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Bouton-de-Rose, de son nom de guerre, habitait cette "petite cour des fleurs" depuis trente ans, et depuis trente ans, chaque semaine, qu'il vente ou qu'il pleuve, M. Tchou père lui rendait sa visite habituelle avec une régularité de clepsydre. Le vieil homme avait apparemment du goût pour les femmes enveloppées et un peu vulgaires. Sa bonne amie ressemblait à une pâtisserie géante aux décorations chargées.
Afficher en entier— Elle sera suffisante pour abriter Votre Excellence les deux ou trois jours de sa halte… répondit Mme Tchou sur un ton plein d’insinuations. Vous devez être pressé de reprendre votre route. Un homme de votre dignité a des occupations auxquelles il doit être difficile d’échapper longtemps.
Le juge Ti nota avec quel empressement on désirait le voir s’en aller.
Afficher en entier— Ce majordome n’est guère économe de ses efforts, murmura le sergent Hong à l’oreille de son maître. Voilà deux fois que nous passons par cette rue. Notre rencontre lui aura brouillé la mémoire. Il nous assène une visite complète de la cité !
Afficher en entierLe juge Ti ne vit rien tout d’abord, puis il discerna une espèce de planche grisâtre qui pénétrait lentement dans la salle inondée, avec une légère ondulation due aux remous. Quand la planche fut plus près, il vit qu’elle avait, à une extrémité, ce qui ressemblait fort à des cheveux, et à l’autre une indubitable paire de pieds dont l’un portait encore son soulier. Le corps vint se heurter à la table sur laquelle était juché le juge. De grands yeux glauques et vitreux se posèrent sur lui avec une fixité de poisson crevé. La servante émettait à présent de petits cris horrifiés, bientôt relayés par les lamentations et les prières des autres domestiques.
— Puissant Bouddha, garde-nous de recevoir des défunts pour clientèle ! s’écria l’aubergiste. Quel affreux présage ! Vite, faisons brûler de l’encens !
— C’est la peste ! C’est la peste ! répéta un valet en s’enfuyant.
— Je ne crois pas, répondit le juge Ti.
Il avait remarqué sur le front du cadavre une longue estafilade qui faisait plutôt penser à une chute suivie d’une noyade.
Afficher en entierLe sergent loua cette tranquillité d’esprit que seules pouvaient apporter de longues études littéraires. Il se hâta de disposer des récipients sous les fuites du toit, tandis que son patron, à demi déshabillé, se jurait bien de ne passer en aucun cas plus d’une nuit sur la natte moisie de ce grabat nuptial.
Afficher en entierLa femme dégagea avec peine le battant et poussa un cri perçant. Chacun se figea. Les regards se tournèrent vers l’entrée. On s’attendait à voir surgir du néant quelque créature grimaçante, venue quémander un abri contre des éléments devenus odieux aux démons eux-mêmes. Le juge Ti ne vit rien tout d’abord, puis il discerna une espèce de planche grisâtre qui pénétrait lentement dans la salle inondée, avec une légère ondulation due aux remous. Quand la planche fut plus près, il vit qu’elle avait, à une extrémité, ce qui ressemblait fort à des cheveux, et à l’autre une indubitable paire de pieds dont l’un portait encore son soulier. Le corps vint se heurter à la table sur laquelle était juché le juge. De grands yeux glauques et vitreux se posèrent sur lui avec une fixité de poisson crevé. La servante émettait à présent de petits cris horrifiés, bientôt relayés par les lamentations et les prières des autres domestiques.
Afficher en entierIl y a dix ans, reprit un autre, lorsque des mercenaires ont ravagé la contrée, le domaine a été épargné. Et l’on raconte qu’il y a cinquante ans, lors de ce tremblement de terre épouvantable, seul le château du lac Tchou-An a tenu bon, indemne de la moindre fissure ! C’est le lieu où il faut être quand un malheur pointe le bout de son nez. Ces Tchou n’ont jamais eu de mal à marier leurs enfants, et cela ne tient pas seulement à leur immense fortune. — D’où leur vient cet argent ? demanda le juge Ti, de plus en plus intéressé. S’agit-il de hauts fonctionnaires impériaux, ou de maîtres de guerre
Afficher en entierOn voit bien que vous ne connaissez pas le pays, répondit l’un d’eux. Le lac Tchou-An ne déborde jamais. Il est protégé par la déesse qui l’habite. La dame du lac a passé depuis longtemps un accord avec ses hôtes, qui l’honorent avec ferveur. La campagne peut bien crouler sous les catastrophes, le domaine reste quoi qu’il arrive un refuge de calme et d’harmonie que rien ne vient troubler.
Afficher en entierOh que oui ! reprit son interlocuteur. Ils ont un superbe château, au milieu d’un domaine harmonieux, ceint d’un long mur et gardé comme une forteresse. Le parc est si grand qu’il englobe totalement le lac sur lequel est bâtie la maison
Afficher en entierÀ la même enseigne ? Vous voulez rire ! Les richards s’en tirent toujours. Prenez la famille Tchou, de loin la plus fortunée de la région. Dès l’annonce de l’épidémie, ils se sont retirés dans leur résidence d’été, à l’écart de la ville, derrière les murs de leur bastion. La maladie sera bien retorse si elle parvient à les y dénicher ! Quand nous serons tous morts, ils auront encore le teint frais et le ventre gras ! Ces épidémies ne sont pas pour les riches, elles contournent soigneusement les palais
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