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Pouvait-il au moins se permettre de dérober un ou deux autres baisers avant de retourner se fondre dans la forêt ? Comme un écureuil constituerait des provisions en vue de l’hiver, il envisageait déjà d’emmagasiner des souvenirs. Quelques miettes de chaleur à se repasser lorsque le froid de la solitude reviendrait s’insinuer jusque dans ses tripes pour lui rappeler tout ce qu’il n’aurait jamais une fois cet humain sorti de sa vie.
- Qu’est-ce que tu veux, alors ? chuchota Sander, presque durement.
- Toi.
Réponse réflexe que ni Will ni sa bête n’avaient anticipée.
- Merde, souffla-t-il, presque désespéré. Ce n’était pas du tout comme ça que les choses étaient censées se passer. Je n’ai jamais voulu ça…
- Quoi donc ?
Te mêler à cette enquête et à nos vilains petits secrets…
- Foutre le bordel dans ta vie, dit-il à la place.
Sander laissa échapper un drôle de rire.
- Ma vie est déjà un merdier sans nom, ranger. Un peu plus, un peu moins… Et puis je crois que tu as compris que tu me plaisais. Je ne savais juste pas que c’était réciproque…
- On va dire que j’avais fait en sorte que tu ne le remarques pas, avoua Will, piteux.
- Alors pourquoi maintenant ? Qu’est-ce qui a changé ?
Le paquet de noisettes oublié sur le bar lui revint en mémoire et son renard en profita pour se blottir dans la tiédeur de cette étreinte, apaisé, somnolent.
- Peut-être que j’étais jaloux de ce type tout à l’heure. Ça m’a foutu en l’air de penser que lui et toi… Même si ça ne me regarde pas vraiment et que… Enfin…
Demi-vérités et balbutiements. Une prestation d’une grande éloquence, Mac Boyd. Félicitations.
Ce fut au tour de Sander de secouer la tête, son pouce reprenant distraitement ses caresses sur la nuque de son compagnon.
- Tu voulais prendre sa place ? demanda-t-il, une pointe de malice dans la voix.
- On dirait bien que j’ai réussi, non ?
- Pas tout à fait…
Sander se haussa sur la pointe des pieds pour compenser leurs quelques centimètres d’écart.
- Dernière chance, ranger…
- De quoi ? De te soutirer le meilleur coin pour pêcher le saumon?
- Connard…
Sander ne laissa pas son compagnon rétorquer et s’empara enfin de ce trophée tant convoité. La gourmandise et le besoin d’assouvir sa frustration auraient pu le pousser à la brutalité. À la place, il effleura la bouche offerte, quémandant une confirmation. Contre les siennes, les lèvres de Will étaient fermes, un peu humides et terriblement tentantes.
Will qui ressentit au plus profond de lui-même la vicieuse morsure de son renard.
Mais embrasse-le, bordel !
Trop heureux de céder enfin à cette pulsion, il avança d’un pas pour plaquer Sander contre le mur le plus proche.
Afficher en entier— Allez, avance donc au lieu de raconter des conneries.
— Je ne peux pas, y a ton gros cul qui gêne…
— Tu sais ce qu’il te dit mon cul, Jolan ?
— Qu’il devrait fréquenter ce jean qui le met si bien en valeur plus souvent ?
Merde, ça sortait d’où, ça ?
À en croire une soudaine odeur d’humiliation, Sander n’avait pas du tout prévu de laisser formuler cette pensée à voix haute.
Afficher en entier— Je peux te répondre ça sans risquer de me ramasser un autre pain ?
— J’aimerais porter à ton attention que je t’ai cogné uniquement pour m’assurer que tu respirais encore…
La pointe de gêne dans la voix de Sander tira un rire sincère à Will.
— Oh, donc c’était des gestes de premier secours ? Un genre de massage cardiaque ?
— Voilà, exactement. Tu m’ôtes les mots de la bouche.
— Tu ne te foutrais pas un peu de ma gueule, shérif ?
— Je n’oserais pas, ranger !
Afficher en entier— Et merde. Bon, j’y vais. Tu l’as planté où, le gentil monsieur des forêts ?
— Dans ton bureau.
— Super. J’espère que tu ne l’as pas trop arrosé, je ne voudrais pas qu’il prenne racine…
— Pardon ?
— Non, rien. Nancy, tu me referais du café, s’il te plaît ?
Afficher en entierSander se tendit, une horrible terreur lui broyant l’estomac et lui soulevant le cœur.
— Au secours ! hurla-t-il, dans l’espoir qu’un de ces foutus renards radioactifs se ramène et puisse faire quelque chose. Par ici ! Quelqu’un !
Afficher en entier- Garde les yeux et les oreilles ouverts aussi, veux-tu ?
- Chef, oui, chef ! s'exclama-t-elle dans une parodie de salut militaire.
- Merci. Bon, je crois qu'il est l'heure que je prenne la route, dit-il en s'étirant avec un bâillement contenu. C'est que je suis fonctionnaire, maintenant...
Il les salua mais, au moment où il tournait le dos, Céleste le retint.
- Mets une cravate ! Vous pourrez faire des cochonneries avec.
Elle ne récolta qu'un majeur levé.
Afficher en entier- Demain soir. Dîner. Chez moi. Tu viendras ?
- C'est proposé si gentiment.
- J'ai toujours un paquet de noisettes qui traîne sur mon bar...
- C'est un argument déloyal et tu le sais !
- Peut-être. Mais est-ce qu'il marche ?
- Ça se pourrait bien...
- Et donc qu'est-ce que tu attends exactement pour dire oui ?
- Ça...
Will se pencha pour l'embrasser.
Afficher en entierTrouver sa place. Se faire sa place. Jouer des coudes et des poings. Partir. Fuir. Revenir. Trouver le courage. Et un peu par hasard, au terme du voyage, poser ses bagages sur le seuil d'un foyer en pensant :" C'est là". Entendre le tic-tac de l'horloge et se dire: " C'est maintenant". Rencontrer un humain au moins aussi rafistolé et comprendre:"C'est lui".
Afficher en entier« Sander comprend soudain la véritable nature de cette magie qui le relie à Will. Une somme. Une gigantesque somme de hasards, de coïncidences. Des petits riens éparpillés, comme autant de tessons colorés qui scintilleraient dans la brume d’une aurore frissonnante. Ils s’agrègent, s’agglutinent et s’agglomèrent pour former autre chose : une évidence. Un chemin qu’il lui appartient de suivre ou d’oublier.
Le lien n’est pas une obligation, pas plus qu’une destinée. Il n’est qu’un choix offert à la croisée du songe »
Afficher en entierIl parcourut la distance qui le séparait du comptoir d’une démarche assurée et Will se surprit à laisser son regard glisser sur sa silhouette musclée. Pas à dire, Jolan était un robuste gaillard. Avec ses larges épaules et son torse charpenté, il évoquait un chêne. Solide et immuable. Sécurisant, d’une certaine manière.
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