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Le Clan Mackenzie, Tome 3 : Silence sur les Highlands



Description ajoutée par Underworld 2016-11-03T20:16:57+01:00

Résumé

Écosse, XVe siècle

Après que Sebastian Fawkes, le prédateur, a menacé de lui dérober sa vertu, Cecelia a fui. Mais, désormais loin d’Édimbourg et des siens, elle sent l’étau de la culpabilité l’enserrer. D’abord parce qu’elle a abandonné ses proches aux griffes de ce monstre, mais aussi parce qu’elle a menti au laird Knok MacKenzie, l’homme qui l’a recueillie avec tant de bonté. Un Highlander aussi séduisant qu’honnête qu’elle craint plus que tout de décevoir s’il venait à découvrir le vrai motif de sa fugue…

* * *

Description en VO :

Deep in the lush Highlands, a powerful laird with everything to lose must risk it all for the lass who storms into his keep—and his heart.

Raised on the debauched margins of society, Amelia Taylor depends upon her quick wit and fiery spirit to survive. When danger closes in on her already precarious home, she flees into the Highlands and finds refuge in the iron-strong circle of Clan Mackenzie. There, her lack of propriety and intriguing beauty draw the attentions of their formidable leader. But to remain safe from pursuit, she must conceal her identity, even if it means deceiving Laird Knox Mackenzie.

A fiercely guarded and staunchly moral warrior, Knox never expected a ravishing stranger like Amelia to reawaken his desires. Yet as their heated confrontations unlock untold passion, temptation proves impossible to resist. So when Amelia's tapestry of lies begins to unravel, the secrets from her dark past threaten both his Clan and a future they can only dare to dream of….

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Classement en biblio - 42 lecteurs

extrait

** Extrait offert par Juliette Miller **

Chapitre 1

Les dangers du voyage qui commençait valaient peut-être les périls que nous avions laissés derrière nous et je le savais. Les Highlands m’étaient tellement inconnus que j’aurais aussi bien pu me trouver au cœur de la jungle africaine ou en train de diriger un bateau corsaire vers les Amériques.

Mais j’étais vraiment contente de m’être libérée d’Édimbourg. Je n’en avais jamais franchi les frontières, et je ne doutais pas d’avoir abordé un monde complètement différent, qui me semblait aussi libre qu’un monde puisse l’être.

À mesure que nous progressions sur les hauteurs ondulantes du pays et que le paysage défilait, paisible et serein, il me paraissait impossible qu’un endroit pareil pût abriter la moindre menace. À l’évidence, nous pourrions nous cacher facilement au sein de ces collines pittoresques et de ces vallées bien protégées. Ici, plus de chefs de gang criminels à affronter, plus de requins tapis derrière les jeux de cartes ni de combats au couteau, plus de lieux de débauche débordant de femmes perdues et de mâles prédateurs. Juste de grands espaces et de vastes étendues d’eau scintillantes, miroitant au soleil sous le ciel immense.

Pourtant, bien sûr, le danger n’était pas vraiment inexistant. Après tout, j’étais une jeune femme et je voyageais sans escorte hormis celle d’un petit garçon.

Tandis que notre chariot à foin poursuivait son avancée, je jetai un regard à mon neveu. Bien qu’il se considérât comme un puissant chevalier, il n’était qu’un gamin abandonné de neuf ans qui, même dans son sommeil, gardait les doigts repliés sur la poignée de sa petite épée de bois, un jouet dont il ne se séparait jamais.

De son côté, le conducteur du chariot ne s’était pas rendu compte de notre présence tant nous nous étions adroitement dissimulés à sa vue au moment de grimper. Il faut dire que, comme nous étions partis depuis quelques jours, nous n’en étions pas à notre première tentative et commencions à avoir de l’entraînement. Dès que le chariot s’arrêterait, nous en sauterions avec dextérité et tenterions notre chance avec un nouveau moyen de transport.

Je ne savais même pas où nous allions. Simplement, les Highlands m’avaient paru une excellente région où nous rendre pour nous volatiliser sans difficulté et échapper à nos poursuivants. Sur ce plan, mon choix se révélait parfait. Je me demandais d’ailleurs s’il existait une région plus vaste sur la terre. J’en doutais mais je n’en savais à vrai dire rien. Ma connaissance des voyages se limitait aux livres que j’avais lus sur le sujet. Jusque-là, j’avais en effet passé ma vie cloîtrée tour à tour dans deux endroits de la ville distants de deux rues seulement. Et si un véritable fossé social séparait les deux endroits, c’était un détail qui, aujourd’hui, ne comptait presque plus. Mon passé se trouvait bel et bien derrière moi.

