La vengeance d'esther

Pendant que les garçons s'étourdissaient sur place en écoutant cette musique venue d'ailleurs, les filles s'avançaient près de la scène où déjà des jeunes s'étaient mis à danser. L'ambiance était chaude, une belle nuit commençait qui, par la magie des mots accolés aux notes, transportait les fans de Kat Luno dans un univers apaisé. Il avait beau avoir glissé ses colères et sa violence dans ses chansons, il avait beau hurler dans le micro pour réclamer l'avènement d'un monde meilleur, nul n'aurait qualifié le rappeur de chanteur engagé ou militant. Ce qu'il ressentait, l'angoisse des fins de mois, la crainte des violences gratuites, le désespoir qui vient avec la perte d'un ami ou d'un amour, tout le monde pouvait l'éprouver sans pour autant militer.

Certains critiques lui avaient reproché d'avoir écrit une chanson en l'honneur des héros de l'antimondialisation, qui disait "Attac, attaque, A Gênes, sois sans-gêne". Les militants qui avaient eu maille à partir avec les forces de l'ordre à l'occasion du sommet des pays les plus riches avaient tous ces paroles aux lèvres au moment d'affronter les policiers. Si bien qu'au lendemain de ces événements douloureux qui avaient fait un mort parmi les jeunes antimondialisation, la formule "sans-gênes" était passé dans le vocabulaire courant et le titre de Kat Luno avait voyagé jusque dans les endroits les plus reculé d'Amérique du Sud où s'activait le sous-commandant Marcos.