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Voilà ce qu'avaient produit quatre ans de guerre: des hommes qui n'avaient plus peur, qui avaient survécu à tellement d'horreurs que rien ni personne ne leur ferait baisser les yeux.
Afficher en entierL'un des charmes des armées est que lorsqu'un ordre est donné, il faut un autre ordre pour l'abolir.
Afficher en entierLes outrages de l'hiver et du travail n'avaient pourtant pas fait disparaître la beauté et la noblesse du corps qu'ils offensaient. Ces qualités, combattues de toute part, s'étaient repliées dans ses yeux. Valentine avait un regard noir mais brillant, droit, clair dans sa manière non seulement de contempler l'autre mais de lui ouvrir tout grand le chemin d'une âme.
Afficher en entierC'était curieux comme la guerre avait rendu ces histoires de chair insupportable. Comme si ce magma des origines, ces mystères de la génération répondaient tragiquement à l'orgie du sang et de la mort, à l'ignoble mélange auquel les obus avaient procédé dans les tranchées.
Afficher en entierVoilà ce qu'avait produit quatre ans de guerre : des hommes qui n'avaient plus peur, qui avaient survécu à tellement d'horreurs que rien ni personne ne leur ferait baisser les yeux.
Afficher en entierIl n'aimait pas penser à la manière dont les bêtes qu'il mangeait avaient été tuées.
Afficher en entierQuatre années à servir la Nation en combattant et deux à défendre l'ordre et l'autorité en condamnant de pauvres bougres l'avaient usé.
Afficher en entierLe cri d'une femme amoureuse laisse toujours aux hommes l'impression qu'en cette matière ils sont d'une grande faiblesse.
Afficher en entierSoldat Guillaume, au nom du Président de la République, je vous accueille dans l'ordre de l'ignominie qui récompense la violence aveugle, la soumission aux puissants et les instincts les plus bestiaux, et je vous fais chevalier de la Légion d'honneur.
Afficher en entier— Savez-vous ce qu'un tel acte peut vous coûter ?
— Peu m'importe. Faites-moi fusiller, si vous voulez.
— Nous ne sommes plus en guerre et la justice sera moins expéditive. Mais la déportation est la sanction la plus probable.
— Alors, envoyez-moi au bagne. J'y suis prêt.
— Vous y êtes prêt et, même, vous le souhaitez, j'ai compris cela. Je l'ai compris depuis le début. Vous refusez toutes les solutions que je vous ai proposées pour atténuer votre geste et obtenir la clémence. Parlons de cela, justement. Pourquoi voulez-vous être condamné ? Croyez-vous vraiment que cela servira votre cause ?
— Tout ce qui fait monter dans le peuple le dégoût de la guerre est bon pour la cause que je défends, comme vous dites. Si les prétendus héros refusent les honneurs abjects de ceux qui ont organisé cette boucherie, on cessera de célébrer une prétendue victoire. La seule victoire qui vaille est celle qu'il faut gagner contre la guerre et contre les capitalistes qui l'ont voulue.
Le juge se leva, passa devant le bureau et alla s'asseoir sur une chaise en face de Morlac. Leurs jambes se touchaient presque.
— Jusqu'à quel point êtes-vous convaincu de ce que vous dites ?
Devant le sourire de l'officier, Morlac se troubla.
— Je le crois, voilà tout.
— Eh bien, moi, je vous dis que non. Vous avez construit votre argument et vous vous y tenez. Mais vous n'y croyez pas.
— Pourquoi ?
— Parce que vous n'êtes pas assez naïf pour penser que votre petit coup d'éclat changera la face du monde.
— C'est un début.
— Non, c'est une fin. Pour vous, en tout cas.
Vous allez disparaître dans une lointaine colonie, à casser des cailloux, et vous n'en reviendrez pas.
— Qu'est-ce que ça peut vous faire ?
— À moi, rien. Mais nous parlons de vous. Votre « cause » aura perdu un de ses défenseurs. Vous aurez tiré votre seule cartouche sans atteindre personne et la cause en question n'aura pas avancé d'un pouce.
— Si vous me condamnez, le peuple se révoltera.
— Croyez-vous ? Vous avez fait rire les gens, c'est entendu. Mais parmi ceux qui vous ont applaudi, combien s'armeront pour vous défendre ? Si vous n'aviez rien fait, ce serait les mêmes qui auraient acclamé le défilé. Le peuple, dont vous faites si grand cas, est fatigué de se battre, même contre la guerre. Bientôt vous le verrez passer avec indifférence devant les monuments aux morts.
— La révolution viendra.
— Admettons que vous ayez raison et qu'elle soit nécessaire. Comment croyez-vous qu'on renverse l'ordre établi ? Spoiler(cliquez pour révéler)En décorant son chien devant un préfet ?
Il n'y avait pas de mépris dans le ton de Lantier. L'insulte n'en était que plus cuisante.
— Je crois aux exemples individuels, répliqua Morlac, mais sans conviction.
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