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Je dis elles, alors que je devrais dire ils. Des hommes aussi furent brûlés comme sorciers. Mais la grande majorité d’entre « elles » furent des femmes. C’est cette réalité que traduit l’expression chasse aux sorcières. On ne dit pas chasse aux sorciers. Il existe une expression dans la langue française où le masculin ne l’emporte pas, c’est la chasse aux sorcières. C’est étrange, quand on y pense.
Afficher en entierIl existe un lien de feu entre la sorcière et les livres.
Afficher en entierMême si votre ancêtre n' a pas été brûlée, vous pouvez être sûr qu'elle a vécu dans la terreur. La sorcière vous regarde, cela n'a rien de surnaturel. C'est européen.
Afficher en entierSi le complexe de la sorcière est lié aux mystères, aux mystères de la nature et à ceux de l’esprit, à la façon dont les images se transportent d’un esprit à l’autre, à la peur de ces passages qui relient entre elles des choses qu’on voudrait ne jamais relier, alors résoudre le complexe revient à raconter la découverte d’un territoire. Mais cela suppose de choisir les mots qui soient ceux de la découverte et non de la conquête. Nous ne sommes pas les conquérants de notre esprit, dit la sorcière. Les images sont comme les plantes, dit-elle, il faut beaucoup les aimer pour savoir celles qui sauvent et écarter celles qui tuent, les avoir goûtées, avalées, recrachées, s’être tordue de douleur sur des sentiers mal éclairés. Si je dis que je n’ai pas subi un traumatisme mais une initiation, c’est parce que cette façon de raconter l’histoire est bien plus proche de l’adolescente que j’étais, parce qu’elle ne détruit pas la vérité classique, celle de mon premier récit psychanalytique, mais qu’elle la prolonge.
Afficher en entierLa souffrance est une affaire de bonnes femmes. Les bonnes femmes sont priées de régler ça entre elles.
Afficher en entierLa sorcière. Virginie Despentes. Dans une interview qui m’avait beaucoup impressionnée, Despentes disait que ne plus être hétérosexuelle avait été un soulagement pour elle. Tomber amoureuse d’un homme sans ressusciter d’anciens conditionnements, sans jouer la femme soumise, sans perdre sa force psychique lui paraissait mission quasi impossible. Quand j’ai lu cette interview, une partie de moi était profondément d’accord avec elle. Mais une autre partie de moi n’avait pas envie de l’être parce que je reste attirée par les hommes, et sans doute aussi par les missions impossibles. Entre les hommes et les femmes, l’amour est-il hanté, hanté par quelque chose que nous ne voulons pas reconnaître ? Pourrait-il ne plus l’être ?
Afficher en entierParce que je suis une femme, le pardon est piégé. Je n'ai aucune envie de devenir une petite sainte douceâtre et vertueuse et de crever d'un ulcère à l'estomac.
Afficher en entierLe complexe de la sorcière serait ce soupçon permanent de soi instillé aux femmes torturées, ou aux femmes témoins de la torture d’autres femmes de leur famille ou de leur entourage. L’interdit portant sur la vérité, qu’elles ne peuvent ni chercher ni dire, sous peine de torture. Et je répète plusieurs fois le mot torture, car il me paraît essentiel de comprendre comment la peur a pu se transmettre.
Afficher en entierLe Malleus Maleficarum de Heinrich Krämer et Jakob Sprenger est le premier best-seller de l’époque moderne, le livre qui va transformer la vision des décideurs laïques et religieux en matière de sorcellerie. Rédigé d’une façon méthodique, il voit le jour en même temps que l’imprimerie. Un propos efficace, une diffusion sans précédent, ainsi les historiens expliquent son succès. À ces causes rationnelles, j’ai toutefois envie d’ajouter un ingrédient plus sombre : c’est l’humiliation.
Afficher en entierDire la vérité, la vraie, c’est dire la vôtre. Dire la vérité, c’est me condamner. La vérité est ma condamnation, la vérité me hait.
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