Extraits

— Tu me lances un défi, l’ange ? demanda-t-il d’une voix coupante. Ariel eut un sourire narquois, nullement effrayé.

— Non… un défi sous-entendrait que tu aurais une chance de l’emporter… Archange…

Une brume noire et froide enveloppa aussitôt Gabriel. Une brume qui semblait jaillir de ses yeux noirs, vidés de toutes émotions. Des yeux dénués de vie. Des yeux de déchus.

Mais Ariel n’avait pas peur, il savait que son Archange ne lui ferait jamais rien. Et puis, il savait aussi qu’il gagnerait ce différent très rapidement et que son Archange oublierait vite son humeur noire.

Ariel se lécha lentement, très lentement, les lèvres et adressa un sourire terriblement sensuelle à Gabriel.

— Gabriel…, susurra-t-il en se mordillant la lèvre inférieure. J’ai envie de te goûter…

Le corps de Gabriel fut parcouru d’un violant tremblement et la brume qui l’entourait disparu aussi vite qu’elle était apparue. Il écarquilla ses yeux sombres et lança un regard incrédule à son ange. Il n’était pas sûr d’avoir bien compris.

— Qu… qu… quoi ? bégaya-t-il, pour la première fois de sa longue vie.

Ariel se redressa, prenant appui sur ses coudes, et lécha délicatement les lèvres de son amant.

— J’ai très, très, envie de te goûter, Gabriel… Je peux… ?

Les poils de la nuque de l’Archange déchu se dressèrent lentement et il leva ses yeux noirs, fixant la porte comme s’il s’agissait d’un ennemi à abattre.

— Ariel, si tu n’ouvres pas cette porte, il n’y en aura bientôt plus !

La dose de patience dont il disposait était maintenant épuisée. Il entendit un hoquet provenant de l’autre côté du battant et eut un léger sourire. Son ange comprenait qu’il ne plaisantait pas.

— Non… Tu n’oseras pas…, affirma le jeune ange, d’une voix pourtant hésitante.

La porte tomba en poussières et Gabriel entra lentement, très lentement, dans la chambre. Ariel glapit et se redressa vivement. Il sauta en bas du lit et se précipita vers les fenêtres. Il ne les atteignit pas. Gabriel l’intercepta avant et le plaqua contre le mur, sans ménagement.

— Alors comme ça, le petit ange croit qu’il peut défier l’Archange…

— Et bien… heum… Gabriel est accidentellement tombé dans sa cheminée…

Ariel ouvrit de grands yeux et fixa son père comme s’il était un simple d’esprit.

— Accidentellement ? Dans sa cheminée ? Tu te fous de moi, là ?

— Heum… non…, dit-il, d’une voix légèrement hésitante, le regard fuyant.

Ariel se redressa de toute sa taille et croisa les bras sur sa poitrine. Son regard était noir de colère et ses lèvres pincées.

— Alors qu’un feu y brûlait…, répliqua-t-il d’une voix ironique. Tu ne l’aurais pas un peu aidé, par hasard… ? Je ne sais pas moi, en le poussant légèrement ?

— Il se peut que je me sois un peu énervé, en effet… Et que mon poing ait, toujours accidentellement, rencontré son menton, expliqua-t-il, avec une mauvaise fois plus qu’évidente. Mais comment je pouvais deviner qu’il n’était pas suffisamment stable sur ses jambes pour pouvoir rester debout, aussi ?

De longues minutes s’écoulèrent sans qu’aucun bruit ne trouble le silence.

- Et bien ? Es-tu muet ? demanda Gabriel d’un ton glacial, sans pour autant lever les yeux de son journal.

- Non… non, je ne le suis pas…

Cette voix mélodieuse arracha un frisson à Gabriel. Un ange. Ces abrutis lui avaient amené un ange.

Lui qui faisait tout pour les éviter depuis 19 ans ! Et ils le lui amenaient précisément aujourd’hui !

Mauvais, très mauvais… Gabriel ferma les yeux et crispa la mâchoire, à se la briser, en tentant de repousser une pulsion meurtrière, qui ne l’avait plus tiraillé depuis 19 ans.

- Si tu sais ce qui est bon pour toi, ange, tu sortiras d’ici… immédiatement !

Rien. Pas de réponse. Pas le moindre bruit. Absolument rien.

Gabriel posa son journal et se leva lentement, très lentement. Mais il ne put se résoudre à ouvrir les yeux. Il avait peur qu’en voyant ce dernier, sa faible maîtrise de lui-même ne disparaisse. Et pour un Archange, même déchu, ce n’était pas peu dire.

- Serais-tu stupide, ange? Vas-t’en!

- Non… non, je ne le suis pas non plus…, déclara l’autre, avec une pointe de malice dans sa voix mélodieuse. Je ne voulais pas te mettre en colère, Gabriel… Pardonne-moi… C’est… c’est le choc… Cela fait si longtemps…

Gabriel se pétrifia et ouvrit brusquement les yeux. Non, c’était impossible… Ce ne pouvait être lui… Il devait être en train de rêver…

Il tourna vivement la tête et fixa l’ange qui se tenait à quatre pas de la table. Tout ce qu’il vit, se fut des cheveux noirs. Des cheveux noirs… et non des cheveux blonds. Alors, une rage sans nom s’empara de lui… et il bondit en avant.

L’ange se trouva épinglé au mur, les voies respiratoires bloquées par la poigne de Gabriel. Il frémit en lisant la rage dans les yeux noirs de l’Archange déchu.

Gabriel allait tuer cet ange. Il allait le tuer pour lui avoir fait espérer qu’il pouvait être… Son cœur rata un battement lorsqu’il croisa les yeux verts perçant de l’autre homme… Des yeux de chat…

- Tes cheveux… mais qu’as-tu fait à tes cheveux?

L’ange voulut lui répondre, mais la poigne de Gabriel l’en empêcha… La pièce se mit à tourner et des points noirs apparurent devant ses yeux.

Gabriel sentit une peur, qu’il n’avait pas ressentie depuis de longs siècles, l’envahir en voyant l’ange s’affaisser contre le mur.

- Ariel…, murmura-t-il d’une voix brisée.

- Je ne suis pas complètement inconscient !

- Permets-moi d’en douter, jeune homme…, rétorqua froidement l’Archange déchu. Tout faire pour se faire capturer par des déchus, afin d’être directement conduit ici, vers moi, n’est pas ce que j’appelle de la sagesse !

Ariel lui adressa un regard moqueur.

- Tu ne me feras rien.

Gabriel se redressa lentement et une aura de danger apparut autour de lui, semblable à une brume noire.

- Tu m’as l’air bien sûr de toi… petit ange.

Ariel redressa fièrement la tête et planta ses yeux de chat dans ceux de l’Archange déchu.

- Tu as promis que tu ne me ferais jamais le moindre mal.

Gabriel bougea si vite que le jeune ange ne le vit pas venir. Il se trouva à nouveau plaqué contre le mur.

- Il ne faut pas croire ce que disent les déchus, mon petit ange…, murmura-t-il tout contre son oreille.

Ils passent leur temps à mentir, c’est bien connu.

Ariel passa nerveusement sa langue sur ses lèvres, y attirant aussitôt le regard de l’Archange déchu.

- Tu ne me feras rien. J’ai confiance en toi, déclara-t-il d’un ton ferme.

- Tu as tort, mon petit ange.

- Non, je sais que j’ai raison.

Gabriel plissa les yeux, avant de frôler les lèvres d’Ariel avec les siennes.

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Mais autant parler à un mur ! Il avait même plus de chance que le mur lui réponde!