas vivant, je suis mourant. Mourant depuis des siècles.
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