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" Je peux vous faire confiance, chevalier de Kosigan ?"

Malheureusement il vaudrait mieux éviter.

" Bien sûr que oui, je dirais même, ne faites confiance à personne d'autre. Je suis un menteur, mais les autres sont pires."

Son sourire me fait plaisir.

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... je distribue quelques sous à une fille cul-de-jatte au visage noir de saleté et à un gamin édenté et borgne.

Un bon chrétien, messieurs, voilà ce que je suis !

Laboureurs ou artisans, tout le monde met la main à la poche autour de moi, ceux qui donnent ne sont souvent pas tellement mieux lotis que ceux à qui ils glissent un morceau de pain ou un billon de cuivre, mais la charité est le seul legs de Jésus de Nazareth à faire réellement recette. "Ce que vous donnez au plus petit d'entre vous, c'est à moi que vous le donnez..." Il s'agit d'un échange équitable. Les gens rachètent leur hontes et leurs égoïsmes à coup d'aumônes, c'est humain. Les pauvres représentent l'image du Christ, pieds nus sur les chemins; de toute façon, ils iront au Paradis, du fait même de leur pauvreté. Les veinards... C'est sans doutes pour cela que personne ne leur donne jamais plus que le minium: il ne faudrait pas nuire à leur salut en leur permettant de survivre trop confortablement...

Le dénuement, en définitive, est affaire de négoce et d'équilibre. Seul celui qui offre sans croire et sans rien espérer en retour accomplit véritablement une bonne action.

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J'approche des pénates de Siegrid Yva von Köln, la benjamine des enfants de l'herzog Dagmar. Elle n'a peut-être pas avalé son hostie ce matin, la môme, mais ça ne veut rien dire. J'aurais fait pareil moi : dévorer le corps de quelqu'un, mes parents m'ont toujours rabâché que c'était mal. A fortiori celui d'un fils de Dieu, je suppose. A fortiori s'il a clamsé, saigné à blanc sur une croix. Quatorze printemps seulement la gamine. Vous savez très bien qu'il faut un bon paquet d'année pour façonner une sorcelière digne de ce nom. Je ne dit pas que c'est impossible, je dit juste que c'est un peu court.

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J'observe mes hommes un à un. Edric, Qu'un-coup, Six-mai, Maille-torche, Cul-noir, Gawain, Poilane, Nerf, Tonnerre, Long-Pas, Castagne, Prince et Charmant, sans compter Lacet et Mordeuse. Tous choisis avec soin. Ils savent que la Camarde peut leur donner rencard à tout moment mais, la plupart du temps, ce sont leurs adversaires qui honorent le rendez-vous. Sous la lumière blanche de la lune, ils ont le front barré et l’œil aux aguets. Je me débrouille, au fur et à mesure de notre progression, pour croiser leur regard individuellement. Confiance et encouragement. Une attention simple qui permet de renforcer la cohésion et l'engagement de tous. Le moral. La loyauté. Une chance supplémentaire, si par malheur il en était besoin, de bousculer la défaite et de la convertir en victoire.

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Bien que l’Église ait instauré la Paix de Dieu qui interdit aux gens d’armes de violenter les femmes, force est d’admettre que le don de la beauté peut parfois s’avérer une malédiction. Nobles, les filles finissent échangées par leurs pères pour prix d’alliances politiques ou monétaires. Leur vie se résume à convoler dès qu’elles ont eu leurs fleurs avec de vieux maris qui les répugnent, à pondre des héritiers autant qu’un évêque pourrait en bénir, et à rendre fidèlement le dernier souffle en couche, avant l’âge de trente ans. Pas étonnant que nombre d’entre elles se laissent aller sur la voie du désir, du plaisir et du péché lorsque l’occasion leur en est donnée.

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À l’issue de dix jours pleins, nous avons rendu à la circulation de son sang ses droits et détendu les sceaux d’écartèlement. Son visage tuméfié avait volontairement conservé une part de son intégrité, et la structure de son corps, pourtant abîmé, demeurait globalement intacte. De quoi faire repartir l’espoir de son cœur. Aussi noir que celui-ci ait pu être. La bougresse a immédiatement compris l’alternative qui lui était offerte, dès que la boule de fer qui bloquait sa bouche a sauté, elle a juré sa foi au Christ rédempteur, nous a baisé les pieds et s’est mise à déblatérer en pleurant tout son soûl. La totalité de ce qu’elle pouvait savoir.

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En mai, fais ce qu'il te plaît !

L'abruti qui a pondu cette maxime devait certainement se prélasser sur les rivages de Grèce où d'Italie. En tout cas, chaque fois que ma compagnie s'est retrouvée au nord de la Loire à la fin du printemps, le ciel s'est soulagé pire que vache qui pisse.

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D’après les sources médiévales, l’homme – surnommé en son temps le meilleur chevalier du monde – est censé être mort depuis près d’un demi-siècle au moment où cette missive est écrite. Or celle-ci démontre qu’il se trouve, au contraire, bien vivant, et le Bâtard de Kosigan lui-même affirme le rencontrer en Champagne et en Flandre, aux alentours de 1340. À un âge qui devrait dans ce cas avoisiner les deux cents ans.

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Les gens du peuple quant à eux sont enterrés dans les cimetières extérieurs. Leur seul droit, quant à la cathédrale, est d’engloutir leur argent en de multiples messes de pardon, en mémoire de leurs défunts ; cérémonies qui sont censées accélérer le passage de ces derniers, des flammes du Purgatoire aux plaines verdoyantes du Paradis. Je me suis laissé dire que certains pratiquent également la vertu, la charité et l’abstinence pour éviter de finir aux Enfers, mais ceux-là me paraissent de toute évidence les moins nombreux.

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