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Midi sonne au clocher de Saint-Geniez. Fabienne Marquet arrive chez ses parents, une ferme rénovée près de la Corrèze. Comme tous les jours, Louise et Valentin mangent à la cantine de leur école à Tulle, distante de six kilomètres, qu'ils rejoignent chaque matin avec le car. Après l'accident de Julien, la jeune femme n'a pas eu le courage de vivre seule dans l'appartement qu'ils avaient acheté. Cinq ans plus tard, elle ne se sent toujours pas la force de s'occuper seule de ses enfants, c'est pourquoi elle vit chez ses parents. Sa mère, Marie, une grande femme au corps osseux, et son père, Jean, un petit homme taciturne qui ne prononce pas dix mots par jour, font leur possible pour l'aider. Mais cela n'est pas simple pour eux et il faudra un jour que Fabienne se décide à se débrouiller seule. Elle y songe, mais n'arrive pas à se décider.
Elle gare sa voiture dans la rue près de l'entrée de la cour et du portail de fer toujours ouvert. Sur la petite place de l'église règne une agitation inhabituelle : des gens bavardent en faisant de grands gestes. Fabienne reconnaît Franck Leyrel, le maire, qui agite un journal, Juste Dubout, le garagiste de la route de Tulle, Maurice Magnant, le tenancier du bistrot-tabac, et Pierre Fournel, dont la tête aux cheveux blancs hirsutes dépasse toutes les autres. Ici, on surnomme le Parisien ce jeune retraité qui a acheté un manoir en naine au bord de la Corrèze. C'est un original. Il vient au village sur un tilbury attelé à un cheval alezan d'une rare beauté. Sa façon à lui de faire de la publicité à sa fille, qui possède un centre équestre.
Fabienne s'étonne de voir aussi son père. D'ordinaire, Jean n'échange jamais une parole avec les autres, et baisse les yeux quand il les croise. On dit de lui qu'il est un ours, mais tout le monde sait qu'il cache un grand coeur. Il ne se déride qu'avec Valentin. Seul son petit-fils de huit ans parvient à lui arracher quelques mots, lorsqu'il sarcle ses rangées de laitue ou répare son vieux tracteur de plus en plus capricieux. Mais c'est surtout à la pêche qu'ils sont complices, quand ils parcourent ensemble les berges de la rivière où le vieil homme réussit encore à prendre des truites.
Fabienne s'approche du petit groupe rassemblé autour du grand Fournel.
- Qu'est-ce qui se passe ? demande-t-elle à son père, qui lui jette une oeillade distraite.
- Eh bien, ça y est, répond-il. C'est dans La Montagne !
- Quoi donc ?
- Mais le barrage !
- Je ne comprends pas que vous ayez cautionné cette monstruosité ! s'écrie Fournel à l'intention du maire, qui travaille dans une banque à Tulle et a conservé la petite propriété de ses parents. Parce qu'on vous a demandé votre avis, hein, ce n'est pas possible autrement !
- Oui, on m'a demandé mon avis. Et il a été favorable car il est temps pour nous de nous occuper de cette région qui bientôt ne sera plus peuplée que de sangliers, de cerfs, de chevreuils et peut-être de loups !
- Et c'est en noyant la vallée que vous comptez repeupler la région ? Ça ne tient pas debout !
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