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Extrait

Extrait ajouté par Lilavie 2019-04-25T17:57:30+02:00

D’un pas vif, il prit le chemin de ses bois, un peu fâché contre lui-même d’être resté si tard, il n’était pas prudent de s’aventurer en pleine nuit dans une région qui fourmillait de serpents. Heureusement, en ce mois de novembre la lune était haute et brillait de tout son éclat, éclairant la campagne d’une belle couleur. De temps en temps, il s’arrêtait et buvait une gorgée, se disant que s’il était trop ivre pour continuer, eh bien il s’écroulerait au pied d’un arbre et dormirait jusqu’au petit matin, comme cela lui était arrivé bien des fois.

Au fur et à mesure qu’il progressait dans les hautes herbes, sa démarche se faisait plus lourde, il s’arrêtait de plus en plus fréquemment pour boire. C’est avec un soupir de soulagement qu’il vit apparaître le gigantesque manguier sous lequel il aimait bien cuver son rhum. Il y avait au pied de cet arbre immense qui défiait le temps et les cyclones, une sorte de lit naturel, fait d’herbe rase et grasse semblable à la pelouse bien entretenue d’un béké. Bien sûr Lapo Farine n’était pas le seul utilisateur de ce petit coin, durant la journée les vaches aimaient bien venir paître à l'ombre rafraîchissante du manguier, et les paysans du coin y attachaient volontiers leurs moutons et cabris. Mais il n’était pas difficile, à l’aide de son bâton il poussait les bouses de vache ou le crottin qui le gênaient et il se laissait tomber dans l’herbe, avec un «ha» de satisfaction. Ce qu’il fit une nouvelle fois ce soir-là, provoquant la fuite éperdue d’une mangouste. L’un des plus grands plaisirs de Lapo Farine, homme qui depuis sa plus tendre enfance n’avait jamais connu les caresses, était de s’adosser à un arbre ou à un mur, pour se frotter le dos. Il ronronnait littéralement semblable à un gros matou gourmand. L’écorce rugueuse de l’arbre lui procurait une sensation...

- Kabrit bwa, mangous, mwen ka domi isi ya swé ya, mé avan mwen ké pran an kout ronm... (cabri bois, mangouste, je vais dormir ici, mais avant je vais prendre un coup de rhum)

Parler à la nature et à ses hôtes était une habitude de l’homme. Quand il lui arrivait de passer des semaines entières dans les bois, il éprouvait le besoin d’entendre une voix, même la sienne. Alors il se mettait à parler, à hurler à propos de tout et de rien. Il invectivait les nuages, insultait le soleil, injuriait les mangoustes qui à quelques pas de lui le regardaient de leurs yeux pétillants. Elles savaient bien que ce grand gueulard n’était pas méchant et qu’elles ne risquaient rien d’autre que de le voir s’approprier avec son bâton redoutable, le serpent qu’elles convoitaient déjà. A vrai dire Lapo Farine faisait tout pour qu’elles demeurent non loin de sa cabane, elles étaient des gardiennes infaillibles contre les serpents. Après un bâillement, de nouveau il déboucha sa bouteille de rhum et la porta à sa bouche, mais son geste demeura en suspens tandis que ses cheveux se dressaient sur sa tête. Il retint sa respiration et écouta de toutes ses oreilles pour petites qu’elles fussent... Il ne vit rien ; petit à petit il se calma et se dit que finalement il n’était que vingt heures, et qu’à sa connaissance les zombis et les « chouval twa pat » (cheval trois pattes), ne sortaient pas avant minuit. Tout de même, il avait bel et bien entendu le gazouillis d’un bébé ! Un bébé en plein bois du Prêcheur et à vingt heures ! Non, décidément, cela devait être le rhum, c'est qu’il avait déjà avalé près de la moitié de la bouteille. Il sursauta...

Cette fois pas de doute, il y avait un bébé quelque part. Un bébé ou quelque mauvais esprit ayant pris l’apparence d’un bébé. Il l’avait entendu nettement sans risque d’erreur. Il avala précipitamment une rasade de rhum, en un temps record, il s’était redressé, avait enlevé sa chemise, son pantalon et l’espèce de sac qui lui servait de slip. Tremblant de tous ses membres il s’était revêtu, mais cette fois en mettant ses vêtements à l’envers. C’était dit-on une manière efficace de lutter contre les engagés, les zombis, les dorlis, et tous ceux qui traficotaient avec l’au-delà...

