L'art acrobatique de la fugue

Biarritz, France – 2012 – Récital

Il n’a aucune intention de poster la lettre qu’il est en train de rédiger, mais il sait qu’on la trouvera un jour. Dans la poche de sa veste peut-être, ou dans sa valise, ou bien encore dans quelques heures seulement (on ne sait jamais) sur le plateau couvert de vinyle du secrétaire de cette chambre d’hôtel premier prix, quand ses pilules auront finalement cessé d’agir et que toute la bande de ses maladies séniles, lancée à ses trousses, finira par le rattraper et le mettre sur le flanc, tels des chacals se disputant leur proie à terre. Lorsque quelqu’un le trouvera là, gisant sans défense, parcouru de soubresauts, cette lettre sera découverte, dépliée avec précaution, et elle répondra aux questions de toute la clique de ceux qu’il a abandonnés sans sourciller, les pleurnichards et les cinquièmes roues du carrosse, les ternes et les paternes (il les plaint à cet instant, avec cette même pitié ambivalente que l’on peut éprouver face à la lenteur d’un enfant déficient ou devant les sourires courageux et forcés de ses parents, qui prennent sur eux de lui apporter l’affection et la protection qu’il ne trouvera pas dans le monde).