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Je me rends dans la salle de bains, à poil comme à mon habitude, et ouvre la porte avant de prendre conscience du bruit de la douche. Du couloir, j'ai entendu l'eau couler et regardé la lumière sous la porte pendant cinq bonnes secondes, sans faire le lien.
Qu'est-ce que je fous à penser à des sons et lumières alors qu'il y e une fille nue sous ma douche ?
La fille est sous ma douche, nue. Cela dit, il serait encore plus singulier qu'elle soit habillée.
Elle est toute mouillée. Ce qui n'est pas inhabituel lorsqu'on prend une douche, mais l'eau plaque ses cheveux sur son beau corps blanc. Elle me sourit. Je lui souris. Que faire d'autre quand une fille, nue et mystérieuse, vous sourit sous votre propre douche ?
Je lui rends donc son sourire. Du moins je pense que je souris. Ses lèvres bougent, donc elle dit quelque chose, mais je n'arrive pas à la comprendre à cause du bruit de l'eau. Il me semble lire « Bonjour » sur ses lèvres. Je ne peux pas rester planté des heures, nu, à regarder une fille nue, bouche bée, en me demandant si elle a véritablement dit .., Bonjour?
- Bonjour, dis-je ayant de repartir en fermant la porte.
II me faut réfléchir. Je ne sais pas à quoi, mais il me faut réfléchir. Si seulement je ne me sentais pas si horriblement patraque. Et encore, je me sens moins mal maintenant que quand j'aurai pris quelques cafés et cigarettes. Et si j'arrêtais le café et les cigarettes et que je me contentais d'un verre de lait ? C'est exactement ce que je vais faire. Mais je dois tout d'abord couvrir ma nudité. Si ma caverne est pleine de filles nues, j'ai le sentiment que moi, je ne devrais pas être à poil. Ça n'a rien de très logique, mais c'est ainsi que je raisonne.
Je fouille dans mes tiroirs à la recherche d'un slip propre, examine la petite rangée de pantalons dans mon armoire et choisis le moins froissé. Ai-je une chemise propre ? J'en ai trois. Un rayon d'espoir dans ce monde ténébreux. Enfiler une chemise sale, à peine sèche de la sueur d'hier, serait au-dessus de mes forces. Je sens une odeur aigre dans mes narines et redoute qu'elle n'émane de mon corps. Je le couvre de la chemise propre. Confort temporaire. Mais nom d'un chien, que s'est-il passé la nuit dernière ?
Je suis habillé. Je vais donc dans la cuisine boire mon verre de lait. Le lait froid apaisera mes aigreurs d'estomac et, si je résiste au café et aux cigarettes, j'irai beaucoup mieux dans une heure ou deux. Dans la cuisine, je branche la bouilloire pour le café et allume ma première cigarette. Cette maudite fille va entrer d'un moment à l'autre et je vais devoir lui parler. Je ne me suis même pas brossé les dents et la fumée de cigarette livre bataille aux étranges goûts de ma bouche.
Dieu qu'elle était exquise, toute mouillée sous la douche, avec un peu de mousse sur le cou, et ses seins, sans soutien, étaient curieusement dressés. Et la... Nom de Dieu, Crown, une gueule de bois naissante entraîne toujours une lubricité excessive. Mais merde, une fille nue sous la douche susciterait un soupçon de lubricité chez n'importe qui.
Et où. a-t-elle dormi ? Il y a une chambre d'amis dans ma caverne, mais je ne me rappelle pas la lui avoir montrée. Cela dit, je ne me souviens pas de grand-chose. Je regarde dans le salon. Il y a un oreiller sur le divan et une culotte Par terre. Elle a dormi là. Qui lui a donné l'oreiller?
Elle entre, toujours nue comme un ver, si ce n'est une serviette qu'elle tient vaguement devant son corps, et qui souligne ses formes au lieu de les dissimuler.
- Je m'excuse de me Promener à poil comme ça, dit-elle. J'irai chercher mes affaires dans la journée.
- Oh. Oui, Pas de Problème.
