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Le bonheur est pour demain - Souvenirs de mes 250 dernières années



Résumé

La vie privée et publique de l'homme de radio et de télévision : l'histoire de sa famille, sa jeunesse dans les années 1940, ses débuts dans une société de production radiophonique, ses premiers succès dans les années 1950, les émissions célèbres qu'il a animées et produites, etc.

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Classement en biblio - 8 lecteurs

extrait

1

LE MONSTRE DE LA BANQUISE

Le petit garçon rêve qu'il est perdu sur la banquise. Seul, transi et terrifié. Il fuit un monstre qui le poursuit en lui lançant des blocs de glace. L'enfant se réveille en sursaut. Sa grand-tante, auprès de laquelle il est blotti dans un lit étroit, le réconforte tendrement :

— Tout va bien, mon cœur. Tout va bien, je suis là. Rendors-toi et n'aie plus peur.

Le garçonnet se tasse en boule au creux de la chaleur. Pour faire barrage à l'affreuse vision, il enfouit la tête dans l'oreiller.

Ce cauchemar est le premier souvenir que je garde en mémoire, nous dit Pierre Bellemare. Ces images de monstre et de banquise m'avaient sans doute été inspirées par une gravure, que j'aurais vue dans un livre de Jules Verne.

Hiver 1935. Dans le grand appartement que la famille Bellemare occupe boulevard Saint-Jacques, à Paris, l'atmosphère est devenue irrespirable. Les parents évitent de croiser le regard de leurs enfants et se parlent à voix basse. Durant les repas pris en silence, chacun est en alerte, l'oreille tendue en direction de la chambre dans laquelle Christiane est alitée. L'horrible toux qui déchire ses poumons va-t-elle enfin s'apaiser ?

Christiane, ma seconde sœur, de huit ans mon aînée, avait contracté une phtisie galopante. Accablés de chagrin, mes parents la savaient condamnée. Pénicilline et antibiotiques n'existant pas à l'époque, la tuberculose pulmonaire était inguérissable. Dans le but de nous éloigner de la maison et de nous protéger de l'infection, mes parents nous expédièrent, Jacqueline, ma sœur aînée, et moi, chez notre grand-tante qui habitait Montmartre. Bien que trop jeune pour comprendre la nature du drame qui s'abattait sur la famille, je me souviens avoir vécu cet événement dans une sorte de brouillard chargé de menaces.

Très tôt le lendemain, les traits défaits, M. Bellemare se présente rue Lamarck. Il échange quelques mots dans l'entrée avec sa tante, puis s'adresse aux enfants, sans prendre le temps de se défaire de son manteau.

— Christiane nous a quittés la nuit dernière. Nous rentrons à la maison, parvient-il à bredouiller, le visage mouillé de larmes.

La mort d'une adolescente de quatorze ans n'est pas injuste, c'est un scandale. Le choc provoqué par la disparition brutale de ma sœur a anéanti ma mère. Psychologiquement, elle ne s'en est jamais remise. Trois ans plus tard, elle a ressenti des douleurs dans une jambe et des sifflements dans une oreille. Après beaucoup d'atermoiements, un médecin a diagnostiqué les premiers symptômes de la sclérose en plaques. Cette atteinte de la mœlle épinière entraîne une dégénérescence progressive des centres nerveux, qu'aucun traitement ne peut freiner. Un jour, on souffre des pieds ou du bassin. Plus tard, un bras s'ankylose, une articulation se bloque. Vient ensuite une période de répit qui peut durer quelques semaines ou quelques mois. Le malade nourrit alors le fol espoir d'une rémission. En pure perte. Les séquelles demeurent et d'autres zones de l'organisme sont touchées à leur tour. On est perclus de douleurs et l'on meurt paralysé au terme d'atroces souffrances. Le calvaire de ma mère a duré douze ans.

