Extraits

Les mots de léonardo ramènent à la surface tous ces souvenirs du passé et les éclairent d'un jour nouveau. S'il m'a quitté, ce n'est pas parce qu'il s'était lassé de moi, mais parce qu'il s'attachait trop à moi. Il souffrait lui aussi, mais je l'ignorais.

- Mais alors, pourquoi es-tu revenu ? je lui demande d'un ton rageur, impuissante.

S'il n'était pas réapparu dans ma vie ce jour maudit, je serais encore innocente, je me laisserais bercer par l'illusion de pouvoir être heureuse.

- Parce que c'était plus fort que moi. Quand je t'ai vue, je suis resté comme paralysé pendant quelques secondes. Alors j'ai fait une espèce de pari avec le destin. J'ai mis ces graines de grenade dans ton assiette. Si tu comprenais ce qu'elles voulaient dire, si tu venais à moi, je prendrais ça comme un signe. Sinon, je te laisserais partir pour toujours. Tu connais la suite... J'ai tout fait pour me convaincre qu'au fond j'étais encore en train de m'amuser, que j'avais un petit faible pour toi, rien de plus. En réalité, je me cherchais juste une excuse pour me sentir autorisé à te revoir encre, et encore... jusqu'à cette dernière nuit. J'ai enfin compris que ça ne servait à rien de me mentir à moi-même. Et de te mentir à toi.

Le restaurant qu’a choisi Filippo est des plus agréables : il y règne une atmosphère chic et originale, mais pas aseptisée comme tant d’endroits à la mode. Tout est meublé dans le style liberty, du comptoir en onyx rétroéclairé, derrière lequel s’alignent des centaines de bouteilles de vin, au laboratoire de pâtisserie visible depuis la salle principale au plafond voûté. Les tables aux nappes blanches sont ornées de fleurs fraîches. Au deuxième étage s’ouvre une terrasse avec une vue à couper le souffle sur le Testaccio. C’est là que nous allons dîner.

L’ambiance a beau être décontractée, je ne me sens pas complètement en phase. Ce n’est pas la première fois que je rencontre les collègues de Filippo, pourtant. Je les connais tous, mais dans le fond ils restent des étrangers. Alessio, un bon vivant, va sur ses quarante ans. Il est marié avec Flavia, une jolie blonde qui ne passe pas inaperçue. Elle travaille pour une télé locale. Giovanni, lui, est malingre et un peu dégarni. Il est fiancé à Isabella, une fille très douce qui vient de terminer ses études de médecine. Quant à Riccardo, le chef de Filippo, c’est un célibataire endurci bien décidé à conserver sa liberté malgré ses cheveux gris et ses quarante ans bien sonnés. Je ne l’ai jamais vu deux fois avec la même « amie ». Ce soir, il est venu avec une rousse pas bavarde qui s’est sans doute fait refaire les pommettes mais qui a des jambes magnifiques. Même s’ils font tous l’effort d’être gentils avec moi (et je dois dire qu’ils sont vraiment sympathiques et intéressants), j’ai parfois l’impression que je ne pourrai jamais faire partie de leur groupe. Il me manque les atomes crochus qui ne peuvent exister qu’entre ceux qui se connaissent depuis toujours. C’est dans ces moments-là que Gaia me manque le plus, elle avec qui j’ai vécu tant de choses.

Après avoir épluché le menu et la carte des vins, nous choisissons nos entrées – des arancini au caciocavallo et au safran puis des bruschette avec œufs de thon, citron, tomate et basilic. Pour accompagner le tout, Filippo commande le meilleur champagne. « Excellent choix, monsieur », murmure le serveur en livrée blanche et nœud papillon en soie noire. Quelques minutes plus tard, le voilà qui arrive avec nos plats et une bouteille de Piper-Heidsieck millésimée.

Tandis qu’Alessio remplit nos flûtes, Filippo quitte sa chaise et prend un air presque solennel. « À ma fiancée », lance-t-il fièrement en levant bien haut son verre. Comme un seul homme, tout le monde imite son geste.

