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La maladie déshumanise ; elle fait de ces femmes des marionnettes à la merci de symptômes grotesques, des poupées molles entre les mains de médecins qui les manipulent et les examinent sous tous les plis de leur peau, des bêtes curieuses qui ne suscitent qu’un intérêt clinique.
Afficher en entier- Trouves- tu encore des choses belles ?
[…]
- Je suis pas sûre. Je crois… Quand j'pense à ma mère. Je me souviens que j'la trouvais belle, elle. C'est tout.
- Ca suffit.
- Oui. Ca me suffit.
Afficher en entier- Encore Lison qui gagne, c'est tout d'même pas possible.
- Ca s'appelle le talent.
- Ca s'appelle la triche, plutôt.
- Sois pas mauvaise perdante, ça t'donne une sale tronche.
- C'est ton parfum qui m'contrarie : tu cocottes jusqu'à la place Clichy.
Afficher en entierDans une salle d'examen, les deux individus qui s'y trouvent ne sont plus égaux : l'un évalue le sort de l'autre ; l'autre croit la parole du premier. L'un détermine sa carrière ; l'autre déterminé sa vie.
Afficher en entierLibres ou enfermées, en fin de compte, les femmes n'étaient en sécurité nulle part. Depuis toujours, elles étaient les premières concernées par des décisions qu'on prenait sans leur accord.
Afficher en entier"- Comme ceci, Madame Geneviève ?"
"- Lâche tes cheveux. Le docteur préfère."
Louise remonte ses bras arrondis vers son chignon fait à la hâte et s'exécute.Elle est adolescente malgré elle. A seize ans, son enthousiasme est enfantin. Le corps a grandi trop vite; la poitrine et les hanches, apparues à douze ans, ont manqué de la prévenir des conséquences de cette soudaine volupté. L'innocence a un peu quitté ses yeux, mais pas entièrement; c'est ce qui fait qu'on peut encore espérer le meilleur pour elle.
- "'ai le trac."
- "Laisse-toi faire et ça se passera bien."
- "Oui."
Afficher en entier" Ma petite Eugénie. Ta plus grande qualité sera ton plus grand défaut : tu es libre."
Afficher en entierThérèse regarde Eugénie en continuant de tricoter. Cette jeune bourgeoise ne lui paraît pas spécialement folle, même si les plus profondes folie ne se voit pas. Thérèse se souvient de clients, les plus convenables, les plus propres au premier abord, qui une fois la porte de la studette fermée se révélaient de véritables malades. Mais la folie des hommes n’est pas comparable à celle des femmes : les hommes l’exercent sur les autres ; les femmes sur elles-mêmes.
Afficher en entier– C’est beau, la neige. J’ai envie de sortir dans le parc.
L’épaule contre la vitre, Louise frotte d’un air mélancolique sa bottine contre le
carrelage ; ses bras ronds sont croisés sur sa poitrine, sa bouche fait la moue. De
l’autre côté de la fenêtre, une couche de neige parfaitement plate s’étend sur la
pelouse du parc. Lors de fortes chutes de neige, les aliénées sont interdites de sortie.
Les vêtements à disposition ne sont pas assez chauds, et les corps sont trop fragiles
– la pneumonie serait attrapée sur l’instant. Et puis, les laisser s’amuser dans la
neige risquerait d’exciter leurs esprits.
Afficher en entierDès le réveil, la perspective de devoir traverser une journée entière accable déjà les pensées et les corps. L’absence d’horloge fait de chaque jour un moment suspendu et interminable. Entre ces murs où l’on attend d’être vue par un médecin, le temps est l’ennemi fondamental. Il fait jaillir les pensées refoulées, rameute les souvenirs, soulève les angoisses, appelle les regrets – et ce temps, dont on ignore s’il prendra un jour fin, est plus redouté que les maux même dont on souffre.
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