Du moins il s’y était trouvé jusqu’à cet instant.

Cela faisait cinq jours que Hamish et moi sillonnions des routes et grimpions toujours plus haut vers les montagnes vertes qui ondulaient dans le lointain, et nous n’avions pas croisé grand monde. Nos rencontres s’étaient limitées à quelques fermiers, un pêcheur solitaire plus une poignée de bergers et de chevriers d’apparence aussi douce et docile que leurs troupeaux.

Oui, cet univers était tout nouveau pour moi. Pour autant, je n’étais pas quelqu’un de naïf. Les hommes restaient partout des hommes et je connaissais trop bien leurs penchants. Comme tout le monde, j’avais aussi entendu parler de ces clans rivaux qui peuplaient les Highlands, de leurs armées personnelles composées de redoutables guerriers et des batailles sanglantes qu’ils se livraient.

Tout en suivant des yeux le spectacle du disque d’or qui glissait de manière inexorable vers l’horizon, je me demandais si toutes ces légendes ne relevaient pas plutôt du folklore. Car nulle part, dans ces jolies montagnes poudrées et couvertes de bruyère, je n’avais relevé traces de batailles ou d’agressions. Seulement celles d’une paisible coexistence bien réussie.

Fut-ce un sixième sens ou la discrète apparition d’un nuage argenté au-dessus du soleil couchant, toujours est-il qu’un signal mystérieux me prévint soudain que cette impression de sécurité allait peut-être se révéler illusoire. Pourtant, s’il éveilla en moi une certaine méfiance, il ne fit naître aucune frayeur. L’épée des guerriers des Highlands me semblait encore préférable aux menaces que nous avions fuies quelques jours plus tôt. Des soldats loyaux à leur cause et à leur clan pouvaient posséder un certain sens de l’honneur et un minimum d’intégrité, ce qui n’était pas le cas de la bête maléfique qui, en ce moment même, devait être en train de fouiller Édimbourg pour retrouver notre trace.

La lenteur de notre progression était mon seul regret. Pour protéger Hamish, j’aurais pu aller jusqu’au bout de la terre. J’en étais à ce stade de mes pensées quand le chariot ralentit. Le conducteur venait de faire passer ses chevaux au pas. En inclinant discrètement la tête, je constatai que nous arrivions devant une grande taverne, véritable oasis de vie dans ce vaste et vert désert de solitude. L’espoir s’immisça en moi. Dans cet endroit, peut-être trouverais-je un moyen pour accélérer un peu les choses.

— Hamish, chuchotai-je en me penchant vers mon neveu et en le secouant sans rudesse par les épaules, réveille-toi !

Les sens immédiatement en alerte, il ouvrit ses grands yeux noirs et brillants sans lâcher son jouet en bois toujours serré dans sa main.

À défaut d’avoir l’âge nécessaire pour estimer la gravité de notre situation, Hamish possédait une conscience aiguë du danger. Mais il poursuivait parallèlement le rêve de sa vie : découvrir les Highlands. Oui, aussi loin que remontaient mes souvenirs, il me semblait l’avoir toujours entendu parler des Highlands et de son désir ardent de s’y rendre.

— Tu t’es ridiculement vite habitué à notre fuite, remarquai-je sur un ton tranquille sans le quitter des yeux.

À son tour, il pencha la tête vers la taverne. Dans son geste, ses cheveux couleur de sable frôlèrent le foin que le véhicule transportait et accrochèrent quelques brins d’herbe séchés. Puis il reporta son regard sur moi. Un sourire de pure béatitude lui étira les lèvres lorsqu’il rétorqua :

— Toi aussi, Ami.

Sa réponse murmurée avait rendu au dernier mot de sa réplique tout le charme de sa signification en français.

Hamish était d’ailleurs le seul à utiliser cette forme abrégée de mon prénom, Amelia.

