Ajouter un extrait
Liste des extraits
Il n'y aura pas de tableau d'honneur pour glorifier son nom, parce que les voleurs n'ont ni tableau d'honneur ni livre d'or. Les voleurs ne veulent pas d'autre mémoire que la leur. Et ils ne rédigent ni instructions ni manuel. Jamais.
Afficher en entierL’Institut pour enfants spéciaux Edgar G. Stanislas Moser était situé derrière la berge caillouteuse méridionale de la Duma, là où le fleuve formait une grande anse et où ses eaux prenaient la couleur de l’ardoise. C’était un édifice carré de six étages, qui comportait cinquante-deux fenêtres sur chaque côté. Il abritait vingt-quatre salles de classe (au premier étage), un petit hôpital (au deuxième), un réfectoire et une salle de récréation (au troisième), une bibliothèque qui malheureusement ne contenait que trente et un livres (et qui se trouvait au quatrième étage, comme les bureaux des enseignants et d’autres endroits interdits aux élèves), et enfin vingt-quatre dortoirs (au cinquième et au sixième étage). À l’Institut, les chiffres étaient fondamentaux. Les étages étaient numérotés, ainsi que les plateaux du réfectoire et les casiers de rangement, les essuie-mains et les rouleaux de papier hygiénique. Et les enfants, tous autant qu’ils étaient, dans une langue différente selon les années. One-Two-Three, Eins-Zwei-Drei, mais aussi Odin-Dva-Tri et Yi-Er-San. C’était un monde fermé et ordonné, protégé par l’imposante grille de fer qui ne s’ouvrait jamais, sauf pour laisser entrer quelques garçons de courses qui arrivaient très vite et s’en allaient tout aussi rapidement. Ou pour accueillir un nouvel orphelin. La vie entre ces murs était régie par des règles simples. Les petits pensionnaires savaient toujours comment saluer un enseignant, quand lire un livre, quand prendre leur bain. Le temps était scandé par de grosses horloges électriques installées sur les paliers de chaque étage. Les années, les mois et les semaines obéissaient à des calendriers précis qui prévoyaient et organisaient toute forme d’activité. Il y avait des « occasions spéciales », telle la Journée des Adoptions, où les papas et les mamans de la ville venaient rendre visite aux orphelins, en câlinaient parfois un et, s’ils le souhaitaient, étaient autorisés à l’emmener chez eux. Le fait était rare, néanmoins, et ne concernait que de ravissants bambins qui ressemblaient à des poupons aux boucles d’or. Il y avait également des « heures spéciales » et des « minutes spéciales », et, à la longue, Twelve avait parfois l’impression d’être spéciale elle aussi.
Afficher en entier