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L'argent sert à être libre sur le champ, pas pour un avenir incertain.
Afficher en entierEt voyez, me voici à quatre, cinq ans traînant un bout de bois immense dans un terrain boueux. Il n’y a pas d’arbres ni de maisons autour, il n’y a que la sueur due à l’effort de traîner ce corps dur et la brûlure aiguë des paumes blessées par le bois. Je m’enfonce dans la boue jusqu’aux chevilles mais je dois tirer, je ne sais pas pourquoi, mais je dois le faire. Laissons ce premier souvenir tel qu’il est : ça ne me convient pas de faire des suppositions ou d’inventer. Je veux vous dire ce qui a été sans rien altérer.
Afficher en entier...combattre la peur de la mort, mot qui en réalité n'est pas plus effrayant que les mots maladie, esclavage ou torture. Je ne me confronterais plus avec la mort, avec cette ligne d'arrivée qui, si on ne la redoute plus, rend éternelle chaque heure pleinement savourée. Mais il fallait être libre, profiter de chaque instant, expérimenter chaque pas de cette promenade que nous appelons vie.
Afficher en entierJ'appris à lire les livres d'une autre façon. Au fur et à mesure que je rencontrais certains mots, certains adjectifs, je les sortais de leur contexte et les analysais pour voir s'ils pouvaient être employés dans "mon" contexte. Dans cette première tentative d'identifier le mensonge caché derrière des mots qui avaient, y compris sur moi, un pouvoir de suggestion, je m'aperçus de combien d'entre eux et donc de combien de fausses idées j'avais été victime.
Afficher en entier"Le mal réside dans les mots que la tradition a voulus absolus, dans les significations dénaturées que les mots continuent à revêtir. Le mot amour mentait, exactement comme le mot mort. Beaucoup de mots mentaient, ils mentaient presque tous. Voilà ce que je devais faire : étudier les mots exactement comme on étudie les plantes, les animaux. Et puis, les nettoyer de la moisissure, les délivrer des incrustations de siècles de tradition, en inventer de nouveaux, et surtout écarter pour ne plus m'en servir ceux que l'usage quotidien emploie avec le plus de fréquence, les plus pourris, comme : sublime, devoir, tradition, abnégation, humilité, âme, pudeur, cœur, héroïsme, sentiment, piété, sacrifice, résignation."
Afficher en entierNon, on ne peut communiquer à personne cette plénitude de joie que donne l'excitation vitale de défier le temps à deux, d'être partenaires dans l'art de le dilater, en le vivant le plus intensément possible avant que ne sonne l'heure de la dernière aventure. Et si cet homme - mon vieux petit ami - s'étend sur moi avec son beau corps lourd et léger, et me prend comme il le fait maintenant, ou me baise entre les jambes comme Tuzzu le faisait autrefois, je me retrouve à penser bizarrement que la mort ne sera peut-être qu'un orgasme aussi comblant que celui-là.
Afficher en entierQuand Modesta ne savait pas nager, la distance entre elle et ce regard la faisait trembler d'espérance et de peur. Maintenant seule une paix profonde envahit son corps mûr à chaque émotion de la peau, des veines, des jointures. Corps maître de lui-même, rendu savant par l'intelligence de la chair. Intelligence profonde de la matière... du toucher, du regard, du palais. Renversée sur le rocher, Modesta observe comme ses sens mûris peuvent contenir, sans fragiles peurs d'enfance, tout l'azur, le vent, l'espace. Etonnée, elle découvre la signification du savoir que son corps a su conquérir dans ce long, ce bref trajet de ses cinquante ans. C'est comme une seconde jeunesse avec en plus la conscience précise d'être jeune, la conscience des manières de jouir, de toucher, regarder. Cinquante ans, âge d'or des découvertes, cinquante ans, âge heureux injustement calomnié par l'état civil et les poètes".
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