À une époque, encore pas si lointaine, j’avais suivi les cours de l’une des écoles les plus prestigieuses d’Édimbourg. Hamish, en revanche, n’avait jamais bénéficié d’un tel privilège. Aussi avais-je pris sur moi de lui enseigner tout ce que je savais. Grâce à quoi, aujourd’hui, l’un de mes plus grands objets de fierté était qu’il sût lire, écrire, compter et possédât en français de meilleures bases que bien des adultes fréquentant l’établissement de jeu de notre famille. Ma fierté concernait aussi — même si elle se faisait plus discrète — sa mystérieuse habileté non seulement à compter les cartes mais aussi à les distribuer.

« Je le tiens de toi, Ami, m’avait-il répondu la première fois que je m’en étais réjouie devant lui. Tu es la meilleure croupière d’Édimbourg. »

Que « l’accusation » fût ou non exacte n’avait plus d’importance. J’avais fait ce qu’il fallait pour subsister et je savais que je recommencerais si ma nouvelle vie le requérait.

Je pris Hamish par le bras tout en détaillant l’endroit où le chariot s’apprêtait à s’arrêter. Le crépuscule était tombé et sa lumière diffuse nous donnait l’avantage. Derrière la taverne, je venais en effet d’apercevoir un épais talus où nous pourrions nous dissimuler le temps d’évaluer convenablement quel genre de clientèle fréquentait l’établissement.

Des véhicules de toutes sortes étaient garés devant la taverne et une bonne douzaine de chevaux se trouvaient attachés à la barre d’attelage. Il s’agissait de robustes et placides chevaux de ferme sur lesquels je ne distinguai aucune trace de transpiration. Probablement avaient-ils effectué tout le trajet depuis Édimbourg au pas. Aucune raison, donc, de m’inquiéter. L’endroit était décidément calme et personne n’était à nos trousses. À l’évidence, nos poursuivants n’étaient pas près de retrouver notre trace grâce à notre astucieux choix de région où nous cacher.

— Maintenant… ! chuchotai-je soudain à Hamish.

La lenteur du chariot nous permit de sauter sans difficulté. D’autant que nous n’avions pour tout bagage que l’épée en bois de Hamish et un petit sac à lanière qui ne quittait pas mon épaule. Celui-ci contenait deux couvertures de laine et mon unique tenue de rechange, une jolie robe appartenant à ma sœur. Il s’y trouvait aussi une gourde pleine d’eau ainsi que quelques pièces de monnaie que je m’étais arrangée pour prélever dans la caisse juste avant de fuir. J’avais aussi eu le temps d’emporter le petit cahier à couverture rouge auquel j’accordais une inestimable valeur sentimentale pour y avoir noté mes rêves, scribouillé des souhaits et des poèmes, dessiné la lune, des arbres et des étoiles, sans oublier les pensées plus fantaisistes qui me passaient par la tête. Curieuse possession à l’évidence, mais dont le symbole se révélait à mes yeux éminemment précieux. Rien n’était pour moi plus léger à porter…

Prenant Hamish par la main, je lui fis contourner la taverne avec moi et pénétrer dans les bois. Avant tout, nous devions vérifier notre tenue vestimentaire et surtout mettre au point une histoire crédible avant de la raconter à quiconque.

Pour cela, nous allions mettre en commun notre don de persuasion et notre double compétence pour l’imposture avant de nous atteler à la tâche. Car, à quoi bon le nier, nos talents pour la tricherie étaient certains. Sans doute parce que la nécessité de recourir sans cesse à des histoires inventées de toutes pièces pour duper des gens aussi différents que des agents de recouvrement, des femmes bouleversées ou des représentants de la loi — pour ne citer qu’eux — avait contribué à les favoriser. Les années passant, ces talents s’étaient aiguisés, évolution bien malheureuse et involontaire, mais dont j’étais quand même à présent contente de profiter.

— J’ai faim, dit soudain Hamish. Je veux un ragoût de viande avec des pommes de terre et de la sauce, du pain sortant du four, une motte de beurre frais et quelques…

— D’accord, mais comment nous présenter ? Cette taverne est à l’évidence remplie de fermiers et de négociants de la région. Ils se connaissent tous et sauront immédiatement, en nous voyant entrer, que nous ne sommes pas d’ici. Voilà pourquoi nous devons avoir une histoire bien convaincante à leur raconter. Cela me permettra de trouver un travail. Il nous faut de l’argent. Songe… Je pourrais devenir cuisinière ou bien…

— Cuisinière ! s’exclama le petit en m’interrompant. Mais… Ami, la cuisine n’est pas vraiment ton fort… Il vaudrait mieux qu’ils te réclament d’autres services.

