Extraits

Ce qu’il advient du corps des conteurs n’intéresse pas la société des hommes. Mes paroles seules resteront peut-être.

"Pourquoi la vie d'un homme ne peut-elle pas être une seule et longue poursuite ?" interrogea-t-il à voix haute, mais la nuit ne trouva rien à lui répondre. La nuit, souvent, déçoit les hommes car elle n'a rien à dire.

Il n'y a pas de mort infâmante, intervint Ferdiad. Il n'y a que des morts. Peu importe que l'on connaisse la destination. C'est le voyage qui importe.

Voici ma dernière leçon. Souvenez-vous toujours, homme d'Ulaid, que c'est une femme qui vous a battus à la course.

Tous ces garçons, bientôt des hommes les hommes qui, à une exception près, seraient ceux qui combattraient à ses côtés durant le reste de sa vie, regardèrent le Chien avec une admiration qui ressemblait beaucoup à la terreur. Pourquoi ? Car c'est la règle de ceux qui vivent par le fer, tous ceux qui confondent la valeur et la force de la poigne. Car c'est ainsi que sont ces chefs et ses héros. On ne les suit pas par amour mais par peur. On applaudit à leurs exploits afin que jamais ils ne retournent vers soi leur courroux.

Si le père n'avait pas cédé au chantage du fils, un homme serait né. A la place, nous n'avons eu qu'un Chien.

La vérité la voici : l'esprit de l'homme aime à se soumettre. Il n'attend qu'une voix plus haute que la sienne dont il puisse suivre les ordres.

L'enfant n'est pas le germe de l'adulte. L'enfant, c'est la terre qui sera façonnée par les adultes.

Pourquoi se souvient-on du Chien ? Pourquoi les Ulates chantent-ils ses louanges au lieu de lamenter ses méfaits ? Parce qu'un héros n'est pas celui qui se livre à des hauts faits et que l'on acclame, pas plus qu'il n'est un être d'exception. Le héros est comme l'arbre le plus haut d'un bosquet. Certes, on le voit en premier. Cependant, il est né de la même terre que tous les autres, et cette terre n'aurait pu faire un autre arbre. Son tronc est fait du même bois que tous les autres. Seulement, comme il est plus haut, ses branches sont larges et ses feuilles sont plus vertes et plus épaisses. Il projette son ombre sur tous les arbres en dessous de lui, qu'il le veuille ou non. Le héros est celui qui, bien que né du même peuple que les autres hommes et femmes de son temps, ne pourrait pas ne pas exister. Il est la forme nécessaire de ce peuple et il projette son ombre de tous côtés. Le héros est celui qui, qu'il le veuille ou non, transforme le monde à son image. Les Ulates chérissent le souvenir du Chien et il y a une très bonne raison à cela : qu'il l'ait voulu ou non, il a changé tous ceux de son temps et tous ceux qui viendraient après lui.

Bien sûr, Emer possédait amplement les six dons que doit posséder une femme. Elle était belle et aussi blonde que le Chien lui-même. Sa voix était douce et chantait bien. Jamais elle ne prononçait une parole trop forte ou trop dure. Elle avait été instruite par les druides les plus savants et par les femmes les plus douées de Luglochta Loga. On ne lui connaissait pas de rival en travaux d'aiguille. Enfin, évidemment, elle était chaste.