Mon enfance a été bornée par deux décès : celui de Christiane quand j'avais cinq ans et celui de ma mère. quand j'en avais dix-sept.

2

UN COCKTAIL GÉNÉTIQUE EXPLOSIF

Que peuvent bien avoir en commun l'éditeur d'un journal monarchiste devenu agent secret en Hollande, un diplomate arabophone, ami et biographe d'Abd el-Kader, le président de l'Union des viticulteurs d'Algérie, et un courtier en livres précieux, poète à ses heures ?

Tous ces personnages hauts en couleurs sont mes ascendants paternels. J'ignore dans quelle mesure ce cocktail génétique a eu une incidence sur ma personnalité, mais je suis assez fier de cet héritage. C'est grâce à un grand-oncle magistrat, qui avait établi notre arbre généalogique pour permettre à un jeune cousin de briguer un poste diplomatique, que j'ai eu la chance de connaître l'histoire de ma famille depuis la Révolution française.

Jean-François Bellemare, le premier connu de la lignée, est né en Normandie en 1768. Ses dons précoces pour les mathématiques lui valurent d'être admis à l'École polytechnique dès sa sortie du petit séminaire. Diplôme en poche, il obtint le grade de sous-lieutenant et fut incorporé dans un régiment de hussards.

La France de 1793 est plongée dans un désordre indescriptible. L'Alsace est envahie. Les Sardes occupent la Savoie, les Espagnols le Roussillon. Aux périls extérieurs s'ajoute la guerre civile. Lyon, Marseille, Bordeaux se soulèvent contre la Convention. Cinq cent mille Vendéens de « l'armée catholique et royale » sont défaits par Kléber. À Paris, les têtes tombent par grappes au pied de la guillotine. Et comme si ce bain de sang ne suffisait pas au malheur du peuple, la dévaluation de l'assignat affame villes et campagnes.

Pour avoir exprimé imprudemment ses sympathies monarchistes et cléricales, mon arrière-arrière-grand-père fut mis aux arrêts à la Conciergerie et condamné à mort. Sauvé par la chute de Robespierre, libéré par le général Solignac, il quitta l'armée et fonda Le Grondeur, un hebdomadaire dans lequel il fustigeait la violence des tribunaux d'exception, la dépravation des mœurs et le luxe insolent des prévaricateurs. Aujourd'hui encore, en dépit de mes innombrables déménagements, j'en ai conservé précieusement tous les numéros.

Écrit au vitriol, le brûlot, tiré à plusieurs milliers d'exemplaires, attire sur son jeune directeur les foudres du Directoire. Une disposition ordonne l'arrestation des rédacteurs de trente-deux journaux, « tous prévenus de conspiration contre la sûreté intérieure et extérieure de la République ».

Le nom de Bellemare figurait en bonne place sur la liste des fauteurs de trouble. Caché quelque temps dans le grenier d'une comtesse du faubourg Saint-Germain, mon trisaïeul réussit à gagner Hambourg sous une fausse identité et à s'embarquer pour les États-Unis dans les cales d'un navire marchand. Le soir de son arrivée à Baltimore, il fut accueilli en héros à la table des ducs d'Orléans et de Montpensier.

Installé à Boston, Jean-François apprit l'anglais et parcourut la Nouvelle-Angleterre, le Canada et la Louisiane, carnet de notes en main. Ses descriptions des sites, peuplés d'Indiens et de trappeurs, et les intrigues romanesques qu'il conçut à cette époque s'intégrèrent plus tard à des romans d'aventures qui connurent de beaux succès.

En 1802, alors qu'un plébiscite accordait à Bonaparte le titre de consul à vie, les proscrits de la République furent autorisés à rentrer au pays. Jean-François s'y précipita, bien décidé à reprendre ses activités journalistiques. Flanqué de trois associés, il acheta La Gazette de France, la plus ancienne feuille de l'Hexagone, créée en 1631 par Théophraste Renaudot.

