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Le dernier de la paroisse / Une vie en rouge et bleu



Description ajoutée par lamiss59283 2012-02-18T20:42:22+01:00

Résumé

Le dernier de la paroisse

C'est un peu par hasard que Germain, à 40 ans passés, s'est tourné vers Dieu. Condmné à l'abstinence, en désaccord avec son frère sur les méthodes de culture intensive, le paysan décide d'embrasser la carrière sacerdotale. dans son petit village, au pied des monts Forez, le truculent Auvergnat apporte toute sa verve au quotidien de la paroisse.

Une vie en rouge et bleu

Regis Féraz, le dernier des poilus, ce centenaire qu'on dit un peu fou refuse l'étiquette de héros. À travers la voix de sa petite fille Léone, il revient sur son parcours cabossé d'enfant du siècle, à jamais blessé par les atrocités de la Grande Guerre.

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Classement en biblio - 3 lecteurs

extrait

1

Personne, absolument personne n’aurait cru Annet Ferrier capable d’un tel geste.

Mondeviolle, penché sur son étang peuplé de grenouilles et de massettes, était un de ces hameaux heureux où il ne se passe rien. Il appartient à la commune d’Orléat, pauvre de quelques centaines d’habitants, que les paysans prononçaient Vouriat, sans se soucier de l’origine gallo-romaine qui laisse supposer un aurelius ou un aureliacum. Seules les naissances et les obsèques y produisaient un peu de mouvement. Mais Mondeviolle ne comptait que douze familles, plus une veuve de guerre qui vivait seule avec ses chèvres ; plus les vaches, les ânes, les chats et les chiens. Tout le monde s’y connaissait, s’estimait ou s’évaluait.

Mais quelle idée, ô Tribunal de Dieu, tomba dans la cervelle de l’Annet ?

Il avait pour descendance deux garçons, Richard et Germain, et une fille, Valentine. L’aîné, Richard, n’avait jamais bien su lire. Les spécialistes appellent déficients mentaux ce genre de personnes qui restent dans l’enfance toute leur vie. Les Limagnais les disent bredins ou berdins. Il existe près de Moulins-sur-Allier une église qui possède une « débredinoire », confiée aux soins de saint Menoux. Une sorte de placard dans lequel on enfonce la tête si l’on a conscience de sa bredinerie ; elle y reste captive et le bredin en sort parfaitement débrediné. Sauf si, par maladresse, il y ramasse ce que d’autres patients y ont laissé avant lui et qu’il en sorte plus bredin que jamais. Annet Ferrier ne croyait point à ces espèces de miracles. Encore moins sa femme Alice, une excellente chrétienne ; elle affirmait que nul homme, nulle femme n’a le droit de rien changer à ce que le Créateur les a faits. Mais alors, quelle diablerie inspira le pauvre Annet âgé de soixante-neuf ans ce 15 février 1963 ?

Personne ne put l’en détourner à Mondeviolle. Ni ses enfants, ni sa femme Alice, ni son frère Alyre, ni sa sœur Pauline, ni ses nièces et neveux.

Tous agriculteurs comme lui, éleveurs de vaches ferrandaises et de porcs normands, excepté Virginie, la fille unique d’Alyre, qui étudiait à Clermont pour devenir aide-soignante. Outre ses besognes quotidiennes, Annet était un grand chasseur. Il possédait deux fusils de chasse, l’un à broche, l’autre à tabatière, ainsi qu’un fusil de guerre allemand, un mauser à crosse coudée, rapporté de la guerre 1914-1918. Ce dernier était cloué au mur en compagnie de poignards et d’une terrible baïonnette boche à dents de scie. Il préparait ses chasses en confectionnant, la veille, des cartouches sous les yeux émerveillés de ses garçons. Il remplissait les cylindres en carton de poudre noire, de grenaille de plomb et d’étoupe ; il scellait le tout avec un petit moulin. Rites minutieux autour desquels flottait déjà l’image des victimes et qui n’étaient pas sans rappeler les gestes du prêtre célébrant avant la manducation de l’hostie. Le matin venu, ils partaient tous les trois, bottés ou guêtrés, bardés de musettes.

