Ajouter un extrait
Liste des extraits
"La réalité constitue désormais la valeur étalon. Elle est le seul dieu que nous vénérons ; le dernier qui reste en magasin, peut-être. De tous côtés, on se vante de la connaître (mieux que les autres), de la regarder en face (contrairement aux autres), on s'en prévaut, on s'en dispute la caution. On condamne résolument l'imaginaire et le rêve, perçus comme des enfantillages, comme les symptômes d'un désir de fuite, d'une incapacité à « affronter la vie ». De l'avis général, la sagesse commande de s'écraser le nez contre la vitre de la réalité, et d'agir en toutes circonstances en fonction des injonctions intimidantes qu'elle semble nous adresser."
Afficher en entierCe que la foule vient chercher en pareil lieu, ce n'est pas la découverte de l'inconnu mais la confirmation des préjugés.
Afficher en entierL'adhésion à un mouvement ou à un parti politique ne peut servir qu'à exprimer les opinions que l'on préfère voir défendues dans la gestion des affaires publiques. Il y a un grand danger à la surinvestir. Si on lui confie la mission de porter ses aspirations les plus profondes, de changer le monde, on s'expose aux pires désillusions. Et si on la charge d'épuiser son identité, alors elle ne peut que se réduire à la recherche d'un sentiment flatteur d'appartenance, au choix de ce que le marketing appelle une "tribu" ; son ressort ne peut être que le narcissisme, et elle nous condamne à une stagnation éternelle.
Afficher en entierLe rêve, c'est comme un épanchement de sang dans l'océan : ça attire les requins et on risque d'être déchiqueté.
Afficher en entierD'une part, il est aujourd'hui interdit d'alimenter le réel avec de l'imaginaire, mais, d'autre part, il est impossible aussi de s'y retrouver bien: on est condamné à désirer éperdument l'existence des autres. On ne peut introduire ni de l'ailleurs dans l'ici, de l'étranger dans le familier, ni de l'ici dans l'ailleurs - du familier dans l'étranger.
Afficher en entier""ll reste le non venu du plus profond du désir, écrit Jean Sur. Il reste le sourire de l'ironie. Il reste la distance infinie, et son corollaire, l'existence incertaine, rebelle, toute simple. Ne pas demeurer une seconde de trop dans ce marais. Ne rien croire de ce qui s'y raconte. Ne pas lui prêter un iota de son être. N'y aspirer à rien. Y trouver sa subsistance quand on y est contraint, et quand on le peut. Toujours préférer fuir. Protéger ce non où il y a l'enfance et l'avenir, soi-même et le monde. Ce refus n'est pas une bannière, un style, une dérobade, un prétexte à la violence ; c'est l'envers silencieux, paradoxal, nécessaire, d'un oui. Travailler ce non jusqu'à ce qu'il tinte comme un oui aux oreilles de quelques-uns.""
Afficher en entier