La Voix de l'eau

Un dimanche de beau temps pendant la saison des pluies, une petite fille de quatre ans s'est noyée dans un lac de retenue en pleine montagne, à trois kilomètres environ du grand ensemble où elle vivait. C'était un endroit où les adultes et les jeunes gens venaient pêcher, et cette petite fille y était déjà allée deux ou trois fois avec son père. Mais ce jour-là, son père était resté à la maison. En début d'après-midi, fatiguée d'avoir joué toute seule à l'intérieur, elle était sortie. En robe blanche, avec des rubans dans ses cheveux roux et bouclés, elle avait mis ses chaussures rouges pour sortir. On ne savait pas ce qui s'était passé ensuite. Un moment plus tard, sa mère était passée chez ses petites amies où elle pensait qu'elle était allée jouer, mais ne l'avait trouvée nulle part.

Il paraît que des lycéens ont dit avoir vu à la même heure une petite fille en robe blanche jouer toute seule au bord de ce lac de retenue dans la montagne.

— Il n'y avait personne avec elle ? ont demandé les policiers.

— Elle était seule. Elle a dû voir des gens partir avec leur canne à pêche et elle les aura suivis. Comme un petit chien, ont ajouté les lycéens.

Ils avaient dépassé l'endroit où jouait la petite fille pour aller pêcher juste en face sur l'autre rive.

— Sur la berge en face, on a vu quelque chose de blanc s'élever légèrement dans le ciel.

— Vous n'avez pas pensé que la petite fille avait pu tomber ?

— On était trop loin, c'était impossible. On aurait dit un papier soulevé par le vent, et tout de suite absorbé par l'eau.

Un moment plus tard, une chaussure d'enfant en plastique rouge était remontée à la surface, provoquant l'agitation autour du lac. On a donné aux parents de la fillette cette chaussure rouge encore mouillée, mais l'air incrédule, ils n'arrivaient toujours pas à croire à la mort soudaine de leur enfant.

Si le corps de cette petite fille avait mis trois jours avant de remonter, c'est à cause des plantes aquatiques qui poussaient en quantité au fond du lac. Depuis le soir de la noyade, il n'avait cessé de pleuvoir violemment. La surface du lac était trouble, et d'une couleur si épouvantable qu'elle ne paraissait pas avoir absorbé une enfant.

Au matin du quatrième jour, la pluie avait cessé, et à la surface de l'eau où se reflétaient les nuages se découpait un petit cercle blanc. Il flottait tranquillement entre les nuages et le bleu du ciel, comme un parapluie séchant au soleil d'été. Au centre, on distinguait la moitié d'une petite tête noire et mouillée. Le cercle était dessiné par la robe de la petite fille.

La mère de la fillette était une grosse femme d'âge mûr. Prostrée au bord de l'eau, elle regardait le cercle blanc que l'on rapprochait du bateau à l'aide d'une perche.

— Avec les enfants, il faut toujours ouvrir l'œil, murmuraient les badauds sur la berge.

— On dirait qu'elle est venue là exprès pour mourir.

— Toute seule, en plus.

C'était trop tard pour faire quoi que ce soit. Si elle avait été vivante, elle se serait fait gronder et aurait certainement reçu une fessée, mais on ne pouvait donner la fessée à une enfant morte. Sa vie avait été tranchée si brutalement !

Sur l'herbe, au bord de l'eau, là où la fillette n'avait pas pu remonter, on avait déposé de l'encens et des fleurs. Dans le minuscule cercueil, on l'avait entourée de friandises et de poupées. Pendant que l'on clouait le couvercle, elle était restée immobile au milieu de toutes ces choses qui lui auraient tellement fait plaisir si elle avait été vivante.