— Si vous trouvez des champignons, recommandait la mère, ramassez seulement ceux que vous connaissez bien, les mousserons, les rosés, les pisse-sang.

Ces derniers, nommés ainsi parce qu’une sève rouge s’en écoule à la moindre brisure, sont faciles à meurtrir comme une chair d’enfant. Les botanistes les appellent lactaires délicieux.

Les trois hommes partaient donc au petit jour dans l’herbe accablée de rosée. Derrière eux, leurs pas laissaient des sillages aussi visibles que dans la neige. Alors commençait la gloire des deux garçons : le père leur laissait à tour de rôle porter le fusil. Non point une arme enfantine tout juste capable de lancer des flèches caoutchoutées. Un hammerless véritable, prêt à cracher le feu et la mort, deux cartouches de douze dans les gosiers. Chaque gamin sentait à son épaule le poids de cette arme foudroyante, avec un mélange de crainte et d’orgueil. Le moment venu, le père saisissait la crosse d’un geste précis, épaulait, visait, tirait. Il avait l’œil infaillible, après quatre années d’exercice, et abattait son gibier sans gaspiller une seule cartouche. Richard en remplissait sa gibecière. Germain ramassait les douilles vides, y humait avec délices l’odeur de la poudre brûlée.

On rencontrait d’autres chasseurs. On s’asseyait côte à côte sur le tronc capitonné d’un arbre abattu. Annet tirait de sa musette un quart militaire et un bousset rempli de pouzin, vin âpre et violet comme l’encre de l’école. Les hommes en sifflaient une lampée, les enfants avaient leur limonade. On regardait, en clignant des yeux, le soleil jouer à cache-cache derrière les puys.

Parfois, la chasse était nulle. On n’avait tué rien d’autre que le temps. On remplissait du moins les musettes des seuls champignons. Fils de la pluie et de la rosée, ils appartiennent à qui les ramasse. Dire qu’Annet Ferrier, bon chasseur, bon agriculteur, bon tueur de cochons, s’était laissé aller à commettre un geste si exécrable !

Les Ferrier n’étaient point d’origine limagnaise. Ils descendaient d’une communauté agricole établie aux environs d’Escoutoux, entre Thiers, la coutelière, et Ambert, la fromagère. Ces gens vivaient ensemble depuis des siècles, dans des demeures rapprochées autour d’une maison plus grande, « au même feu et au même pot », à la manière des kolkhozes russes et des kibboutzim israéliens. Jules Michelet les appelle des « couvents d’hommes mariés ». Ils élisaient ad vitam aeternam un maître directeur des travaux masculins et une maîtresse chargée d’éduquer les enfants, de soigner les malades, d’ordonner le ménage. Cette façon de vivre éludait tous les problèmes qui accablent les sociétés modernes : finances, habitations, chauffage, héritages, chômage, éducation, santé, retraite. Les mariages étaient décidés entre les garçons et les filles de la communauté. Ainsi, une certaine année, on vit dans la même cérémonie quatre Ferrier masculins épouser quatre Ferrier féminines. Au fil des siècles, ces communautés ont disparu parce que les cousins unis aux cousines ne produisent pas de bonnes descendances. Aussi parce que, las de rester enfermés dans ce cercle familial, plusieurs jeunes gens prirent leur liberté et s’en allèrent voir sur d’autres paroisses si le pain était meilleur. On ne sait à quelle date, quelques Ferrier s’éloignèrent de leur charnier natal, descendirent de leurs montagnes et s’installèrent près d’Orléat. Jausion, le seul ancêtre connu, vécut à Mondeviolle quatre-vingt-six ans. Il eut deux fils, Annet le chasseur, Alyre le farceur, et une fille, Pauline la brodeuse.

