Extraits

« Elle lui lança un regard presque timide et rougit.

— Je n’ai jamais osé l’avouer à personne mais j’ai envie d’écrire. Des romans. C’est idiot, non ?

— Non, dit Arslan, la gorge serrée.

Il était ému de la confiance qu’elle lui accordait en lui dévoilant ses rêves, même s’il était parfois plus facile de se livrer au premier venu qu’à des proches.

Il sentit que Theliel, qui ne s’était pas manifesté depuis un moment, l’invitait à répondre par une autre confidence.

— Je veux être architecte.

Il inspira longuement, étonné d’avoir énoncé ce rêve tout haut. Il y songeait depuis longtemps mais, pour la première fois, il osait enfin le formuler.

— C’est pour ça que tu passes ton temps ici, comprit Bérénice. Tu es un drôle de garçon. Je l’ai vu tout de suite à ta manière d’observer les ruines.

Elle eut un sourire en coin.

— Et à ta manière de jouer dans les vagues, bien sûr, ajouta-t-elle malicieusement.

Arslan devint cramoisi.

— Allez, ne te mets pas dans un état pareil. Tu vois bien que je te taquine ! »

« Renonçant à courir dans la marée montante, il s’assit sur les gradins pour regarder les flots jouer avec les pierres et le sable. Un soupir venu d’il ne savait où lui gonfla la poitrine. Ses yeux se perdirent dans le mouvement des vagues.

— Hello !

Il sursauta.

La jeune fille était là. Tout près. Il pouvait même sentir son parfum de fleur. Il porta la main à son torse, ne sachant plus si son cœur tressautait de surprise ou de joie.

Il ne répondit pas à son salut. Sans pouvoir se retenir, l’adolescent l’observa longuement. Sa beauté était presque douloureuse à contempler. Une perfection glacée sous le soleil éclatant, une perfection de statue antique.

Soudain, il remarqua un élément qui lui avait échappé jusque-là : elle avait un léger coup de soleil sur le nez. Arslan eut envie de sourire. Ce fut sans doute à cet instant qu’il tomba définitivement amoureux. »

« Tandis qu’il se redressait, il aperçut un halo clair sur les marches de pierre qui dominaient son terrain de jeu. Pendant qu’il courait à perdre haleine, quelqu’un était arrivé. Son malaise grandit quand il remarqua que la personne qui l’observait était une jeune fille.

Elle ne devait pas avoir plus de seize ans. Mais il distinguait mal son visage à contre-jour. Jolie ? Impossible de le savoir. En tout cas, ses cheveux étaient noirs comme la nuit et prenaient des reflets violets sous la brûlure du soleil.

L’inconnue portait une longue robe blanche qui dévoilait ses bras et ses chevilles pâles. Il l’observa sans pouvoir en détacher ses yeux et se sentit devenir écarlate.

Il ne manquait plus qu’un détail pour que son humiliation soit complète : qu’elle soit jolie. Alors, il se figea et lui rendit son regard, attendant qu’elle bouge enfin.

Ils se dévisagèrent longtemps. Et seul le bruit des vagues, si lointain maintenant, meubla le silence.

Finalement, lassée ou amusée, la jeune fille se détourna et ses traits apparurent en pleine lumière. Arslan sentit son ventre se nouer.

La jeune fille n’était pas jolie, non.

C’était bien pire : elle était belle avec ses lèvres pleines.

— Arslan ? Tu as de la chance que j’aie du réseau. On est justement allés faire des courses en ville avec ma famille.

— Est-ce que je peux te parler ?

— Tout va bien ? s’inquiéta soudain le jeune homme.

— Oui, oui, rassure-toi. Mais j’ai une décision importante à prendre.

— Je t’écoute.

Arslan lui expliqua le déroulement de la soirée de la veille, ainsi que sa conversation nocturne avec Bérénice. Puis, il sollicita son avis.

— Es-tu sûr qu’elle ne joue pas avec toi ?

— Que veux-tu dire ?

— D’abord, si je comprends bien, elle te repousse. Et, quelques heures plus tard, elle se jette pratiquement à ton cou en débarquant dans ton lit en plein milieu de la nuit et elle te demande de l’accompagner aux États-Unis en tant qu’ami… Il y a de quoi se poser des questions, non ?

— Non, dans son esprit tout est clair. Nous sommes seulement amis. Il n’y avait aucune ambiguïté.

— C’est toi qui le dis. Et dans ton esprit, tout est clair aussi ?

— Non, avoua Arslan.

— Tu te condamnes à souffrir. Imagine : quitter ton pays pour elle. La voir tous les jours avec un autre. L’entendre te raconter ce qu’elle fait avec lui. C’est de la torture !

Le ton d’Aydin était monté insensiblement. Il était presque véhément à présent. Arslan sentit sa gorge se serrer.

— Je ne peux pas supporter l’idée d’être loin d’elle, avoua-t-il. Rien que d’y penser, j’ai l’impression qu’une main glacée m’écrase le cœur.