Rougissant jusqu’aux oreilles, je me cache une partie du visage avec la main. Je ne sais pas si j’ai envie de le tuer ou de le couvrir de baisers. C’est la première fois que je l’entends prononcer ce mot. Même si la chose a été officialisée dès que nous nous sommes installés ensemble, il y a un mois et demi, ça me fait tout drôle que Filippo m’appelle comme ça.

Avec un grand sourire, je lève mon verre pour trinquer moi aussi. Filippo m’embrasse puis j’en fais autant, même si ce genre d’effusions en public a le don de me mettre terriblement mal à l’aise.

L'air s'épaissit autour de nous. Ça devient sérieux. Quand Leonardo fait mine de secouer la tête d'un air de dénégation, j'attrape son visage entre mes mains et je plante mes yeux dans les siens. Je suis sûre d'avoir surpris quelque chose au fond de son regard, quelque chose qui brûle pour moi.

- Ce que nous vivons n'est pas juste une histoire de cul, Leonardo, tu le sais aussi bien que moi.

Je ne sais pas comment j'ai trouvé le courage de lui dire ça mais il fallait que ça sorte.

La réaction de Leonardo ne se fait pas attendre : il m'attrape par les épaules et me regarde droit dans les yeux :

- Tu veux que je te dise quoi, Elena ? Que je te désire ? Oui, je te désire, et pas qu'un peu. Que notre histoire est sincère, forte, qu'elle ne ressemble à aucune autre ? C'est le cas. J'ai arrêté de croire que je pouvais tout maîtriser. Mais ça n'a pas d'importance. Parce que je ne peux pas te donner ce dont tu as envie. Je ne te demanderai jamais de quitter ton mec et de changer de vie pour moi. Tout simplement parce que nous ne sommes pas fait pour être ensemble.

source site "dans notre petite bulle"

Au moment ou elle me tourne le dos, j'aperçois quelque chose qui me glace d'effroi. Sur son dos nu est dessiné le même tatouage que celui de Léonardo, ce symbole étrange en forme d'ancre, mais qui n'est peut être pas une ancre... Je me sens mal, qu'est-ce qu'il se passe, mon dieu ?

- Allô ? fait la belle inconnue en décrochant le combiné. Oui, c'est bien Lucrezia.

Un temps.

- Oh, salut Antonio.

L'associé de Léonardo. A l'entendre, on dirait qu'elle le connaît bien.

- Oui, je suis arrivée hier...

Lucrezia. Je regarde à nouveau son dos ou est gravée une vérité limpide, une vérité que je n'avais même pas soupçonnée mais qui maintenant, pour une raison étrange, me semble presque évidente. Lucrezia est la clé du mystère, l'élément qui me manquait depuis que j'ai commencé à tomber amoureuse de Léonardo.

"Peut-être que chaque relation amoureuse devrait ressembler à ça. Plus le temps passe, plus je suis convaincue que nous pourrions passer toute notre vie ensemble sans jamais finir comme ces couples usés par le quotidien."

- Tu veux que je te dise quoi, Elena ? Que je te désire ? Oui, je te désire, et pas qu'un peu. Que notre histoire est sincère, forte, qu'elle ne ressemble à aucune autre ? C'est le cas. J'ai arrêté de croire que je pouvais tout maîtriser. Mais ça n'a pas d'importance. Parce que je ne peux pas te donner ce dont tu as envie. Je ne te demanderai jamais de quitter ton mec et de changer de vie pour moi. Tout simplement parce que nous ne sommes pas fait pour être ensemble.

- Je voudrais juste savoir ce que tu penses, Leonardo. Où est - ce que tout ça va nous mener ? Est-ce que tu crois qu'on va pouvoir continuer comme ça longtemps ?

Je me mords la langue pour me forcer à me taire. J'ai fait le truc à ne pas faire : demander des explications à l'homme le plus insaisissable de la planète. Inutile d'espérer quoi que ce soit, maintenant.

- Ce qui se passera demain, dans un mois ou dans un an ne m'intéresse pas, Elena, me répond - il sans me lâcher des yeux. Je ne planifie pas ma vie, je suis mon instinct, c'est tout. Si nous sommes ici, c'est parce que nous en avons envie tous les deux, point. Et ça devrait te suffire.

Il se recule d'un pas et se détache de moi.