Extraits

Ce manuscrit était incomplet. Il manquait beaucoup de pages et certains paragraphes étaient illisibles. Voilà pourquoi il avait hésité si longtemps avant d’essayer ce sortilège : son but était expliqué dans les pages manquantes, celles qui restaient étant à demi effacées par le temps et les moisissures. Depuis une semaine, il avait envie de jeter le « sort de recherche »

La pièce sans fenêtre était plongée dans les ténèbres. Ancar alluma une chandelle à l’entrée. Il n’utilisa pas la magie, voulant garder ses forces pour ce qu’il avait décidé de faire. Il aurait besoin de tout son pouvoir, le grimoire était clair sur ce point

Le roi emprunta un couloir peu fréquenté. Au bout, un escalier menait à une des parties les plus anciennes du château, une tour ronde qui avait autrefois servi à soutenir les sièges. Ancar détenait la seule clé de la porte du niveau inférieur. Il ouvrit, vérifiant les sorts de protection pour s’assurer que personne n’avait fait intrusion dans la tour en son absence. La serrure était en cuivre : pratique, car ce métal conservait une trace des manipulations magiques 

Ancar s’était arrangé pour que son ancienne tutrice entende parler des capacités physiques du muletier. Elle avait aussitôt mordu à l’hameçon… Le seul intérêt du bonhomme, trop simplet pour faire un espion, serait de garder Hulda occupée pendant un moment. Ancar se demanda combien de temps durerait le nouveau « jouet » d’Hulda, réputée pour ne pas se montrer tendre avec ses amants

— Hulda est dans ses appartements avec le muletier dont je vous ai parlé, Majesté…, chuchota la servante. L’acoustique de la salle d’apparat empêchait quiconque d’entendre une conversation se déroulant près du trône – si les interlocuteurs ne parlaient pas trop fort. Ancar avait choisi la pièce pour cette raison

Hulda aurait dû remarquer ce changement. Elle pensait avoir Ancar sous sa coupe, mais elle se trompait. Il avait placé dans son entourage des espions soigneusement choisis. Leur loyauté n’était pas assurée par des sorts, mais par la peur. Celle de perdre quelqu’un ou quelque chose à quoi ils tenaient plus qu’à leur vie : un être cher, par exemple. L’avantage, c’était qu’un ascendant de ce type restait indétectable par magie

Il avait essayé de trouver un Adepte pour lui servir de professeur. En vain. Il était possible que ceux-ci évitent Hardorn. D’après ses lectures, le type d’Adepte qui consentirait à le former serait également du genre à ne pas vouloir partager son pouvoir. C’était le problème avec Hulda. La chienne avait peut-être empêché les Adeptes de s’approcher de lui ! Ancar ne serait pas étonné de découvrir qu’elle l’empêchait d’avoir un professeur pour qu’il reste inférieur à elle

Dès qu’Ancar eut atteint le niveau de Maître, deux ans plus tôt, Hulda montra de moins en moins d’enthousiasme à le former. Elle supprima l’entraînement journalier, prétextant qu’il n’en avait plus besoin. Il en fut ravi, jusqu’au moment où il comprit qu’un exercice régulier était la clé de tout progrès en magie

Mais il n’accepterait pas qu’elle se comporte comme ça sans obtenir de résultat ! Si elle n’avait pas été une Adepte, Ancar l’aurait fait rôtir à petit feu depuis longtemps. Quand il était plus jeune, il s’était laissé mener par le bout du nez par Hulda. Mais il avait mûri. Et il était plus avisé. Ça n’empêchait pas Hulda de le traiter comme au temps où il était monté sur le trône. Elle ordonnait, et elle s’attendait à ce qu’il obéisse aveuglément

Mais ce qu’elle avait promis ne s’était pas réalisé. Les maudits Hérauts envoyés pour négocier son mariage avec Elspeth avaient appris la mort de son père et découvert les plans d’Ancar. Ils s’étaient arrangés pour avertir Selenay, qui endigua sa tentative d’invasion. Sa deuxième attaque se passa encore plus mal. La reine leva une armée de mercenaires qui mit en déroute ses soldats et ses sorciers, après s’être alliée à Karse