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La façade vitrée étant orientée à l'est, les rayons du couchant ne pénétraient pas dans la salle. Un clair-obscur régnait dans la taverne, et la lumière des lustres enluminait le comptoir et les boiseries de reflets cuivrés.
Le parfum qui flottait dans l'air était agréable : l'odeur du bois imprégné de bière, la cire des bougies qui se consumaient, les cheeseburgers, le fumet des oignons frits.
Afficher en entierUne heure plus tard, à 17 heures, arriva Shirley Trueblood, la seconde serveuse, qui venait en renfort pour le service du soir. Âgée de cinquante-six ans, bien en chair, parfumée au jasmin, Shirley avait elle aussi sa propre cour. Certains hommes dans les bars aiment être maternés. Certaines femmes aussi.
Le cuisinier de jour, Ben Vernon, quitta ses fourneaux pour rentrer chez lui.
Celui du soir, Ramon Padillo, prit la relève. Au menu, des plats simples, typiques des bars : cheeseburgers, frites, ailes de poulet, quesadillas, nachos, etc.
Ramon avait remarqué que les soirs où Ivy était présente, les plats épicés se vendaient mieux. Les types commandaient de préférence des plats à base de sauce tomate pimentée, vidaient des bouteilles de Tabasco, et réclamaient des hamburgers relevés avec des morceaux de jalapeños.
—Mon idée, avait-il confié un soir à Billy, est qu’ inconsciemment ils se remplissent les testicules de stimulants, au cas où ils auraient une aventure avec elle.
—Avec Ivy, ils n’ont aucune chance.
—Sait-on jamais ? avait répondu Ramon d’une voix timide.
—Ne me dis pas que tu marches aussi aux piments ?
—J’en mange tellement que, certains soirs, j’ai l’estomac en feu. Mais je suis prêt.
Steve Zillis, le barman du soir, arrivait en même temps que Ramon. Ses horaires et ceux de Billy se chevauchaient pendant une heure. Steve était âgé de vingt-quatre ans ; sur le papier, il était de dix ans son cadet, mais en âge mental, il avait bien vingt ans de moins.
L’humour de Steve se limitait à raconter des blagues obscènes à faire piquer un fard à un bidasse en rut.
Il savait faire un nœud dans une queue de cerise rien qu’avec la langue, introduire des cacahuètes dans sa narine et les projeter en rafales dans un verre, ou bien encore faire sortir de la fumée de cigarette par ses oreilles.
Comme d’habitude, Steve fit son entrée en bondissant pardessus la porte du bar, au lieu de la pousser tout simplement.
—Quoi de neuf, docteur ?
—Encore une heure à tirer, déclara Billy. Et la vraie vie reprendra son cours.
Afficher en entierUn demi pression à la main, le sourire aux lèvres, Ned Pearsall portait un toast à feu son voisin, Henry Friddle, dont la mort le mettait en joie.
Friddle avait été tué par un nain de jardin. Le malheureux avait dégringolé du toit de sa maison, pour atterrir sur le petit être au visage jovial. Le nain était en béton. Pas Henry Friddle.
Les vertèbres cervicales et le crâne brisés, Friddle était mort sur le coup.
Ce crash mortel sur un nain remontait à quatre ans déjà. Mais Pearsall célébrait encore l’événement au moins une fois par semaine.
Le seul autre client du bar, un gars de passage, était assis sur un tabouret, dans la courbe du comptoir en acajou. La haine tenace de Pearsall aiguisait sa curiosité.
— Ce voisin devait vraiment être un sale type, pour que vous soyez encore si remonté contre lui…
D’ordinaire, Pearsall aurait ignoré la remarque. Il se souciait des touristes comme des bretzels sur le comptoir.
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