Extraits

Chapitre 42: un pirate...

Ils se dévisagèrent mutuellement, mais avant qu'un mot de plus soit prononcé, Éli poussa une exclamation creuse comme si elle venait de recevoir un coup au cœur. Elle resta pétrifiée de stupeur en examinant les traits du pirate qui marchait vers son frère. Les sourcils froncés, ce dernier se demandait d'où il pouvait bien le connaître, puis, sa mâchoire s'affaissa en le reconnaissant. Il se tourna aussitôt vers sa sœur qui s'était mise à trembler devant l'apparition. Ramaël voulu poser une main sur son épaule, mais la chasseresse avançait déjà vers le pirate. Totalement submergée par le torrent d'émotion, elle le saisit brusquement par le col pour le forcer à lui faire face.

— Oh! Attention! S'écria un homme. Amante furieuse!

Des rires se répandirent parmi les membres de l'équipage, dont les plus proches s'écartèrent du couple. Un mélange de colère et de peine assombrissait les pensées d'Éli. Face à elle, surpris, le pirate avait à demi levé le bras sans pourtant faire de geste pour retirer les mains qui serraient douloureusement le collet de sa chemise jadis blanche.

— Tu... cracha-t-elle. Tu...

Sans réussir à sortir un autre mot, incapable de maîtriser son corps secoué de tremblements, elle émit un grognement de rage et poussa l'homme d'un coup vers l'arrière. Ne s'attendant pas à une telle force, même d'une chasseresse, il perdit pied et se retrouva sur le dos, Éli atterrissant en califourchon sur son ventre. Totalement déconcerté, le pirate ne tenta pas davantage à se défendre. D'un côtém les rires augmentaient, alors que de l'autre régnait un silence anxieux.

— Qui... bafouilla-t-il. Mais sa voix mourut, alors qu'il croyait comprendre.

Lentement, il porta les doigts au mèches de cheveux noirs humides qu'il repoussa délicatement, révélant la totalité du visage de son assaillante.

Chapitre 9

Le regard toujours rivé sur Séjase, elle le reçut avec indifférence. D'un sourire forcé, la jeune femme caressa les cheveux noirs qui tombaient sur les épaules du garçon. Après quelques secondes, elle se leva et considéra ses compagnons sans sembler les apercevoir. Concentré sur l'esprit de Draëgher, elle avait ignoré sa mémoire, qui s'imposait maintenant avec force. C'était à son tour de voir défiler ses souvenirs. Par contre, pour elle, il n'y avait personne dans sa tête pour tempérer le flot d'images.

Étourdie, Éli s'éloigne de Kalessyn. Les visages dansaient devant ses yeux. Trop de noms, trop de souvenirs. Brusquement, son attention s'arrêta sur l'entrée de la tente et elle s'élança vers l'extérieur. Après quelques pas, elle s'immobilisa, de nouveau étourdie. Les visages l'avaient suivie. Des dizaines de visages. Tilka! Tilka était morte. Elle s'était fait prendre la cause de sa témérité; de son obstination à vouloir tout faire seule. Elle les avait entraînés à leur perte. Le ténébryss. Elle se revit plongée dans le flot d'âmes errantes. Les âmes errantes. Elles avaient détruit et tué... Et elle n'avait pu que s'enfuir et se cacher. En fait, elle n'aurait pu se cacher sans l'aide de Kalessyn, Tilka et Noëlle. Noëlle... Puis Tellïanessor était apparu et l'avait ramenée. Il s'était sacrifié pour elle. Éli tomba à genou sous l'assaut de la douleur.

Chapitre 19

Une affligeante réalité

P. 282

Au centre de la voie, Éli et Malek s'entraînaient à l'épée. Le visage de la chasseresse était crispé par un mélange de colère et de détermination. Toutefois, au coup plus puissant que lui asséna le guerrier, son arme alla choir à ses pieds. Dans un cri de rage, Éli s'en saisit et la lança agressivement contre la paroi. Elle leva ensuite ses mains vers elle en grimaçant de douleur. Consternée, elle marmonna :

- C'est inutile. Même avec mes souvenirs, je n'arrive plus à la manier.

Malek rengaina et prit ses poignets. Du pouce, il frotta doucement les cicatrices blanches. Depuis le retour de sa mémoire, la jeune femme tentait désespérément de retrouver son talent d'escrimeuse, mais même si la persévérance y était, son corps ne pouvait tout simplement plus suivre.

- J'ai fait mon possible, murmura-t-il, mais les dommages étaient déjà irréversibles lorsque je t'ai rejointe.

- Je sais.

Elle ajouta avec un mince sourire :

- Nous ne pourrons jamais vraiment évaluer qui était le plus doué.

- C'était moi, sans aucune hésitation.

Éli voulut reprendre ses mains, mais il les garda avec un sourire taquin.

- Pourquoi ne considères-tu pas la suggestion d'Adéleylka? demanda-t-il.

Il n'eut droit qu'à un profond soupir comme réponse. Devant sa difficulté flagrante à manier son épée, la sorcière du désert lui avait proposé de la remplacer par un bâton qui lui permettrait une prise plus solide. Les yeux rivés sur ses poignets torturés que Malek tenait toujours, la jeune femme murmura :

- Ma lame est une partie de moi. Peut-être avec plus d'entraînement...

- Éli, rétorqua-t-il, ça ne reviendra pas comme avant. Tu peux t'entraîner, tenter de les endurcir, mais tu ne pourras pas te montrer aussi agile que tu l'étais. Tu dois réapprendre à ajuster tes mouvements et ta force à leur capacité. Ou utiliser une arme plus adéquate. Tu sais manier le bâton?

- Oui, marmonna la guerrière en jetant un coup d'oeil maussade à sa soeur sorcière.

Celle-ci s'approcha sans prendre ombrage de l'expression peu avenante d'Éli. Malek lui embrassa les mains et la libéra pour la pousser vers Adéleylka. Avec un second soupir, elle s'empara du bâton qu'elle lui tendit.