Dès sa prise de fonction, Jean-François transforma radicalement le contenu éditorial de son journal. Il s'attacha à recueillir les faits à la source et à les livrer tels quels aux lecteurs, en veillant à ne pas les parasiter de commentaires partisans. Cette méthode, qui démodait les publications polémistes de l'époque, deviendra l'un des credo de la presse moderne.

Dans une France étranglée par le blocus continental, Bellemare alimente son hebdomadaire en nouvelles fraîches, grâce aux informateurs qu'il recrute en Hollande parmi les contrebandiers qui se rendent chaque jour en Angleterre.

Plutôt que de censurer La Gazette, Napoléon chercha à en tirer profit. Il nomma mon trisaïeul au poste de commissaire général de la police d'Anvers, à charge pour lui de transmettre en priorité à Paris les informations stratégiques qu'il possédait avant de les divulguer au public. C'est de cette manière que Fouché et l'empereur furent les premiers avertis du désastre de la bataille de Trafalgar.

Directeur d'un journal prestigieux, chef de la police de l'un des plus grands ports d'Europe et agent de renseignements au service de l'Empire, Jean-François Bellemare trouve encore le temps d'écrire pamphlets, essais et romans populaires. Il entre ensuite au ministère de l'Intérieur en qualité d'homme de Lettres.

Sa mission officieuse fut de discréditer les Jésuites, dont l'influence était encore grande dans les familles bourgeoises, les séminaires et les écoles. Mission paradoxale pour un homme qui n'avait jamais renié ses sympathies monarchistes et chrétiennes. Mon aïeul feignit dans un premier temps de se soumettre à sa hiérarchie, puis, donnant libre cours à ses sentiments, il prit la défense des prêtres, à travers une demi-douzaine d'ouvrages passionnés. L'un d'eux, Le Collège de mon fils, tiré à 10 000 exemplaires, fut épuisé en moins de quatre mois, ce qui constituait pour l'époque un énorme succès de librairie.

Étant enfant, je me souviens que mon père me lisait avec fierté l'article concernant notre ancêtre, publié dans la première édition du Grand Dictionnaire universel Larousse du XIXe siècle. J'étais très impressionné de voir figurer notre nom dans un livre qui rassemblait les plus célèbres personnages de leur temps.

Au terme d'une vie bien remplie, Jean-François Bellemare s'éteint en 1842. Il est âgé de soixante-quatorze ans et lègue à son fils, Alexandre, de quarante-neuf ans son cadet, ses brillantes dispositions intellectuelles.

La vie de mon arrière-grand-père se lit, elle aussi, comme un roman. Après avoir obtenu une licence en droit, appris l'anglais, l'italien et l'arabe à l'École des langues orientales, Alexandre occupa le poste de secrétaire en chef du parquet de la Cour royale d'Alger et publia une Grammaire arabe et un Abrégé de géographie qui firent longtemps référence. Puis, au milieu des années 1850, il fut détaché auprès de l'émir Abd el- Kader en qualité d'interprète quand ce dernier fut emprisonné en France. Dans un livre récemment réédité, Abd el-Kader, sa vie politique et militaire, Alexandre décrit avec une certaine admiration ce grand chef berbère, qui mena pendant dix-sept ans une résistance héroïque contre la conquête coloniale française et mit en place les bases de l'unité algérienne.

Libéré en 1852 par Napoléon III, l'émir quitte la France à destination de Constantinople puis de Damas où il s'adonne à la méditation et à l'enseignement spirituel.

Exerçant la fonction de gouverneur général de l'Algérie par intérim, mon arrière-grand-père mit fin à une polémique qui accusait Abd el-Kader d'avoir permis le massacre de chrétiens syriens par les Druzes. Il prouva, au contraire, que l'intervention de l'émir sauva douze mille d'entre eux. Enfin, faisant preuve de discernement, Alexandre soutint contre l'avis général qu'Abd el-Kader aurait été le meilleur choix pour gouverner un royaume arabe d'Orient pacifié. L'histoire tragique de la décolonisation algérienne lui a donné raison.

