Le Bébé du Sicilien

** Extrait offert par Carol Marinelli **

1.

Certaines nuits étaient un enfer.

— Bastiano !

Quand il entendit la voix familière, il sut qu’il rêvait car il y avait longtemps que Maria était morte.

L’aube se glissait dans les rues de Rome. Contrairement à son habitude, il était seul dans son lit et chercha de toutes ses forces à se réveiller.

— Bastiano !

Soudain, il la vit. Elle portait la bague de sa mère et il sentit la morsure froide du métal au moment où elle le frappa. Il leva la main pour toucher sa joue et le sang jaillit sur ses doigts.

Bastiano se débattit. Il savait qu’il rêvait car le règlement de comptes entre lui et Raul avait eu lieu au cimetière. Il avait été blessé à la joue après que le cercueil de Maria eut été mis en terre.

Tout le monde avait décrété qu’elle était morte à cause de lui.

C’est la raison pour laquelle il se trouvait ici, quelque quinze ans plus tard, dans l’une des suites présidentielles d’un des plus beaux hôtels de Rome, le Grande Lucia.

Raul Di Savo envisageait d’acquérir l’établissement, ce qui avait poussé Bastiano à se mettre sur les rangs lui aussi. Il lui fallait cet hôtel, pour mieux en priver Raul.

Bastiano parvint enfin à ouvrir les yeux. La chambre était encore sombre. Il éteignit l’alarme de son portable. Il n’en aurait plus besoin car il ne se rendormirait pas.

Il savait pourquoi Maria revenait hanter ses rêves. Mais si ce rêve avait été si réaliste, c’est parce que Raul dormait lui aussi dans l’hôtel, tout près de lui…

Il entendit frapper doucement à la porte de la suite et un plateau roulant apparut.

— Puzza !

Bastiano sourit quand il entendit la femme de chambre jurer à mi-voix : elle venait de se heurter à quelque chose. Puzza… Ce seul mot suffisait à la trahir : elle était sicilienne.

— Entra ! dit-il.

Il était habitué à se faire servir, car il possédait de nombreux hôtels de luxe. Il ferma les yeux pour faire comprendre à la femme de chambre qu’il n’avait aucune envie d’engager la conversation.

* * *

Quand Sophie vit le client allongé, immobile, elle s’abstint de le saluer à voix haute. Les règles étaient strictes au Grande Lucia et le personnel bien formé.

Sophie aimait son travail. En général, elle ne s’occupait pas des petits déjeuners mais on lui avait demandé de dépanner à la fin de son service de nuit. Comme elle n’était pas prévue pour le service du petit matin, elle n’avait pas assisté au briefing concernant les nouveaux clients, leurs désirs spécifiques et leurs particularités. Bien sûr, elle savait que tout hôte résidant dans une suite présidentielle était une personnalité de premier plan. Celui-ci, avait-elle vu sur sa commande de petit déjeuner, s’appelait Bastiano Conti.