Le cri sauvage de l'âme

Voilà un roman atypique qui sort de la zone de confort du roman noir ou du drame, tout en étant très intéressant et instructif, puisque l'auteur nous livre sans filtre la vie de tous les jours de certaines personnes, et avec un plume incisive. Ecrit avec le langage de la rue, plusieurs thèmes sont abordés en dehors de l'histoire elle-même.

- « Ouais, ce monde que vous ne faites jamais qu'effleurer, où les uns essaient de manger et les autres de ne plus manger, où il faut bouffer ou être bouffé. Macrocosme boursouflé de consumérisme frénétique, vomissant métaux lourds, papier glacé et sacs plastiques, un torrent d'ordures qui finissait au bout du compte dans le ventre des poissons et des oiseaux, et dont le poison remontait très justement jusqu'à l'animal placé au sommet de la chaîne alimentaire : l'Homme. Ce putain de monde de plus en plus petit, asphyxié par ses propres déjections, de plus en plus sale et malade, aveugle à force de s'observer le nombril, la tête dans le trou du cul. »

On décolle de notre siège avec Thomas Mâchefer, mis à la porte de chez sa mère et son beau-père à ses 18 ans. La vie, c'est dans la rue qu'il va la découvrir au travers de ces rencontres. Screech, SDF, qui va le prendre sous son aile et avec qui il va se lier d'amitié.

- « Heureusement, l'espérance de vie d'un SDF n'était que de 43 ans en moyenne. C'était vachement bien fait, quand même, la façon dont la population s'autorégulait... »

Belle-de-loin, péripatéticienne renommée et enjouée. Farouk Hassana, paparazzi, va lui venir à la rencontre de Thomas et petit à petit, en "travaillant" pour lui ils vont apprendre à se connaître non sans quelques complications. Ensuite arrive Mélody, petite starlette qui espère trouver sa place, malgré et grâce aux ignominies médiatisées sur elle. Moultes péripéties vont leur arriver et l'auteur n'est pas avare de détails ni de dérapages incontrôlés en partant sur des sujets divers pour chacun.

- « Des soignants aux gestes infiniment précautionneux, incisaient, nettoyaient, excisaient les chairs nécrosées, pansaient. Des humains qui réparaient les saloperies d'autres humains....J'étais alors pris d'une bouffée d'amour – oui, d'amour ! – pour ces séraphins tout de blanc vêtus qui chaque jour, chaque heure, chaque minute, sauvaient la peau, littéralement, de mon ami."

De situations cocasses aux moments les plus dramatiques c'est quand même avec le sourire que j'ai apprécié cette lecture.

- « On me sonne toutes les cloches de Notre Dame, là-dedans. Mazette, je ne serais pas aussi assommé si j'avais dégusté un airbag ! »

Je n'avais, pour l'instant, lu que des nouvelles de cet auteur, bien m'en a pris d'acquérir ce roman, d'autres récits m'attendent dans ma liseuse, à suivre.

Je reste un peu dubitatif sur le choix du narrateur. D’abord parce que le langage choisi est celui de quelqu’un sans éducation. On dirait que différents narrateurs se partagent le texte, sans transitions. Ça ne gêne pas vraiment la lecture, ça laisse juste une sensation de bizarrerie. Mais aussi parce que les deux sans-domicile semblent jouer à “qui est le plus bête”, ça donne des tranches de vie pleines d’humour, je me suis franchement amusé, mais c’était presque trop. Il ne me reste de leur vie sur les bords de Seine et dans Paris que le souvenir d’une grosse rigolade, de personnages à la limite du ridicule. Ce choix de l’auteur de jouer sur l’humour et le cocasse dans des situations difficiles a semblé judicieux à la majorité des lecteurs, d’après les retours. Affaire de couleurs... Et puis, je dois l’avouer, je suis certainement plus critique avec Soulier qu’avec d’autres, parce qu’ayant découvert sa patte dans ses nouvelles, mon attente est (très) haute.

