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Inquiète. Déboussolée. Voilà comment elle se sentait quand elle découvrait ces images qui l’attendaient dans le bac de sortie de l’imprimante. Elle en avait parlé à quelques personnes autour d’elle, qui l’avaient gentiment taquinée en lui suggérant de revoir à la baisse sa consommation d’alcool et de substances illicites. De fait, Madeline appréciait le bon vin, et il lui arrivait de s’allumer un joint, mais elle savait rester raisonnable. Il n’y avait qu’au lit qu’elle s’autorisait à s’abandonner, à perdre la maîtrise d’elle-même.
Afficher en entierLe décor de la partie gauche de l’œuvre ramenait le spectateur cent ans en arrière, dans l’intimité d’une femme en chemise de nuit couleur crème. L’épais tissu du vêtement donnait une impression de confort et de sécurité, tandis qu’on apercevait, à travers une fenêtre, les teintes rose pamplemousse d’un matin ensoleillé. Dans l’atmosphère bleu nuit d’une soirée contemporaine, la femme peinte sur la partie droite de l’œuvre portait un négligé de soie blanc qui mettait en valeur sa peau bronzée. La pointe de ses seins dardait sous le tissu délicat.
Afficher en entierEight Days se trouvait dans la section « Archives » du site Web. Elle aimait jeter un œil, de temps à autre, aux œuvres qui lui avaient appartenu autrefois, tout comme elle aimait lire, sous chaque image, les commentaires des visiteurs du site. Il était toujours intéressant de savoir ce que le public pensait des tableaux qui faisaient ou avaient fait partie de sa collection.
Pourtant, elle ne prenait aucun plaisir à lire ce qui était écrit sous le dessin de Dudlin. D’ailleurs, elle avait lu ces mots tant de fois qu’ils dansaient à présent sur l’écran, illisibles. Enfin, elle parvint à maîtriser le mouvement paniqué de ses yeux pour les lire un par un. Ils étaient alignés en blanc sur fond noir, et elle les vit soudain comme une forme d’art en soi. Peut-être était-elle, finalement, en train de s’ouvrir à la force des mots.
Afficher en entierMadeline Saga n’avait jamais vraiment adhéré au procédé qui consistait à inclure des mots dans un tableau. Elle avait toujours considéré ces œuvres avec une certaine distance. Pour elle, les mots choisis ou l’image qu’ils formaient manquaient chaque fois de force. Elle se souvenait d’un tableau qu’elle avait vu dans une galerie de Chelsea : le mot « FEU » était inscrit en haut de la toile. Au-dessous se trouvait plusieurs fois le même mot qui, tourné dans tous les sens, formait une rose couleur sang. Madeline pensait comprendre l’intention de l’artiste, cette opposition entre un mot inquiétant et le symbole romantique de la fleur. Une rose rouge faisait penser à la passion, un sentiment où amour et violence se mêlaient intimement. Madeline était bien placée pour savoir que, comme le feu, la passion réchauffait autant qu’elle brûlait. Pourtant, l’image ne l’avait pas touchée au cœur. Madeline attendait d’une œuvre d’art qu’elle la remue, qu’elle la dérange, qu’elle la bouleverse. Mais cette rose dont les pétales étaient constitués d’un mot répété n’avait pas eu cet effet sur elle. Peut-être n’était-elle pas une littéraire, songeait-elle parfois. Peut-être n’était-elle pas suffisamment sensible au pouvoir des mots.
Afficher en entierAh ! ce laps de temps béni entre le retrait du jury et son retour avec un verdict… La loi, qui donne un nom à chaque situation — voir dire, res ipsa loquitur, etc. —, n’en avait pas trouvé pour cet étrange moment. Pendant que les jurés étaient réunis dans une pièce étouffante pour décider d’un verdict, les avocats qui avaient tout fait pour les convaincre de l’innocence de leur client se prenaient immanquablement à espérer. Oui, c’était le temps de l’espoir, le moment où tout était encore possible.
Afficher en entierLa voiture m’a déposée au pied des marches, que j’ai gravies d’un bon pas. A l’intérieur, j’ai présenté ma carte professionnelle à Tommy, un policier que je commençais à bien connaître. Il m’a laissée passer avec un mot gentil, et quelques secondes plus tard je m’engouffrais dans un ascenseur. Destination : le cinquième étage, où se trouvait la salle d’audience évoquée par Quentin.
Un grand calme régnait derrière la porte massive. La salle était déserte, à l’exception de Maggie qui se tenait derrière la table de la défense et de deux types aux allures de procureurs. On les reconnaissait à cette sorte d’arrogance bienveillante qui émanait d’eux. Pourquoi se seraient-ils montrés humbles, soit dit en passant ? Ici, dans le comté de Cook, l’Etat gagnait la grande majorité des procès.
Afficher en entierLe chauffeur de taxi, qui entretenait une conversation téléphonique à l’aide d’une oreillette sans fil, n’a pas interrompu son bavardage dans une langue inconnue. Il s’est contenté de faire demi-tour avec un calme proportionnellement inverse à la frénésie de la circulation, traversant trois des quatre voies de LaSalle Street. Quelques coups de Klaxon sans conviction ont salué l’audacieuse manœuvre, mais le semblant de réprobation est aussitôt retombé, les automobilistes étant manifestement plus intéressés par leurs propres conversations téléphoniques ou par les chansons que diffusait la radio. Les habitants de Chicago restaient généralement calmes face aux excités du volant, sans doute conscients que tout le monde faisait de son mieux pour arriver à destination, quitte à prendre quelques libertés avec le Code de la route.
Afficher en entierImpossible de coiffer de nouveau ma casquette de détective à temps partiel sans en parler d’abord à Maggie.
Au lendemain de ma conversation avec Mayburn, je me trouvais dans un taxi après avoir rendu visite à un nouveau client — un célèbre psychiatre soupçonné d’avoir délivré des ordonnances de complaisance pour arrondir ses fins de mois —, quand j’ai appelé Quentin.
Afficher en entierElle finissait par disparaître de nouveau, cette fois dans une des pièces du fond. Elle y restait parfois quelques minutes, parfois des heures entières. L’attente devenait alors une torture qui pouvait s’avérer délicieuse. Quand elle se décidait enfin à quitter la galerie et que l’excitation retombait, il se formait un grand vide que seule venait remplir une vague tristesse.
Mais Madeline reviendrait vite, et il serait de nouveau possible de l’observer à son insu.
Afficher en entierObserver Madeline Saga à travers les larges vitrines de sa galerie était devenu une obsession. Madeline avait une obsession, elle aussi : l’art.
Elle passait sa journée dans sa galerie et y retournait même dans la soirée, souvent dans une tenue plus décontractée, ses cheveux noirs et soyeux tirés sans façon en arrière.
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