Extraits

- Une dernière chose. Comment avez-vous fait pour reproduire la réalité avec une telle précision ?

- Vos rêves reflètent le monde réel, n'est-ce pas ? Quand vous rencontrez un arbre au cours d'un songe, ce n'est pas un vague pâté vert. Tous les détails sont présents, vous pourriez même en compter les feuilles. Tout cela par la vertu du jeu chimique de quelques milliards de cellules incapables de la moindre fantaisie. La première chose que l'on apprend est d'utiliser nos rêves de manière consciente, éveillée. Embert Flets, un fameux théoricien de l'art, a dit : "Faire de la Magie, c'est donner vie à un rêve." On ne peut donner plus belle définition de ma profession.

- Je suis bien d'accord.

Communiqué T’Sank à l’usage des condamnés

Ser, Serre, bonsoir.

Nous avons l’honneur de vous informer que vous avez été choisi(e) comme victime de l’École.

Le nom de votre exécuteur est : (nom, prénom)

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Vous pouvez, si vous le souhaitez, mettre fin à vos jours avant le : (jour, mois, année)

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Nous vous suggérons de dire adieu à vos proches et de régler d’éventuelles affaires en cours.

La raison pour laquelle vous avez été désigné(e) est la suivante : (réponse cochée)

O Votre malveillance constitue une menace pour l’équilibre d’Alamänder.

O Votre bienveillance constitue une menace pour l’équilibre d’Alamänder.

O Votre pouvoir constitue une menace pour l’équilibre d’Alamänder.

O La manière dont vous menez votre existence ne convient pas à l’école T’Sank.

O Autre raison, laissée à la discrétion de l’École.

Vous trouverez ci-dessous quelques notes d’intérêt général concernant notre institution.

Merci de les lire avec attention et de les diffuser.

Torture : nombre de rumeurs courent sur les tortures infligées aux prisonniers T’Sanks. Elles sont erronées. Les T’Sanks ne pratiquent pas la torture dans la mesure où ils ne font pas de prisonniers. Leur vocation est de supprimer la vie, non de perpétrer des pratiques qu’ils considèrent comme dégradantes.

Échappatoire : les Maîtres Assassins sont garants de l’équilibre entre les royaumes humains. Il est aussi vain de les condamner que de condamner un phénomène naturel. De la même manière, il est aussi vain d’essayer de leur échapper que d’éviter un tel phénomène.

Annulation de la mission : les T’Sanks ne sont ni des tueurs à gages ni des mercenaires. Il est inutile de chercher à acheter votre partenaire exécuteur, de le supplier ou de le détourner de son objectif. Celui-ci a été mûrement réfléchi et ne peut donner lieu à un contrordre.

Décès : les circonstances de votre décès sont laissées à la discrétion de votre partenaire exécuteur. Sachez que nous mettons tout en œuvre pour que votre fin soit rapide et, dans la mesure de nos moyens, indolore. En cas d’échec, un second exécuteur vous sera envoyé dans les meilleurs délais.

Notez cependant que cette éventualité ne s’est encore jamais produite.

En vous souhaitant une agréable fin de vie,

L’École T’Sank

La recherche du pouvoir est à l’opposé de celle de la sagesse. Quel que soit le domaine dans lequel nous excellons, notre ego enfle et se distend jusqu’à affecter les lois de gravité sociale. Les autres humains deviennent alors de simples satellites de nos intérêts, leur valeur assujettie à ce qu’ils peuvent nous apporter.

- [...] Pourriez-vous essayer de dénicher Retzel ? Je vais avoir besoin de lui.

- Jamais je n'aurais imaginé qu'on puisse avoir besoin de Retzel.

La grande faiblesse des magiciens était de se reposer en toute situation sur leur talents. Maîtriser la magie, c'était souvent se couper d'une partie de ses sens.

Finalement, il décida de se battre jusqu'au bout. Le blé n'assisterait pas, de ses milliard d'yeux, au spectacle de son suicide. Au contraire, il offrirait à son tourmenteur le rempart de sa dignité et de son courage. Il décida que ce serait le champ qui, las de l'impassibilité de son jouet, donnerait le coup de grâce et admettrait par ce geste sa défaite.

A l'époque où Ker Fresnel n'était encore qu'un petit trois-pièces salon-cuisine-salle de torture, le roi Embru IV vint y séjourner. Le meublé, exposé au sud, était adossé à un vieux massif pierreux, carcasse arrachée au temps qui avait donné son nom au royaume de Kung-Bohr. La vue était agréable et permettait au monarque d'oublier pour un moment les intrigues de la cour.

"-Désolé d'interrompre cette fougueuse étreinte, intervint Retzel, mais mon odorat délicat indique que nous sommes arrivés à destination. Maître, vous conviendrez que ma promesse me permet de me restaurer, n'est-ce pas?

-Je suppose que oui. à condition que tu évites tout ce qui ressemble à un être vivant.

-J'essaierai de m'en souvenir.

Le démon de poche disparut par une poterne.

[...]

-Parfait. Edrick, si vous voulez bien soulever le drap, nous allons examiner l'abdomen et les jambes.

Plusieurs émotions parcoururent le visage du soldat. Il finit par fermer les yeux et écarta l'étoffe. Jon avait déjà basculé et étudiait le corps au fur et à mesure que l'officier le découvrait.

-Je confirme. Aucune trace ici non plus. Tiens, c'est étrange.

-Oui ?demanda Vance avec espoir.

-La jambe a été amputée à partir du mollet.

Le détective parcourut le dossier légiste.

-Il n'en est pas fait mention ici.

-Je suis certaine qu'il avait tous ses membres quand on l'a découvert, s'inquiéta Vance.

-C'est tout frais, ajouta Edrick.

L'espionne dégaina une large lame en fusillant les vigiles du regard.

-Par Magni, qu'est-ce qui se passe ici?

Un fracas de caisses renversées lui répondit, depuis la glacière où avait été entreposé Pallas. [...] A travers la brume de la chambre froide, Jon vit s'avancer une silhouette ramassée. Après quelques secondes, elle se précisa. C'était Retzel. Le démon léchait consciencieusement le mollet sanglant de Pallas à la manière d'un cornet de glace.

Jon écarta tout le monde et se planta devant le servant.

-Je croyais que tu devais te tenir tranquille!

-Vous m'avez donné la permission de me restaurer, maître! Notez bien que je n'ai rien mangé de vivant.

-Donne-moi ça tout de suite!

-Certainement pas. Si vous en voulez, vous n'avez qu'à aller vous servir.

Le démon pointa une serre accusatrice vers le cadavre du conseiller.

-D'ailleurs, à ce que je vois, vous n'avez pas attendu pour vous réserver le plus gros morceau!

-Je te le répète une dernière fois, rends-moi cette jambe!

-Non. J'ai une idée : pourquoi n'iriez-vous pas vous faire... Tiens, ça sent quoi ici?

En se baissant, Retzel vit ses pieds disparaître sous des flammes vertes à l'aspect huileux.

-Merci beaucoup pour le service, Retzel, conclut Edrick. N'hésite pas à revenir pour le dessert.

-Pour sûr.

Le démon ne bougea pas.

-Le terme revenir sous-entendait un départ, suggéra le sergent avec tact.

-Vous voulez que je m'en aille?

-Oui, firent les quatre humains en coeur.

-Mais d'abord, une chanson!

-Non.

-Pas de problème. A plus tard, les filles.