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"On peut me réduire à vivre sans bonheur,
Mais non pas me résoudre à vivre sans honneur."
Afficher en entierRodrigue, as-tu du coeur ?
Afficher en entierDon Rodrigue
À moi, Comte, deux mots.
Le Comte
Parle.
Don Rodrigue
Ôte-moi d’un doute.
Connais-tu bien don Diègue ?
Le Comte
Oui.
Don Rodrigue
Parlons bas, écoute.
Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu,
La vaillance et l’honneur de son temps, le sais-tu ?
Le Comte
Peut-être.
Don Rodrigue
Cette ardeur que dans les yeux je porte,
Sais-tu que c’est son sang, le sais-tu ?
Le Comte
Que m’importe !
Don Rodrigue
À quatre pas d’ici je te le fais savoir.
Le Comte
Jeune présomptueux !
Don Rodrigue
Parle sans t’émouvoir.
Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées
La valeur n’attend pas le nombre des années.
Le Comte
Te mesurer à moi ! qui t’a rendu si vain,
Toi qu’on a jamais vu les armes à la main ?
Don Rodrigue
Mes pareils à deux fois ne se font point connaître
Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maître.
Le Comte
Sais-tu bien qui je suis ?
Afficher en entierDon Diègue
Rodrigue, as-tu du cœur ?
Don Rodrigue
Tout autre que mon père
L’éprouverait sur l’heure.
Don Diègue
Agréable colère !
Digne ressentiment à ma douleur bien doux !
Je reconnais mon sang à ce noble courroux ;
Ma jeunesse revit en cette ardeur si prompte.
Viens, mon fils, viens, mon sang, viens réparer ma honte ;
Viens me venger.
Don Rodrigue
De quoi ?
Don Diègue
D’un affront si cruel,
Qu’à l’honneur de tous deux il porte un coup mortel :
D’un soufflet. L’insolent en eût perdu la vie ;
Mais mon âge a trompé ma généreuse envie ;
Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir,
Je le remets au tien pour venger et punir.
Va contre un arrogant éprouver ton courage :
Ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage ;
Meurs, ou tue. Au surplus, pour ne te point flatter,
Je te donne à combattre un homme à redouter ;
Je l’ai vu, tout couvert de sang et de poussière,
Porter partout l’effroi dans une armée entière.
J’ai vu par sa valeur cent escadrons rompus ;
Et pour t’en dire encor quelque chose de plus,
Plus que brave soldat, plus que grand capitaine,
C’est…
Don Rodrigue
De grâce, achevez.
Don Diègue
Le père de Chimène.
Don Rodrigue
Le…
Don Diègue
Ne réplique point, je connais ton amour,
Mais qui peut vivre infâme est indigne du jour ;
Plus l’offenseur est cher, et plus grande est l’offense.
Enfin tu sais l’affront, et tu tiens la vengeance :
Je ne te dis plus rien. Venge-moi, venge-toi ;
Montre-toi digne fils d’un père tel que moi.
Accablé des malheurs où le destin me range,
Je vais les déplorer. Va, cours, vole, et nous venge.
Afficher en entierDON RODRIGUE
Pour venger son honneur il perdit son amour
Pour venger sa maîtresse il a quitté le jour
Préférant (quelque espoir qu'eût son âme asservie)
Son honneur à Chimène et Chimène à sa vie.
Afficher en entierL'Infante.
Ah!Qu'avec peu d'effet on entend la raison,
Quand le coeur est atteint d'un si charmant poison!
Et lorsque le malade aime sa maladie,
Qu'il a peine à souffrir que l'on y remédie!
Léonor.
Votre espoir vous séduit, votre mal vous est doux;
Mais enfin ce Rodrigue est indigne de vous.
(acte II, scène 5)
Afficher en entierOh Dieu, l'étrange peine!
En cet affront mon père est l'offensé,
Et l'offenseur le père de Chimène!
Que je sens de rudes combats!
Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse:
Il faut venger un père, et perdre une maîtresse
L'un m'anime le coeur , l'autre retient mon bras.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infâme,
Des deux côtés mon mal est infini.
Oh Dieu, l'étrange peine!
Faut-il laisser un affront impuni ?
Faut-il punir le père de Chimène ?
(acte I, scène 7)
Afficher en entierTirade de Rodrigue :
Percé jusques au fond du coeur
D'une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d'une juste querelle,
Et malheureux objet d'une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.
Si près de voir mon feu récompensé ,
O dieu, l'étrange peine !
En cet affront mon père est l'offensé,
Et l'offenseur est père de Chimène !
Que je sens de rudes combats !
Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse :
Il faut venger un père et perdre une maitresse.
L'un m'anime le coeur, l'autre retient mon bras.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infâme,
Des deux côtés mon mal est infini.
O Dieu l'étrange peine !
Faut-il laisser un affront impuni ?
Faut-il punir le père de Chimène ?
Père, maitresse, honneur, amour,
Noble et dure contrainte, aimable tyrannie,
Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie.
L'un me rend malheureux, l'autre indigne du jour.
Cher et cruel espoir d'une âme généreuse,
Mais ensemble amoureuse,
Digne ennemi de mon plus grand bonheur,
Fer qui cause ma peine,
M'es-tu donné pour venger mon honneur ?
M'es-tu donné pour perdre ma Chimène ?
Il vaut mieux courir au trépas.
Je dois à ma maitresse aussi bien qu'à mon père;
J'attire en me vengeant sa haine et sa colère;
J'attire son mépris en ne me vengeant pas.
À mon plus doux espoir, l'un me rend infidèle,
Et l'autre indigne d'elle,
Mon mal augmente à le vouloir guérir;
Tout redouble ma peine.
Allons, mon âme ; et puisqu'il faut mourir,
Mourons du moins sans offenser Chimène.
Mourir sans tirer ma raison !
Rechercher un trépas si mortel à ma gloire !
Endurer que l'Espagne impute à ma mémoire
D'avoir mal soutenu l'honneur de ma maison !
Respecter un amour dont mon âme égarée
Voit la perte assuré !
N'écoutons plus ce penser suborneur,
Qui ne sert qu'à ma peine.
Allons, mon bras, sauvons du moins l'honneur,
Puisqu'après tout il faut perdre Chimène.
Oui, mon esprit s'était déçu.
Je dois tout à mon père avant qu'à ma maitresse :
Que je meure au combat ou meure de tristesse,
Je rendrais mon sang pur comme je l'ai reçu.
Je m'accuse déjà de trop de négligence;
Courons à la vengeance;
Et tout honteux d'avoir tant balancé,
Ne soyons plus en peine,
Puisqu'aujourd'hui mon père est l'offensé,
Si l'offenseur est père de Chimène.
Afficher en entierdernière réplique de la pièce (le roi d'Espagne)
Espère en ton courage, espère en ma promesse;
Et possédant déjà le coeur de ta maîtresse,
Pour vaincre un point d"honneur qui combat contre toi,
Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi.
Afficher en entierQue je sens de rudes combats!
Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse:
Il faut venger un père et perdre une maîtresse.
L'un m'anime le cœur, l'autre retient mon bras.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infâme,
Des deux cotés mon mal est infini.
O Dieu, l'étrange peine!
Faut-il laisser un affront impuni?
Faut-il punir le père de Chimène?
Père, maîtresse, honneur, amour,
Noble et dure contrainte, aimable tyrannie,
Tous mes plaisirs sont morts ou ma gloire ternie.
L'un me rend malheureux, l'autre indigne du jour.
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