Extraits

Ravan ne fit pas de commentaires, mais Gavriel avait l’impression de voir les rouages tourner dans l’esprit de cet homme étrange. Le silence se prolongea, jusqu’à ce que Ravan hoche la tête, comme s’il acceptait la validité de cette incroyable affirmation.

— Il y a un autre Valisar dans la nature, Votre Majesté, expliqua-t-il calmement. Sous mon ancienne forme, j’ai gardé un œil sur lui durant ces dix dernières annis.

Gavriel vit Leo se rembrunir. À la lueur de la lanterne, on aurait dit que son teint avait viré au gris. Il ne lui fallut qu’une seconde pour comprendre, bien avant que Gavriel ne parvienne à la même conclusion.

— Piven ? chuchota Leo. (Gavriel eut l’impression qu’on lui avait enfoncé une lame dans le ventre.) Non, c’est impossible ?

Mais Ravan acquiesça.

— Vous êtes sûr ? insista Leo d’une voix rauque. Il est muet et enfermé dans son esprit, il…

— Il est complètement guéri, Votre Majesté, insista Ravan. Vous devez oublier le petit garçon que vous avez connu. C’est désormais un robuste adolescent dont l’âme est remplie de colère. D’après Roddy, il a fait tuer Clovis et Sergius.

Pour la première fois, Gavriel vit Ravan perdre contenance en prononçant le deuxième prénom.

— Sergius ? répéta Gavriel. Est-ce que nous le connaissons ?

— Peut-être pas, messire, répondit Ravan. Mais Sergius n’était pas seulement mon ami, il était aussi le plus fidèle serviteur de la Couronne, totalement dévoué à la cause des Valisar.

— Pourtant, je ne connais même pas son nom, riposta Leo.

— Vous l’auriez su, s’il avait survécu. Il vivait en ermite sur la côte occidentale de Penraven, mais vos pères le connaissaient tous les deux. C’était un magicien. C’est lui qui m’a fait.

Ils marchaient vers le nord. Les températures baissaient à mesure qu’ils montaient en altitude, mais il faisait encore relativement doux, au point qu’Evie avait plié sa cape et l’avait attachée autour de sa taille, le tissu retombant sur l’une de ses hanches. Elle se sentait ridicule dans cette tenue. Plus elle observait le décor qui l’entourait, et plus tout lui paraissait étranger. Le nœud qu’elle avait au ventre lui disait qu’elle se trouvait loin de tout ce qui lui était familier.

Corbel – il insistait pour qu’elle l’appelle comme ça, désormais – semblait quant à lui tout sauf emprunté. En fait, il se tenait plus droit que dans son souvenir, et il y avait comme un petit côté fanfaron dans sa démarche. Où était passé l’individu fermé et replié sur lui-même qu’elle avait aimé pendant toutes ces années ? Désormais, ses yeux brillaient et l’ombre d’un sourire planait constamment sur ses lèvres. Evie comprit qu’il était heureux. Avec excitation, presque comme un enfant, il lui montrait une plante ou une partie du paysage, quand aucune de ces choses ne l’intéressait, elle.

Elle essayait encore de surmonter l’impression d’aliénation qu’elle ressentait, sans parler de la colère qu’elle éprouvait envers lui et de la peur aussi. Mais, au lieu de lui expliquer les choses, il insistait pour qu’ils continuent à marcher.

Gav' - Je sais... parce que tu ne romps jamais une promesse.

Léo réussit à hocher faiblement la tête avant de fermer les yeux.

Léo - Jamais. Je suis un Valisar.

<< Leo serra les poings de colère.

- Je ferai tout ce qu'il faudra afin de reprendre mon trône. (Il ouvrit sa chemise) Tu te souviens de ça ? Nous avons fait cette cicatrice ensemble. Et nous avons prêté serment ensemble. Ce n'était pas une promesse d'enfant. C'était celle d'un roi. J'ai passé la plus grande partie de ma vie en exil. Ai-je besoin de rappeler combien de vies, y compris celle de ton père, furent sacrifiées afin de protéger la mienne?

- Non, ce n'est pas la peine, répondit vivement Gavriel.

- Dans ce cas, ne t'oppose pas à moi. C'est la bonne solution. >>