Il secoua la tête.

— Si nous avons besoin d’argent, pourquoi ne pas nous contenter de jouer aux cartes avec eux et de gagner ?

Je demeurai un instant sans répondre. Mon neveu avait acquis une mentalité bien trop… citadine. Dans cet endroit, elle ne pourrait que le desservir.

— Fini, les jeux de cartes ! rétorquai-je alors. Une nouvelle vie a commencé pour nous. Une vie honnête qui exclut la triche, le vol, la contrebande et le jeu.

Les sourcils haussés par l’étonnement, Hamish répliqua avec un naturel confondant :

— Pourtant, jouer est bien plus facile que travailler. C’est aussi la seule chose que nous sachions faire…

La remarque m’agaça mais je me gardai de le montrer au petit. Pour le connaître bien, je savais que cela ne mènerait à rien. Je n’ignorais pas non plus qu’outre le fait de le protéger, il m’incombait aussi de lui expliquer que, dans la vie, l’honnêteté était plus porteuse que les roueries de l’existence que nous avions menée jusque-là. Restait à savoir si je serais capable de le lui prouver alors que je n’en étais pas sûre moi-même et ne savais pas non plus comment passer à l’acte.

— La ruse et la tricherie semblent plus faciles, Hamish, mais c’est juste une illusion. Il n’y a qu’à voir comment les choses ont tourné pour nous par exemple. Obligés de fuir, d’être séparés des autres, de nous cacher. Quand on a recours à des méthodes comme celles que nous utilisons aux cartes, cela devient du vol. Il n’y a pas de différence. Or, voler les gens les rend fous. Tu le sais aussi bien que moi. Voilà pourquoi, à partir de maintenant, nous devons adopter un tout autre comportement.

Comme mon neveu levait vers moi un regard peu convaincu, je tempérai :

— Ou du moins essayer…

Malgré tout, ma tentative pour remporter son adhésion ne récolta qu’un léger hochement de tête et deux sourcils froncés. Pendant que Hamish réfléchissait, je continuai à lui dévoiler mon plan.

— Je propose donc de faire comme si nous étions deux voyageurs de bonne famille arrivés d’Édimbourg après avoir connu une série de mésaventures, et après que leur attelage eut été…

— … Attaqué par des bandits !

Je considérai la proposition en silence pendant quelques instants et elle ne me parut pas tout à fait déraisonnable. De quelle autre façon, en effet, aurions-nous pu perdre notre moyen de transport ? Mais, à propos, songeai-je soudain, y avait-il des bandits dans cette partie du pays ?

— Un jour, ajouta Hamish que la question traversa en même temps que moi, M. Fawkes m’a dit qu’il s’était fait voler par des bandits en traversant les Highlands.

La simple mention de ce lugubre personnage suffit à me glacer les sangs. Ma repartie fut énoncée d’une voix brisée que je détestai aussitôt pour ce qu’elle révélait de ma vulnérabilité :

— Nous pourrions prétendre plus simplement que l’une des roues de notre attelage s’est détachée et que nous avons dû terminer notre chemin à pied.

— Oui mais, dans ce cas, remarqua Hamish, le conducteur devrait se trouver encore avec nous.

Bien vu…

— Il pourrait aussi être resté sur place pour tenter de réparer après avoir promis de nous rejoindre dès que…

Mon neveu ne me laissa pas terminer.

— Pourquoi avons-nous le droit de mentir mais pas celui de jouer aux cartes ?

Je marquai une légère pause. C’était là une question plutôt complexe à laquelle je voulais répondre après une prudente considération.

— Si nous devons inventer des histoires, c’est uniquement dans le but de ne pas nous retrouver en mauvaise posture. Mais, dès que nous aurons sécurisé notre situation, ce ne sera plus nécessaire.

Cette approche parut mieux convenir à Hamish.

— D’accord, concéda-t-il enfin. Nous essaierons de mentir le moins possible… En dehors de l’épisode sur les bandits. Et puisque tu me présentes depuis cinq jours comme ton frère, nous raconterons que notre père était médecin — après tout, le tien l’était —, que nos parents sont morts et que nous avons dû fuir pour échapper aux créanciers.