Promu officier de la Légion d'honneur, chevalier de l'ordre royal du Christ du Portugal, décoré de l'ordre du Nichan Iftikar par le bey de Tunis, Alexandre Bellemare met ses années de retraite à profit pour publier un dernier livre, Spirite et Chrétien, en 1883.

Théorisé par Allan Kardec, mis à la mode par Victor Hugo, le spiritisme est une doctrine fondée sur la croyance que l'esprit des morts est capable de se manifester à certaines occasions. Pour capter les messages émis de l'au-delà, communiquer avec ses chers disparus, les adeptes convoquent tables tournantes et esprits frappeurs.

À la mort de sa femme, mon père fut tenté de s'adonner à son tour à cette pratique. Entouré d'objets et de vêtements lui ayant appartenu, il espérait pouvoir la rejoindre en pensée. Je ne partage pas cette chimère, mais je comprends que, lorsque le chagrin est devenu trop lourd à porter, certains d'entre nous se tournent vers l'irrationnel pour chercher du réconfort.

Alexandre Bellemare décède en 1885. Son fils Henri, âgé d'une trentaine d'années à sa mort, se consacre à la viticulture, activité alors en plein essor en Algérie, après la crise du phylloxera qui, en 1864, a détruit le vignoble en métropole.

À l'instar de ses collègues vignerons pieds-noirs, mon grand-père produisait du « gros rouge », corrosif et fortement alcoolisé. N'oublions pas que, jusqu'à l'indépendance de l'Algérie, cette piquette mûrie au soleil se déversait par bateaux-citernes dans les ports de Sète et de Marseille pour aller ensuite inonder casernes, cafés et restaurants.

Si j'ai hérité de Jean-François le besoin de mettre plusieurs fers au feu, de multiplier mon champ d'activités pour pallier les revers de fortune, je dois peut-être à Henri son goût de la treille. Mais je bois toujours avec modération. Et mes choix se portent généralement sur les grands crus du Bordelais !

Élu président de l'Union des viticulteurs d'Algérie, Henri Bellemare estime sans doute avoir suffisamment progressé dans le monde clos de la colonie pour oser transgresser sa condition sociale, en épousant la baronne Marie Geneviève d'Hostel. Issue de la noblesse normande, la jeune femme appartient à une famille de juristes, de militaires, d'ecclésiastiques et de propriétaires terriens installés en Algérie dès les premières années de la conquête.

J'imagine que l'union d'un vigneron roturier et d'une aristocrate vivant de ses rentes a dû faire scandale à une époque où les classes sociales étaient encore bien cloisonnées. Papa est né de cette mésalliance, en 1888, à l'époque de la construction de la tour Eiffel. Lorsque, onze ans plus tard, son père décéda d'une embolie cérébrale, sa mère prit l'habitude d'échapper aux mois suffocants de l'été algérois en se rendant avec lui en Normandie, à l'invitation de la baronne de Barrère, une amie de son frère magistrat. Ils séjournaient d'avril à septembre dans son château de Pontécoulant, puis retournaient en Algérie dès la fin des beaux jours. Lassés sans doute de ces voyages annuels, longs et fatigants, ils s'installèrent à Paris, place Clichy.

Mon père a été marqué à vie par les vacances interminables passées à Pontécoulant. Plongé d'un coup dans l'univers souvent absurde des adultes, mais aussi enivré de liberté, ébloui par les merveilles de la nature, il a gardé des souvenirs indélébiles de ces étés magiques. Quarante ans plus tard, j'ai eu la chance de vivre une expérience similaire, au fond de cette petite vallée perdue du Calvados.

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Le bonheur est pour demain - Souvenirs de mes 250 dernières années

  • France : 2011-11-09 - Poche (Français)

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