Ajouter un extrait
Liste des extraits
''Quelque part à l'ouest de la Grande Maison de Rôle, et aussi quelquefois au sud, on peut apercevoir le Bosquet Immanent. Il ne figure pas sur les cartes, et aucun chemin n'y mène, sauf pour quelques initiés. Mais même les autres, les gens de la ville et les fermiers, peuvent le voir, toujours à une certaine distance : un bois d'arbres élevés dont les feuilles se parent d'une touche d'or rehaussant leur verdeur, même au printemps. Et ils estiment -les novices, les gens de la ville et les fermiers- que le Bosquet se déplace de façon déroutante. Mais en cela ils se trompent, car en réalité il est immobile. Ses racines sont les racines de l'être. C'est tout le reste qui se déplace. "
Afficher en entierÉcoute moi, Arren. Tu mourras. Tu ne vivras pas toujours : ni toi, ni personne, ni aucune chose. Rien n'est immortel. Mais il n'y a qu'à nous qu'il est donné de savoir que nous devons mourir. Et c'est un don précieux : c'est la chance d'être soi-même. Car nous ne possédons que ce que nous savons que nous devons perdre, ce que nous acceptons de perdre... Être soi, c'est notre tourment, notre gloire et notre humanité : et cela ne dure pas. Le "soi" change, il s'efface comme une vague sur la mer. Voudrais-tu que la mer devienne immobile, que les marées s'arrêtent pour sauver une vague, pour te sauver ? Renoncerais-tu à l'habileté de tes mains, à la passion de ton cœur, à la lumière du lever et du coucher du soleil, pour acheter ton salut - la sécurité permanente ?
Afficher en entier- Mais vous savez que ce sont de méchants hommes...
- Devrais-je pour autant être pareil à eux ? Laisser leurs actes gouverner les miens ? Je ne ferai pas le choix à leur place, et ne permettrais pas qu'ils le fassent pour moi !
[...] Tu vois, Arren, qu'un acte n'est pas comme le croient les jeunes gens, pareil à un cailloux qu'on ramasse et qu'on jette, qui touche son but ou le rate, et rien de plus. Quand on ramasse ce caillou, la terre est plus légère, et la main qui le prend est plus lourde. Quand on le lance, le parcours des étoiles en est affecté, et quand il frappe le but ou le manque, l'univers en est changé. De chacun de nos actes dépend l'équilibre du tout. Les vents et les mers, les puissances de l'eau et de la terre, et de la lumière, tout ce qu'ils font, et tout ce que font les bêtes et les végétaux, est bien fait, et justement fait. Tous agissent selon l'Équilibre. Depuis l'ouragan et le mugissement de la baleine géante jusqu'à la chute d'une feuille sèche et le vol du moustique, tous leurs actes sont fonction de l'équilibre du tout. Mais nous, dans la mesure où nous avons un pouvoir sur le monde et sur les autres, nous devons apprendre à faire ce que la feuille et la baleine et le vent font naturellement. Nous devons apprendre à conserver l'Équilibre.
Ayant l'intelligence, nous ne devons pas agir avec ignorance. Ayant le choix, nous ne devons pas agir sans responsabilité. Qui suis-je - bien que j'en aie le pouvoir - pour punir et récompenser, et jouer avec les destinées des hommes ?
Afficher en entier