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Et il a été fier de moi. Il me l’a dit quand je suis descendue de cheval. Il m’a prise dans ses bras pour me féliciter. J’ai vu qu’il avait les yeux humides et le sourire heureux. Je ne suis pas passée loin de la qualification… Je vais repartir sans déshonneur. J’ai presque eu plaisir à passer les obstacles, à voler par-dessus. Freedom a été parfait. Je suis contente de finir sur cette note positive. Non pas que ça remette en question les décisions que je m’apprête à prendre, mais c’est déjà pas mal. Peut-être qu’un jour je monterai par plaisir ? Peut-être aussi que le côté « préparation aux CSO », un peu compète, n’était pas pour moi ? Peut-être que galoper avec maman sur la plage des Trois-Moutons, une fois de temps en temps, en loisir, me ferait plaisir quand même ? Après tout…
Afficher en entierJe ne l’ai pas vraiment vue arriver. Elle a surgi de nulle part. Elle doit avoir à peu près mon âge. Elle est vêtue d’un short et d’un débardeur. Si elle avait porté une tenue d’équitation, j’aurais répondu « non » à son : « Je peux m’asseoir à côté de toi ? » Je suppose qu’elle est comme moi : elle cherche l’ombre. Il fait trop chaud et toute la zone du concours est en plein cagnard. C’est qui, cette fille ? Une spectatrice égarée ? J’arbore un air renfrogné qui n’a pas dû lui échapper. Je n’ai pas spécialement envie de discuter. Apparemment, elle non plus : pendant un long moment, elle ne dit rien. J’ai l’étrange sentiment de partager plus qu’un simple silence avec elle. Comme si nos bulles respectives étaient perméables. Bizarrement, c’est moi qui romps notre pacte tacite de non-communication en lui adressant la parole :
– Tu montes à cheval, toi ?
– Moi, non. Je dois avoir une seule balade à poney à mon actif. Quand j’étais petite, sur un parking, dit-elle en pouffant de rire.
– Et donc… Tu aimes assister à des concours ?
– Pas vraiment. Mais mon cousin monte, aujourd’hui. C’est pour ça que je suis venue. De temps en temps, ça m’arrive… Surtout cette fois : c’est son centre, ici. Il y passe des heures !
– Ah…
Afficher en entierPourtant, au ton de sa voix, à sa mine dépitée, je vois, je sais qu’il est déçu. Je l’ai déçu, et c’est ça, juste ça, qui m’embête… Au fond l’aurait-il été davantage si j’avais abandonné ou déclaré forfait ? Je ne le crois pas. Mais je ne sais pas répondre à ses paroles ni, surtout, à sa déception. Je me sens nulle. Et dans ces cas-là, j’ai une parade : je laisse tout en plan et je tourne les talons. Je lui mets d’autorité la bride de Freedom dans la main. Ce qui revient à lui imposer de s’en occuper sans lui demander son avis… J’ai simplement besoin de prendre le large. De toute façon, il adore ce cheval : il l’a vu naître – sa naissance fut même un prétexte pour faire revenir ma mère chez lui, faisant de lui un acteur essentiel de leur histoire.
Afficher en entierFacile à dire. Je pourrais presque le trouver drôle. Non seulement d’habitude je stresse, mais ce n’est pas comme d’habitude, et il le sait. J’ai l’estomac qui ne sait plus où se mettre, la peur au ventre, et toutes ces sensations s’amplifient…
Nous finissons la reconnaissance du parcours, après l’avoir passé en revue une seconde fois. À chaque obstacle, François m’a demandé « Combien ? », et j’ai dû réciter la leçon fraîchement apprise : « Cinq… Trois… Quatre… Deux… Quatre… Faire attention ici à ce virage très serré… Ne pas oublier de donner des rênes et de ne pas tirer sur la bouche – sensible – de Freedom. » Parfois il me prend vraiment pour une débutante. Comme si j’ignorais qu’il faut finir en sprint !
Afficher en entierJ’ai vu toutes les heures de la nuit défiler, je n’ai dormi qu’en pointillé. Je vais être fraîche, ça promet pour le concours ! Et François qui ronfle… Comme si ça pouvait m’aider ! Évidemment, il est zen. Ce n’est pas lui qui va se retrouver au milieu de la piste devant les juges et les spectateurs. Et puis, il aime bien, lui, dormir dans le camion : ça lui rappelle de bons souvenirs… Moi, pas. J’aime dormir dans un vrai lit, enroulée dans ma couette… et non dans ce duvet à fleurs marron qui date des années soixante-dix, aux senteurs d’écurie et de renfermé. Et puis, il y avait tous ces bruits que je tentais d’identifier. Sans parler des secousses générées par Freedom qui lui non plus ne s’habitue pas à dormir hors de sa litière.
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