Mon cœur eut un raté. Le mensonge que proposait Hamish était incroyablement proche de ce qui s’était réellement passé et qu’il ignorait néanmoins. Pour la première fois depuis que nous avions fui Édimbourg, je me sentis fragile. À force de fournir l’effort nécessaire pour me montrer aussi intrépide et résistante que l’exigeaient les circonstances, je ne m’étais pas autorisé la moindre faiblesse ni la moindre question depuis trop longtemps. Tout cela pour le bien de mon neveu. Et voilà que ses paroles résonnaient brusquement comme autant d’éclats de vérité dans la vitre fracassée de notre histoire. Et en quantité si grande que jamais personne ne pourrait la réparer. Mes parents, c’était exact, étaient morts quelques années plus tôt. Et aujourd’hui c’étaient ceux de Hamish qui se trouvaient dans une situation si délicate et si précaire que cette pensée me faisait presque monter les larmes aux yeux. Je m’efforçai de me concentrer sur la tâche qui nous préoccupait pour le moment et qu’il allait falloir accomplir. Mon père avait été médecin, ce point aussi était exact, comme il était exact que nous avions fui pour échapper à nos… Non, le mot créanciers était encore trop flatteur pour désigner nos hideux poursuivants.

— Cela nous ferait passer pour de petits malfrats, me contentai-je d’opposer à Hamish.

Comme il considérait mon objection en silence, son petit visage s’illumina soudain. Une idée venait visiblement de lui traverser l’esprit.

— Dans ce cas, racontons que nous partions rendre visite à de la famille quand des bandits nous ont attaqués et dépouillés de tous nos biens. Et qu’à cause de cela, nous devons trouver du travail pour payer soit notre voyage de retour à Édimbourg, soit notre voyage vers notre famille.

— On va nous demander où elle demeure.

— Ce sera une famille un peu mystérieuse, repartit Hamish. Nous ne connaissons ni le nom de ses membres ni leur adresse, mais ils existent et, en tant qu’orphelins, nous sommes d’autant plus désireux de les connaître que nous n’avons plus qu’eux. Cela justifiera par la même occasion le voyage que nous avons entrepris.

Pas mal, me dis-je. Pas mal du tout. Cette légende nous fournirait de plus les meilleures raisons pour poser les questions que nous voudrions sur les locaux, sur les Highlands, sur les clans et évidemment sur les emplois à pourvoir ici et là.

— Je ne sais pas si je dois me réjouir ou m’inquiéter de ta faculté à inventer autant de mensonges en aussi peu de temps et avec une telle facilité, mon neveu, lui dis-je sur un ton que je ne cherchai même pas à rendre sévère.

Il sourit.

— J’ai tout appris de toi, Ami.

J’ignorai la remarque avec superbe et commençai à retirer en silence les brins de foin de la chevelure de mon neveu.

Si seulement j’avais pu lui en apprendre davantage ! Quand, à onze ans, mon éducation avait brutalement été interrompue par la mort de mes parents, je m’étais fait la promesse de lire tous les livres qui circulaient à Édimbourg ou, du moins, ceux qui me passeraient par les mains. Dès lors, chaque fois que je ne travaillais pas, je me plongeais dans la lecture et l’étude pour apprendre par moi-même un maximum de choses sur tous les sujets possibles. Au point que ma sœur Cecelia avait affirmé un jour que si une personne s’était souciée de m’interroger sur mes connaissances elle aurait compris que j’étais sûrement la plus qualifiée des astronomes, des botanistes, des linguistes, et que cette liste était loin d’être exhaustive. En cet instant hélas, ces bonnes habitudes que j’avais prises de poursuivre mes études à tout prix et de continuer à m’instruire, ne m’étaient d’aucune utilité. Survivre était mon seul motto.