- Arrière Satan gronda-t-il de sa voix puissante…

Aussitôt les pleurs rageurs et affolés d’un bébé lui répondirent. Lapo Farine n’était pas peureux, mais un bébé qui hurlait pareillement dans un champ à cette heure de la nuit, cela avait quelque chose d’anormal et avait sans aucun doute un lien direct avec messire Lucifer ou l’un de ses représentants, aussi remit-il toute discussion à plus tard et il prit ses jambes à son cou, jetant la panique dans toute la faune nocturne. Il courut ainsi un bon kilomètre, puis s’arrêta essoufflé. Il se laissa tomber lourdement sur le sol et secoua violemment la tête comme s’il avait voulu se débarrasser des vapeurs d'alcool qui lui embrouillaient le raisonnement...

— Sé pa révé man révé maugréait-il, man tann an ti manmay ki té ka pléré. (Bon sang, je n’ai pas rêvé, j’ai bel et bien entendu un enfant pleurer.)

Il poussa soudain un formidable juron en se redressant d’un bond. Son rhum ! Dans sa fuite éperdue, il avait oublié ses deux bouteilles de rhum. Une sourde colère gonfla sa poitrine et fit trembler ses mains. Ah ça non, son rhum était sacré, il ne pouvait le laisser à personne, même pas à Lucifer, il fit un rapide signe de croix, fit un nœud aux poches de son pantalon toujours mis a l’envers, puis serrant farouchement son bâton, il retourna vers le manguier en chantant d’une voix forte...

- Wé, wé, sé mwen Lapo Farine mwen ka monté, Sin Michel an lé mwen, wé, wé, sin Michel épi mwen... (regarde, regarde, c'est moi Lapo Farine, j'arrive, Saint Michel vient avec moi, regarde, regarde, Saint Michel est avec moi...)

Faisant tournoyer son bâton, résolu à récupérer ses bouteilles de rhum, il avançait...

— Wé, wé, le gran sin Michel la épi mwen, sé li ka poté mwen, mwen pa pe pésonn... (Regarde, regarde, le grand Saint Michel est là avec moi, c'est lui qui me porte, je n'ai peur de personne...)

A quelques mètres du manguier il s’arrêta, hésitant entre une nouvelle fuite et le désir féroce de récupérer ses bouteilles. Indifférentes, les branches du manguier se balançaient au gré du vent dans le bruissement confus de leurs feuilles. A pas de coq djem il s’avança, il voulut bien réciter une prière, mais à l’époque de l'instruction religieuse, il n’avait pas été capable de retenir plus de trois phrases; tenant son bâton à deux mains, prêt à frapper, il se contentait de murmurer « Notre père qui est aux cieux » et « Je vous salue Marie pleine de grâce ».

C’était tout ce qu’il pouvait faire. Il s’arrêta pile...

Là, à quelques pas de lui, un bébé le regardait. Il resta figé, le bâton haut levé, tandis qu’un pet assourdissant lui échappait. Plusieurs secondes passèrent il avait envie de fuir, une sueur glacée était née à la base du cou et descendait lentement le long de la colonne vertébrale. Non seulement il ne s’enfuit pas, mais il mit prudemment un pied devant un autre, fit un pas, puis un autre, son bâton toujours haut levé, il progressait à la manière des samouraïs.

-— Si ou sé an zombi mwen ké dépotjo1é’w, si ou sé an angajé mwen ké pitché’w é ou ké déséché isi a,sé mwen Lapo Farine ki palé, le gran Sin Michel épi mwen... (Si tu es un zombi je t'enlève ta peau, si tu es un quimboiseur je te pique et tu te dessécheras, parole de Lapo Farine et le grand Saint Michel me protège)...

ll avançait, et le bébé le regardait. La lune, là-haut dans le ciel sembla redoubler d’éclat, comme si elle avait voulu éclairer de tous ses feux cette scène qui se déroulait sur la terre des hommes.

Lapo Farine voyait nettement le visage du bébé. Il était là, tranquille, ses deux petites mains attrapant ses petits pieds, comme font tous les enfants du monde. Un bonnet lui enserrait la tête et il était vêtu de ce qui semblait être une barboteuse. Lapo Farine avançait toujours, comme hypnotisé...

— Ou sé an zombi disait-il entre ses dents, mwen save ou sé an zombi...

(Tu es un zombi, je sais que tu es un zombi...)

Il était maintenant à un mètre à peine du bébé qui continuait à le regarder. Il affermit son bâton dans ses mains puissantes, retint sa respiration, prit son élan et l’abaissa. Mais il s’arrêta net, comme si un mur invisible avait arrêté le coup terrible qu’il s’apprêtait à porter. C’est que des yeux avaient croisé les siens. Des yeux clairs et innocents, des yeux de bébé. Immobile, le cerveau en feu, Lapo Farine était en proie à des sentiments contradictoires. La peur d’être en face d’un esprit malin et l’intuition d’être en face d’un bébé tout à fait normal. Dans ce cas que diable faisait-il à cette heure en plein champ ? Lentement il abaissa son bâton, sur ses gardes il contempla ce petit corps et petit à petit toute peur s’envola...

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