Extrait

Tirant une chaise, Donatien s’installa devant son ordinateur, une simple feuille de celluloïd pincée à l’extrémité d’une tige de Plexiglas rose. L’objet ne payait pas de mine, mais sitôt qu’il l’eut mis sous tension, des graphiques chatoyants apparurent devant lui en trois dimensions. Il s’absorba dans la comparaison d’indices boursiers, notant des chiffres au fur et à mesure sur une feuille volante à en-tête du château. Comme il plongeait la main dans la poche intérieure de son veston pour y prendre son étui à cigarettes, trois coups ébranlèrent la porte.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il sans quitter l’écran des yeux.

— Moi, répondit une voix grave et bien timbrée. Toujours à pianoter sur votre ordinateur rose de fillette, baron ?

Une dame de haute mine s’avança dans la pièce. Elle portait un manteau de fourrure noire resserré à la taille et un chapeau de feutre à larges bords piqué d’une escarboucle figurant un œil de dragon.

— Hortense ! s’exclama le baron. Comment se fait-il qu’on ne m’ait pas prévenu de votre arrivée ?

— Au diable les salamalecs ! Je suis fatiguée de m’annoncer aux grilles de la Marqueterie, puis dans la cour, puis dans le vestibule de votre cabinet de travail ! Désormais, j’entends contourner les obstacles. »

Sur ses talons parut un majordome en livrée, qui se planta dans l’encadrement de la porte et bredouilla d’un air déconfit :

— Que Monsieur me pardonne ! Je me trouvais dans la bibliothèque lorsque j’ai aperçu la voiture de mademoiselle d’Abbeville dans la cour. J’ai bien essayé de prévenir Monsieur, mais la ligne vocale est désactivée.