Une fois que notre plan fut arrêté, il fallut jeter un regard lucide sur notre apparence physique. Après avoir ôté toute trace de foin de la chevelure de Hamish, j’utilisai un peu d’eau pour mettre de l’ordre dans ses mèches en bataille. En revanche, je ne pus faire grand-chose pour ses vêtements. Ils étaient sales mais ne comportaient heureusement aucune trace d’usure et aucune déchirure. Dans la hâte qui avait accompagné notre fuite, mon neveu n’avait pas songé à emporter de tenue de rechange et de mon côté, je n’avais rien aperçu dans ma chambre susceptible de lui convenir. En ce qui concernait mes propres tenues, j’avais à peine eu le temps d’attraper l’une des robes de ma sœur dans son armoire et de l’enfouir dans mon sac. Pour ne pas laisser entendre que son affaire était un véritable désastre financier, et bien que ce fût très probablement le cas, le mari de Cecelia lui achetait en effet des robes de choix, plus fines que les miennes. Avec le recul, et compte tenu des nombreux problèmes de tous ordres que rencontrait mon beau-frère, je trouvais sa préoccupation un peu curieuse, mais, pour l’heure, sa fierté me rendait bien service. Grâce au souci des apparences que cultivait mon beau-frère, j’avais dans mon sac une robe bleu nuit non seulement propre mais aussi de très bonne qualité. Suffisamment, en tout cas, pour corroborer l’histoire que nous nous apprêtions à raconter. Et peu importait que cet habit fût un peu trop petit. Cela était inévitable, ma sœur ayant moins de courbes que moi.

Après avoir prié Hamish de tourner le dos et dû batailler quelque peu pour me glisser dans le vêtement, je baissai la tête et considérai le résultat. Au problème concernant la taille de la robe s’ajoutait le fait que sa coupe n’était pas de celles que je portais d’habitude. L’ensemble de ces considérations faisait qu’elle était sensiblement plus moulante que ce que j’avais cru. Aussi ne fus-je pas mécontente d’avoir pensé à emporter avec moi mon châle bleu clair. Je le nouai immédiatement autour de mes épaules et en fixai les deux pans avec l’une des épingles de kilt ayant appartenu à mon père.

Je posai ensuite les mains sur mes cheveux pour inspecter ma coiffure comme je pouvais. Ma tresse était encore bien enroulée sur elle-même, mais quelques mèches plus courtes s’en échappaient.

— Personne ne s’étonnera que ta mise ne soit pas parfaite, intervint alors Hamish en se retournant pour me regarder. Nous avons été agressés par des bandits, rappelle-toi, ce qui nous a ensuite obligés à marcher pendant des kilomètres après le meurtre de notre chauffeur et le vol de notre attelage.

— Son meurtre ! m’écriai-je. Nous voici donc maintenant témoins d’un meurtre et dépouillés de nos affaires ainsi que de notre moyen de transport…

— Si le conducteur est censé être encore en vie, ceux d’ici partiront à sa recherche, soutint Hamish non sans justesse.

L’histoire devenait plus macabre que prévu. Malgré cela, force m’était de reconnaître qu’en ce qui concernait mon apparence Hamish avait également raison. Je serais plus convaincante avec quelques mèches rebelles. Aussi laissai-je celles qui avaient échappé à ma tresse encadrer mon front comme elles le voulaient.

Mes cheveux étaient longs, ondulés et d’un roux tirant de manière étrange vers le blond. Blond framboise, s’amusait à dire ma sœur qui, pour sa part, avait une chevelure couleur de sable dont Hamish avait hérité. Dans la lumière, celle du petit garçon prenait parfois une teinte miel.

Mais pour le moment, ce furent ses yeux que je remarquai avec surprise. Ils brillaient de larmes contenues alors que, malgré son jeune âge, mon neveu ne pleurait presque jamais. C’est pourquoi le fait de le surprendre ainsi me poignarda le cœur. Avec cette robe, sans doute lui rappelais-je sa mère. La pensée qu’il ne la verrait pas pendant un laps de temps qui pouvait se prolonger et durant lequel il se trouverait en mon unique compagnie et sous ma seule protection me plongea dans un abîme de tristesse.

— Dis-moi encore pourquoi ils n’ont pas pu venir avec nous, me demanda le petit.

— Tu sais pourquoi, commençai-je sans avoir besoin de lui demander de qui il parlait. Ils avaient beaucoup de travail et des affaires urgentes à traiter. Mais dès que nous aurons trouvé un endroit tranquille où nous arrêter, je leur ferai parvenir une missive et ils viendront nous rejoindre.

Sur ces mots, j’essuyai les larmes qui commençaient à déborder des beaux yeux noirs, bien consciente qu’il était hélas hors de question d’écrire aux parents de Hamish. Le message risquerait de se faire intercepter et de mettre ainsi tout le monde en danger.

— En attendant, poursuivis-je, je vais prendre bien soin de toi.

— Et moi de toi, repartit tout de suite le petit garçon en recouvrant un peu de l’enthousiasme qui avait été le sien de partir à l’aventure.

Je hochai la tête.

