Extraits

L'homme a souvent considéré, à tort, que les ténèbres consistent en une entité propre, alors qu'elles ne sont qu'absence de lumière. Elles n'existent que par un manque et, s'il faut convenir qu'elles incarnent bien quelque chose, ce n'est rien d'autre que le néant.

« - Nous devons être un peuple éduqué, qui comprend les enjeux, les difficultés, les subtilités et qui parvient à ne plus raisonner avec la peur. En pensant au groupe plutôt qu’à chacun. Nous avons besoin d’argent, de financement du système éducatif et social dans son ensemble, et dans une société ruinée, tandis qu’il est également impératif de subvenir à notre défense, ça devient de plus en plus compliqué. Nous vivons un moment capital dans l’histoire de nos démocraties, elles pourraient imploser.

Marc n’avait pas de mots pour répondre. Chaque siècle depuis la naissance des civilisations avait connu une guerre massive, une transformation des Etats, des mentalités, des peuples. Par quelle illusion pouvait-on croire que celui-ci serait différent ? Parce que les hommes apprennent de leurs erreurs ?

Mieux valait l’espérer, l’heure était venue pour l’humanité de le prouver. »

– C’est pas interdit ce discours intégriste ? s’étonna Guilhem.

– Pas directement. C’est la liberté d’expression et de culte qui prévaut. Tant que le discours n’incite pas à la haine ou à la rébellion. Les catholiques intégristes qui prônent une société sans avortement, sans droits pour les homosexuels, où la place de la femme serait rétrograde et où l’homme ne descendrait pas du singe mais d’Adam et Ève ne sont pas interdits non plus, que je sache. Environ cinq pour cent des lieux de culte musulmans en France sont salafistes, soit très peu en réalité.

– Sur combien de mosquées en tout ?

– Mosquées ou lieux de prière, on les estime à environ deux mille cinq cents sur tout le territoire. En comparaison des cinquante mille édifices catholiques environ, vous pouvez tout de suite relativiser le discours de ceux qui racontent que la religion en France est en train de basculer !

Le coup du clebs qu'on recherche était parfait pour passer inperçu, en tout cas pour ne pas éveiller les soupçons tandis qu'il scrutait les alentours pour s'assurer que personne ne le voyait, du moins le croyait-il, et s'aventurer un peu partout.

D’après Yves, qui avait appelé les flics du secteur où le dealer vivait, le type était suspecté d’être à présent un gros bonnet dans sa cité de Seine-Saint-Denis. Consommateur, guetteur, passeur, dealer, coupable d’outrages, d’agressions et de possession d’armes, l’homme avait toutes les décorations d’un futur général qu’on enterrerait en pleine gloire pour avoir tout donné sans retenue à sa guerre.

- Tu crois qu'ils s'abandonnent totalement, ceux que l'on traque ?

- À Dieu ? Oui. Je pense que pour certains c'est plus facile de vivre ainsi, entièrement soumis, ça les débarrasse de toute responsabilité puisque tout est sa volonté. D'autre s'abandonnent à lui parce qu'ils ne supportent pas qui ils sont et c'est donc un moyen de se nier. Certains parce qu'ils ont peur, parce qu'ils sont terrifiés par la vie, et cela donne un sens à la mort qu'ils se mettent à chérir. Quelques uns sont bêtes, et ils font ce qu'on leur dit. Et ainsi de suite...

Exactement le même discours! Ils affirment eux aussi que nous avons tout essayé et que ça n'a pas fonctionné, ni la gauche, ni la droite, ni même le centre, et qu'il est temps d'oser le vrai changement, de ne plus avoir peur de revenir aux sources de nos valeurs occidentales. Jusqu'à quel point? Cette ressemblance dans l'excès me fait flipper, dans les deux cas la frustration et la peur prennent le contrôle sur la raison. Nous sommes dans un choc des cultures, et chacun réagit de la même manière en se repliant sur soi. Nos différences, plutôt que de nous enrichir mutuellement, nous éloignent un peu plus à chaque attentat et personne ne bouge.

Les étudiants circulaient dans les couloirs de l'université, la moitié l’œil rivé à leur portable comme s'il s'agissait d'un prolongement d'eux-mêmes, ce qui était le cas, réalisa Ludivine. Un appendice de communication. Tout ce qu'on ne se disait pas en face devenait plus simple, plus immédiat désormais sur les réseaux sociaux. Un like, un commentaire, un retweet, une photo... autant de rituels quotidiens qui traduisaient un langage parallèle à la réalité. Ludivine se demanda combien d'entre eux préféraient leur vie sur internet à celle qu'ils menaient en vrai, avec la chair et les sens.

Son père lui expliqua que tuer un homme ne faisait pas de lui un homme. Un pêcheur ne devient pas pêcheur en volant le poisson rapporté par un autre.

Un vrai pervers répond à des tiraillements profonds et intimes, il est l’esclave de ses perversions, certainement pas capable de les manipuler pour rendre service ou gagner de l’argent !