Agriculteur comme tous les gens de Mondeviolle, l’Annet élevait des vaches ferrandaises pie-rouge, c’est-à-dire rouges sur fond blanc, les cornes blanches aussi avec des pointes foncées, le chignon touffu, la fesse descendue, musclée, droite ou légèrement oblique, le pis volumineux, les veines du lait très apparentes, noueuses, contournées. Chaque vache avait son nom de baptême en rapport avec sa couleur : Violette, Vermeille, Cerise. Ou avec son tempérament : Gracieuse, Charmante, Faraude. Certaines recevaient des noms d’oiseaux : Alouette, Chardonnerette, Colombe. Les taureaux recevaient des prénoms masculins : Nicolas, Nénesse, Capitaine, Dragon. Les chiens savaient ces noms par cœur et ne se trompaient point quand le maître leur commandait :

— La Rouge !… La Grise !… Pique-la !

Nul ne sait qui arriva le premier dans le Massif central de l’homme ou de la vache. Qui des deux attira l’autre. Toujours est-il que, dès l’aube de l’histoire, on les voit vivre ensemble sur ces montagnes aux rares à-pics, aux pentes raisonnables, qui conviennent à un ruminant et à un méditatif. Montagnes vacheuses comme on dit rivières poissonneuses. Chaque province a son odeur particulière. La Bretagne sent la marée, la Provence la lavande, la Lorraine les fumées industrielles. L’Auvergne rurale sent la bouse de vache. C’est son honneur et l’un de ses charmes. Maintes expressions vacheuses entrent dans le langage de l’Auvergnat et ponctuent ses journées. Pour faire entendre que le plus agité n’est pas nécessairement le plus efficace : « Ce n’est pas la vache qui branle le plus sa queue qui donne le plus de lait. » Que dans une querelle les torts sont généralement partagés : « Une vache ne se bat pas seule à l’étable. » Que rien ne doit se faire dans la précipitation, qu’un moment de pause est souvent nécessaire : « Il faut laisser aux vaches le temps de pisser. » Le soir, après la veillée traditionnelle chez un voisin, quand l’heure est venue que chacun rentre chez soi, il dit : « On va aller voir si la Charmante a fait le veau. » Enfant, l’Auvergnat a couché longtemps derrière elle, sur la paille, bien au chaud. La vache entre dans ses jeux, ses devinettes, ses fêtes, ses proverbes, ses légendes, ses chansons, sa pharmacopée. De la bouse, il fait des emplâtres pour recouvrir et cicatriser les plaies des arbres. Avant de mourir, il recommande son âme à Dieu et sa vache à ses héritiers : « Ménagez la Parise… Ne cognez jamais sur la Clermonte… Étrillez souvent la Lyonne, elle est sujette à s’ébouser… Ne vendez pas encore la Marseille… »

Ces braves bêtes tiraient la charrue des labours, les chars aux temps des fenaisons, des moissons et des vendanges. Les Ferrier produisaient un peu de ce vin, le pouzin, si âpre au goût qu’après une petite lampée, on restait la bouche ouverte un quart d’heure avant de pouvoir la refermer. Certains buveurs se mettaient à trois : l’un se résignait à boire, le deuxième lui tendait la tasse, le troisième lui étayait l’échiné à deux bras pour l’empêcher de reculer. S’ils n’étaient que deux, ils s’acculaient contre un mur. L’Annet s’était habitué en 1914-1918 à avaler des saloperies. Ses fils ne risquaient pas de tomber dans l’alcoolisme dont, à l’école, deux panneaux montraient les ravages : Foie d’un buveur d’eau. Foie d’un alcoolique. Pancréas d’un buveur d’eau. Pancréas d’un alcoolique.

Sur le mur opposé, un autre panneau représentait les enfants célèbres dont l’exemple devait servir de modèle aux petits Limagnais. Mathieu Coffin qui, à douze ans, relève le moral des mineurs après un coup de grisou : « Puisque vous pleurez comme des enfants, il faut bien que je travaille comme un homme. » Joseph Viala, petit républicain de treize ans, coupe de sa hache le câble qui devait permettre aux monarchistes de traverser la Durance. Françoise Mariette, âgée de quatorze ans, sauve son petit frère et meurt en luttant contre des loups…

Mais où donc Annet Ferrier, Tribunal de Dieu ! trouva-t-il le courage nécessaire au bout de son fusil ?

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