Mais le roman est dense et Thomas apparaît dans d’autres contextes. On découvre aussi Hassana, Mélody, Belle-de-Loin... Il y a donc avant tout des relations humaines, des personnes malmenées par leur quotidien, des amitiés de toutes sortes et de l’amour. Il y a des blessures morales et des dégradations physiques, il y a du sang, du sperme et de l’argent.

Un roman assez bien écrit, des thèmes de société et de fond, de la culture, des mots à collectionner, pas mal de rigolade et quelques moments d’horreur.

Un trés bon moment de lecture. J'ai rit par moment tout seul. Les personnages sont attachant. La façon d'écrire originale. Les phrases s'enchainent sans souci

Aujourd'hui vous voyez... je suis en colère. Je suis en colère contre le système éditorial qui joue les entonnoirs bouchés depuis bien trop longtemps. Je suis en colère contre les livres de poche qui inondent les magasins d'histoires qui ont déjà connu un succès en broché et uniquement ceux-ci. Je suis en colère contre ceux qui gardent les œillères que notre éducation publicitaire nous a collées dès l'enfance. Aujourd'hui je suis en colère parce que je viens de finir une œuvre littéraire.

Aujourd'hui, ça m'a pris plusieurs semaines pour le terminer, et pas parmi les plus légères de mon existence, mais ça c'est une autre affaire. Quoiqu'il en soit, ce livre est un passage de témoin. Cet auteur est un défenseur de la langue française dans sa diversité, sa richesse éloquente et certaines envolées que je qualifierai de lyriques, oui, carrément. Aujourd'hui, je pousse un cri pour en soutenir un autre, le Cri Sauvage de l'Âme.

L'histoire est celle de notre génération, de ses illusions, de ses dérives, de sa pourriture insolente, de son absurdité insoutenable, mais aussi de l'espoir qui perdure malgré un horizon nappé de lisier, celle de l'amour qui naît encore sur cette Terre brûlée, celle de la poésie qui peut exister en chacun, à sa façon. Les personnages sont des caricatures, certes ils ont parfois des réactions excessives mais qui est raisonnable H24 ? L'homme qui parle m'évoque un Chuck Palaniuk, si le Fight Club avec ses règles souvenez-vous, un Buckowski et même par moments un Zola.

Ce gars-là peut paraître un sale con de prime abord et vous fera peut-être sortir de vos gonds mais son talent tutoie les anges et la médiocrité qui réussit là où il rame le débecte. Et de là vient ma colère. Je suis en colère de savoir ce gars perdre son temps et son génie dans un boulot qui l’écœure, entouré de gens lessivés jusqu'à étouffer le gosse que recelait encore leur cœur et qui aurait tant à rire si on n'était pas dans un pays lancé dans une course effrénée vers quoi, au juste?

Alors lâchez vos schizos en train, vos pâles chimistes édulcorés et toutes ces lectures que les médias ont fini par vous faire aimer à force de vous les coller sous le nez à tout bout de champ. Empêchez ce gars-là de retomber dans le trou duquel il se bat pour s'extraire depuis longtemps, trop longtemps déjà. Oubliez les étiquettes, indé, édité, oubliez les conventions, sortez de vous-mêmes et voyez ce que le mot écrire recouvre vraiment...

Une histoire touchante, forte en émotions, crue, avec des descriptions très précises, les mots sont toujours très justes ce qui rend la lecture très visuelle. L'auteur nous entraîne dans le monde de Thomas, un jeune sdf qui va devenir un paparazzi pour se faire une belle petite somme d'argent, il va rencontrer des personnages hauts en couleur et sa vie ne sera plus jamais la même.

Une belle histoire écrite par la plume de Frédéric Soulier, des passages trash, cyniques, percutants, émouvants, de l'humour noir, tout ce que j'aime dans un roman. Je ne peux que vous le recommander.