— Allons prendre ce bon repas à présent. Ragoût de viande, pommes de terre avec de la sauce et pain chaud ! Autant que tu pourras en manger !

L’injonction acheva de rendre sa gaieté à Hamish qui s’essuya les joues d’un revers de main.

— Range ton arme, soldat ! ajoutai-je. Nous ne voulons effrayer personne…

L’enfant glissa la lame de son jouet en bois dans l’étui suspendu à sa ceinture.

Quelques instants plus tard, je poussai la porte de l’auberge.

Le lieu regorgeait de vie. Nous nous trouvions bel et bien dans un des endroits où se rejoignaient les locaux. Se trouvait là un gros contingent de fermiers et de marchands qui se connaissaient tous, ainsi que je l’avais subodoré, et qui avaient déjà bien entamé leur content de bière. Ils étaient assis autour de tables situées au centre de la vaste pièce et couvertes de plateaux chargés de nourriture.

Si quelques têtes se tournèrent à notre entrée, les conversations ne s’en poursuivirent pas moins, et je pus entendre qu’elles portaient toutes sur des sujets importants comme l’ensemencement ou la tonte des moutons. Les voyageurs de passage s’étaient installés dans des coins plus calmes. Certains constituaient de petits groupes, d’autres se trouvaient seuls. Très vite, je repérai une table vide au fond de la taverne et y menai Hamish.

Une serveuse se dirigea aussitôt vers nous.

— C’est pour manger ? s’enquit-elle sur un ton las.

Elle devait avoir dans les trente-cinq ans ou peut-être moins. Son regard était fatigué, et sa chevelure terne était nouée dans le dos. Vêtue avec simplicité, elle portait une tenue usée mais propre. L’ennui et la résignation pointaient dans sa voix et il se dégageait de tout son être l’envie irrépressible et très palpable de se trouver n’importe où sauf dans cet endroit. Peut-être avait-elle besoin d’une autre serveuse pour l’aider et alléger sa charge ? Tenir ce rôle m’aurait permis de gagner l’argent nécessaire pour payer notre nourriture, ainsi que notre gîte. En revanche, il nous faudrait sûrement beaucoup de temps pour épargner de quoi payer notre voyage de retour pour Édimbourg. Ainsi que l’avait tout de suite compris Hamish, jouer aurait été plus efficace, plus rapide et bien plus facile. Mais il ne pouvait en être question et je repoussai avec fermeté le chemin que commençait à emprunter ma pensée sans pouvoir m’empêcher de me représenter un an plus tard, vêtue de la même robe en étoffe rude que la serveuse et en train de prendre, fatiguée, les mêmes commandes sans jamais cesser de songer à nos poursuivants. Mais à quoi bon tergiverser ? Avais-je le choix ? Je me rappelai à temps que non et que je devrais accepter le sort qui me serait alloué.

— Oui, deux repas s’il vous plaît, répondis-je à la serveuse. Avec un pot de thé bien fort et du sucre.

Pour un peu, je lui aurais demandé aussi s’il n’y avait pas un poste à pourvoir dans l’auberge. Mais quelque chose me retint. Sans doute l’envie de profiter de ce repas — le dernier que le peu d’argent qui nous restait me permettait de nous offrir — avant de devoir me résigner à mon sort. Mon sort.

On a toujours le choix, me glissa une petite voix.

J’étais encore en train de discuter avec moi-même quand la serveuse s’éloigna. Servir dans une auberge était une tâche honnête. Et ennuyeuse ? Certes, mais nous aurions accès à toute la nourriture que nous voudrions et dormirions au chaud. Sans compter que Hamish pourrait, de son côté, se faire embaucher par un fermier et demeurer hors de la vue des curieux éventuels tandis que je travaillerais ici, en cuisine ou en salle. Oui mais si seule et si confinée dans ma tâche monotone.

Ma pensée vogua vers ma mère. Mon caractère impétueux l’avait toujours inquiétée.