Elle jette la serviette et enfile sa culotte, qui se réduit apparemment à un triangle ridiculement minuscule de tissu transparent.
Ma cigarette précipite ma gueule de bois et m'inflige un tressaillement dans les entrailles. Il me semble en tout cas que ce soit attribuable à la cigarette.
La fille enfile son chemisier et y force temporairement sa poitrine parfaite qui disparaît quand elle le boutonne. Elle fait une petite moue dégoûtée.
- J'aurais dû apporter des habits propres. C'est ce que j'aurais fait si j'avais su que j'allais rester.
- Ah oui. Eh bien.-. (Je cherche désespérément quoi lui dire.) Ce n'est Pas grave. (Fais quelque chose, Crown, ne reste pas à la reluquer comme un satyre.) Ah, j'ai mis de l'eau à chauffer pour le café.
- Super. T'as une cigarette ?
- Oui. Oui, bien sûr.
Andouille que je suis, je lui rends une cigarette, alors qu'elle est en train d'enfiler son pantalon. Elle est obligée de s'interrompre pour l'accepter. Elle se la coince dans la bouche et, toujours penchée, les jambes nues surmontées de ce tissu triangulaire absurde, le pantalon autour des chevilles, elle me fait signe de lui donner du feu.
Je lui donne du feu.
- Je vais faire le café.
Nous nous attablons dans la cuisine, buvons du café et fumons. Elle ne dit pas grand-chose, mais elle a l'air parfaitement à son aise. Je ne dis pas grand-chose et je me sens complètement largué. Il s'est passé quelque chose à mon insu, mais je soupçonne que je vais être agréablement surpris quand je serai au courant. Je laisse cependant tout ça pour plus tard, quand j'aurai descendu quelques bières, car je sais que seule la bière saura écarter ma profonde conviction d'être à l'article de la mot. Je boirai quelques demis après l'émission du matin, et peut-être quelques autres en déjeunant. Je m'autoriserai un peu de vin avec le dîner, suivi d'un peu de whisky et après ça, je jure sur tout ce qui est sacré dans ce monde profane que je ne toucherai plus jamais une goutte d'alcool.
Je me lève.
- 11 faut que j'aille à la radio. Alors à... (Serait-il présomptueux de lui dire « à tout à l'heure» ?
J'écrase ma cigarette. C'est la dernière avant ma bière du matin.) Alors à, euh... Bon, ben, j'y vais.
- Simon ?
- Oui?
- Merci beaucoup.
- Mais de rien, de rien du tout. Alors, à...
Où sont mes lunettes de soleil ? Et mon chapeau ?
En sortant précipitamment, je trébuche sur une étrange valise posée dans l'entrée. Bien sûr, Jimmy Blair l'a apportée hier soir. Jimmy Blair est-il encore ici ? Qu'est-ce que ça peut faire ? Plus rien n'a d'importance à cette heure.
J'ouvre la porte d'entrée et sors sous le soleil blanc aveuglant, en allumant une autre cigarette.
Afficher en entierJ'allume la lumière. Ne te regarde pas dans la glace. Tu auras bien meilleure mine après une douche et il est inutile de tirer des conclusions hâtives. Si je me regarde maintenant, je vais voir des petites boursouflures sous les yeux et des résidus vaseux de sécrétions inexplicables autour des paupières. Plutôt filer en douce à la salle de bains.
Et voilà que je me suis regardé dans la glace. Oh Dieu, je n'aurais jamais dû. J'y vois le visage d'un inconnu qui masque trop familièrement le mien depuis bon nombre de matins. Bien sûr, c'est à cause d'un sommeil trop profond. À quelle heure me suis-je couché, d'ailleurs ? Qu'est-ce que ça peut faire ? Je suis jeune. On est jeune à trente-cinq ans. Si seulement je ne sentais pas cette palpitation agaçante dans mon estomac (ou serait-ce dans mon cœur ?), à moins que ce ne soit une palpitation dans le cœur que j'espère pouvoir attribuer à mon estomac.
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