Ajouter un extrait
Liste des extraits
C’est bien joli de regarder la Brède, dit Marguerite, mais il faut aussi surveiller les moutons. Justin viendra te chercher quand ce sera l’heure de les ramener.Elle s’éloigna dans le chemin. Arnaud regardait toujours la rivière. Il imaginait de grands poissons tapis sur le fond. Il pensait aussi à la feuille de papier trouvée dans la caisse aux cahiers. Une lettre d’amour ? Un secret de sa mère ?Il marchait le long des berges quand il aperçut un homme devant lui.
Afficher en entierElle souffla légèrement sur les braises dans la cheminée, et quand les flammes se réveillèrent elle leur présenta des brindilles et des petits sarments de vigne.— Tu vas aller garder les moutons. C’est pas sorcier. Je vais t’aider à les amener au pré, et là tu les empêcheras de sortir. Comme ça, Paul ne pourra pas dire que tu ne fais rien. Au fait, tu as mangé ?— Non, mais j’ai pas faim
Afficher en entierLe pas lourd de Marguerite s’éloigna, faisant hegna, fa trembler les cloisons de bois. Arnaud resta debout près de la porte avec le sentiment de retrouver quelque chose qui lui appartenait. Sa mère avait dormi dans ce lit, elle avait rangé ses vêtements de jeune fille dans cette armoire ouverte. Ils s’y trouvaient encore. Son regard s’arrêta sur une caisse en bois glissée sous le meuble. Il la tira. Elle était pleine de cahiers – ceux de sa mère, sûrement –, de livres d’école semblables aux siens.
Afficher en entierSa mère avait été arrêtée quelques mois avant la libération de Paris. Quand il avait aperçu les hommes en imperméable en train de la pousser dans une voiture, Arnaud avait eu la certitude qu’il ne la reverrait jamais. Jocelyne l’avait pris dans ses bras et avait pleuré avec lui.— Bon, dit Marguerite, tu vas poser ta valise dans la chambre de ta mère. C’est l’heure d’aller garder les moutons
Afficher en entierLa vieille femme ne répondit pas, mais tout dans son attitude indiquait sa désapprobation. Arnaud n’arrivait pas à se persuader que sa mère était née dans cette maison, qu’elle y avait grandi et qu’elle s’y était disputée avec son père. Sa mère. Une femme aux grands yeux noirs, un beau visage un peu large, d’abondants cheveux de jais. Marie mettait tant de grâce et de légèreté dans chacun de ses gestes ! Elle chantait si bien que les voisins de l’immeuble l’invitaient souvent le dimanche après-midi pour qu’elle fredonne les derniers airs à la mode. Elle lui parlait souvent de ses parents Bussières : Paul, grincheux et têtu, Marguerite, autoritaire mais généreuse, Léa, l’aïeule aveugle. Visiblement, ils lui manquaient. « On va leur écrire », disait-elle parfois.
Afficher en entierT’en fais pas, c’est Barbet. Une brave bête.En effet, le chien fit la fête au garçon, lui léchant les mains de sa langue chaude et humide. Marguerite le chassa d’un magistral coup de pied dans les flancs. L’animal s’éloigna, les oreilles basses. Arnaud prit sa valise et suivit Marguerite qui se dirigeait vers la maison. Un homme au visage sombre sous une casquette sans couleur sortit d’un bâtiment sur la droite, une fourche à la main.— C’est Justin, ton oncle, dit Marguerite. Il n’est pas bien malin
Afficher en entierIci, la terre est pauvre. Là où ne pousse qu’une mauvaise herbe, c’est pour les moutons. Ce sera ton travail de les garder.La camionnette ralentit en entrant dans un village. Derrière un mur brun et de grands arbres, Arnaud aperçut un château avec ses deux tours rondes. Marguerite aussi y jeta un regard rapide.— C’est de là que tout est venu ! dit-elle comme pour elle-même.Le garçon n’osait pas parler. Ses yeux s’attardaient sur les tours dont les flèches brillaient sous le soleil souverain. Des poules traversaient la route en caquetant. Des chiens aboyaient
Afficher en entierC’est la camionnette de Paul, on n’en a pas d’autre. Avant la guerre, les choses se passaient presque bien. Mais maintenant, avec les taxes et tout ce qu’ils inventent pour ruiner ceux qui travaillent, on va finir par crever.Elle s’assit au volant et claqua plusieurs fois la portière avant de réussir à la verrouiller. Quand le moteur démarra, les tôles se mirent à vibrer. Marguerite enclencha une vitesse, faisant craquer les pignons, puis la camionnette se mit à rouler par à-coups
Afficher en entierMais qu’est-ce que tu as à la jambe droite ? demanda la femme en se tournant vers le garçon qui peinait à la suivre.Arnaud baissa la tête, honteux.— C’est un pied bot, madame.— Un pied bot ! Où es-tu allé chercher ça ? Et puis ne m’appelle pas madame, je suis ta grand-mère.— Et comment je dois vous appeler ?— Ça n’a pas d’importance.Arnaud s’appliqua à marcher comme tout le monde. Depuis toujours, son infirmité l’isolait des autres et de la vie normale. À l’école, ses camarades se moquaient de l’éclopé qui courait en sautillant maladroitement. Il se détestait
Afficher en entierIl descendit du mieux qu’il pouvait les marches vraiment trop hautes. La lumière intense l’éblouissait. Après six heures de train, lui qui n’avait jamais quitté Paris débarquait en pays inconnu. Ne lui avait-on pas dit que les gens du Périgord parlaient une langue qu’il ne comprendrait pas ? Regardant sur la carte de France où se trouvait cette province, il en avait eu le vertige. Pourtant, c’était là qu’était née sa mère, là que vivaient ses grands-parents dont il ne savait rien sinon qu’ils n’avaient jamais répondu aux lettres qu’il leur avait écrites
Afficher en entier