« Tu as un petit démon sur une épaule et un ange sur l’autre, Amelia. Le démon te souffle de mauvaises idées à l’oreille. Laisse l’ange te guider. C’est lui que tu dois écouter. »

En dépit de ces avertissements, la voix du petit démon m’avait toujours paru bien plus intéressante. Pour apaiser l’inquiétude de ma mère, je m’étais néanmoins forcée — et j’avais presque atteint mon but — à suivre son conseil et à fermer mes oreilles au chant sympathique mais interdit du petit démon, à me discipliner et à me contrôler. C’est alors que mes parents étaient morts et que cette tragédie avait fait taire la voix de ma raison. Je venais d’avoir onze ans. Très vite, ma sœur, de sept ans mon aînée, s’était trouvée contrainte d’épouser le propriétaire d’un club de jeu en difficulté pour nous arracher à la rue où nous avait jetées cette brutale double disparition. L’existence était alors devenue bien trop difficile et j’avais eu beaucoup trop de choses à faire pour pouvoir m’occuper de problèmes de conscience et d’étiquette.

On nous apporta notre repas. La nourriture se révéla simple mais bonne. Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu aussi faim. En fait, cela ne m’était jamais arrivé.

Nous n’avions pas tout à fait fini de nous sustenter quand un grand coup résonna contre la porte. Dans un geste instinctif, j’attirai Hamish contre moi.

Se pouvait-il que Fawkes et ses hommes nous aient retrouvés ici ? Déjà !

La terreur me submergea et je sentis dans ma bouche le goût amer et métallique de la peur.

Avant que nous ayons pu faire le moindre geste, un homme imposant surgit dans la taverne, presque aussitôt suivi de plusieurs autres. Il ne s’agissait pas de gens de la ville, cela se voyait au premier coup d’œil. Dès que leurs étranges silhouettes s’avancèrent dans l’établissement, celui-ci sembla rétrécir de singulière façon.

Tous portaient le kilt en tartan des Écossais et, à leur ceinturon, quantité d’épées et de couteaux. Immenses, ils étaient aussi incroyablement puissants, larges d’épaules et musclés. J’entendis Hamish haleter un peu avant de reprendre sa respiration. Ces hommes étaient évidemment des guerriers, ceux des clans dont nous avions lu des histoires, avec leur arsenal de guerre et, sur leur visage, les cicatrices de leurs batailles. Ils semblaient en tout point aussi sauvages que ce à quoi toute personne instruite de leur existence pouvait s’attendre. Leurs cheveux longs leur frôlaient les épaules et de petites tresses tombaient sur leurs tempes. Chacun d’eux paraissait capable de tuer un homme à mains nues si l’envie lui en prenait de même qu’il se dégageait de tous une aura d’absolue confiance en soi et de férocité contenue. Malgré cela, je remarquai et admirai leur exceptionnelle beauté, la maîtrise parfaite qu’ils semblaient avoir de leur agressivité, ainsi que leur rayonnante vitalité.

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Commentaires récents

Argent

Beaucoup de longueurs malheureusement… c’est dommage le livre avait une bonne intrigue. J’ai vraiment eu du mal avec ce livre et même le style d’écriture m’a bloqué.

Les personnages sont également mal exploitée, même si j’ai beaucoup aimé Amélia!

Bref un livre qui se lit mais avec des défauts qui déçoit…

5,5/10

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Bronze

Un tome que j'ai trouvé moins captivant que les premiers. Il presentait pourtant un contexte assez intéressant, notamment sur Amelia. Mais ça se lit, même si les chapitres peuvent paraître longs.

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Envies

Sortie chez Harlequin le 1er avril 2019

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Si le fond de l'histoire est pas mal, il y a beaucoup de longueurs qui n'ont pas lieu d'être. Les circonvolutions narratives frôle la niaiserie et rendent la lecture un peu pompeuse. A part cela j'ai passé un bon moment dans les Highlands.

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Si le fond de l'histoire est pas mal, il y a beaucoup de longueurs qui n'ont pas lieu d'être. Les circonvolutions narratives frôle la niaiserie et rendent la lecture un peu pompeuse. A part cela j'ai passé un bon moment dans les Highlands.

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bonjour! est ce que Ilya une sortie française prévue

pour le tome 3et4? merci

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Dates de sortie

Le Clan Mackenzie, Tome 3 : Silence sur les Highlands

  • France : 2022-06-01 - Poche (Français)
  • USA : 2014-01-28 - Poche (English)

Activité récente

MolHyu l'ajoute dans sa biblio or
2023-11-11T14:04:59+01:00

Titres alternatifs

  • Highlander Mine (Clan Mackenzie #3) - Anglais
  • Highlander Mine - Anglais

Évaluations

Les chiffres

lecteurs 42
Commentaires 6
extraits 1
Evaluations 13
Note globale 7.58 / 10