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Le monde me paraît toujours blanc. Non pas de la couleur propre et nette du blanc, mais un blanc si blanc qu’il semble vaporeux et transparent, si flou qu’on peut passer au travers. Il est dénué de chaleur. Je ne sens rien si je le touche. En même temps, stagne toujours en moi une colère d’origine inconnue, que je ne sais où diriger.
Ce n’est pas du désespoir, ce n’est pas non plus de la résignation. Qu’est-ce que cela peut bien être ? Je voudrais cerner cet état mais je ne distingue rien. Tout comme je n’ai jamais pu appréhender la fièvre qui habitait Kaoru, seule une agitation nerveuse tourbillonne autour de moi, puis s’éteint.
Peut-être voulais-je saisir la haine à pleines mains ? Car si j’étais sans relâche habitée par la haine, je ne savais pas qui je haïssais. A chaque fois que je voyais quelqu’un, je disais : « Je hais Kaoru. Quand je pense à lui, j’ai la chair de poule ! » C’était vrai, quand je racontais aux gens la vie que je menais avec Kaoru, je sentais ma peau se hérisser. Mais quand il apparaissait dans ma chambre la nuit, je n’en pouvais plus de l’envie de le serrer dans mes bras. Je n’en finissais pas de l’étreindre de toutes mes forces, de me serrer contre lui. Ce n’était peut-être pas Kaoru que je haïssais, mais comme j’étais incapable d’identifier l’objet de ma haine, il se peut que je l’aie simplement cru.
Afficher en entier« Tu n’as pas froid ? On dirait que tu trembles », dit-il encore une fois.
Il est resté quelque temps appuyé contre le mur dans la même position, sans me quitter des yeux, comme s’il voulait scruter ce qui se passait dans mon cœur, puis il s’est effacé doucement. Il m’a semblé que nous étions l’un en face de l’autre depuis des années.Oui, j’avais l’impression que nous nous regardions depuis des dizaines d’années, peut-être même avant notre naissance. Mon corps et mon cœur étaient traversés par des aiguilles. Sans doute cette douleur ne s’éteindra-t-elle jamais. Pendant un certain temps, oui, la souffrance s’effaçait quand je prenais de la drogue, mais je n’en prends plus. Ce n’est pas seulement Kaoru qui a disparu. La fièvre de la rue, les bruits autour de moi, ceux avec qui je partageais la drogue, tout a disparu.
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