Extraits

« J'ai toujours su que j'étais une excellente menteuse; mais je ne me savais pas capable de me prendre à mon propre jeu. »

[...]

Linden me prend la main. Ces temps-ci, j'ai l'impression qu'il est aussi effrayé que moi. Je lui fais un petit sourire, et il me donne un léger coup d'épaule. Mon sourire s'épanouit.

- C'est mieux, dit-il.

Dans la limousine, il nous verse à chacun une flûte de champagne, mais je ne finis pas la mienne et le convaincs de m'imiter.

- Il y en aura plein d'autres à la fête, lui dis-je.

- La première épouse a parlé, fait-il en riant et en m'embrassant sur la tempe.

Je rougis malgré moi. C'est la première fois qu'il m'appelle ainsi. Première épouse. Même si ce n'est plus que pour quelques jours, je peux, pour son bien, prétendre le contraire.

- Il y aura des caméras, d'après toi ? demandé-je.

- Des tonnes. (Il semble un peu inquiet.) Tu aurais peut-être dû mettre tes lentilles vertes. Je n'ai pas envie que le monde entier sache à quel point tu es extraordinaire.

Je rajuste sa cravate.

- C'est à cause de mes yeux que tu me trouves spéciale ?

- Non, dit-il d'une voix devenue douce, rêveuse, en ôtant une boucle qui me barre le visage. Ils ne sont qu'une vaguelette en surface.

Je souris. Un instant, je songe que c'est ce que mon père devait ressentir pour ma mère, et je jurerais presque que le présent mariage est réel. Un passant aurait tout lieu de croire que nous sommes ensemble depuis des années, que nous comptons le rester jusqu'à la fin de nos jours. J'ai toujours su que j'étais une excellente menteuse ; mais je ne me savais pas capable de me prendre à mon propre jeu.

Le silence me rend folle. C'est peut-être pour cela qu'au lieu de faire semblant de dormir ou de l'envoyer paître, je soulève les draps tandis que Linden approche.

Il ferme la porte et entre dans mon lit. Il s'installe a mes cotés, et je sens ses mains fines et fraiches se poser sur mes joues. Il avance pour ce qui sera mon primier baiser, mais ses lévres n'arrivent pas juqu'aux mienne. Il sanglote; je sens la chaleur de sa peau et de son souffle.

- Rose, dit-il.

Sa voix trahit l'émotion et la frayeur qu'il ressent. Il enfouit son visage contre mon épaule et éclate en sanglots.

"Gabriel passe un bras autour de ma taille, et je pose une main sur la sienne. Je sens la résistance du gouvernail.

-Regarde, chuchote-t-il à mon oreille.

Dans le lointain, j'aperçois la lueur d'un phare. Le pinceau de lumière glisse sur nous puis continu sa rotation. Cette fois, j'ignore où la lumière nous conduira."

Spoiler(cliquez pour révéler)"Jenna était l'épouse jetable, Cecily la génitrice; quant à moi, je devais être "la prunelle de ses yeux"."

« Il m'ébouriffe les cheveux et me regarde.

Rhine, le Rhin. Un fleuve qui, quelque part, a recouvré la liberté. »

[...]

- Je n'en sais rien ! (C'est exaspérant de me voir opposer une logique bornée, qui me donne l'impression que mes plans d'évasion sont si désespérés.) Pas ici, en tout cas. Partout, sauf ici. Alors, viendras-tu avec moi, oui ou non ?

Il hausse un sourcil.

- Partiriez-vous sans moi ?

- Non. Je te traînerai par la peau du dos, s'il le faut.

Je souris. Il finit par se détendre et me gratifie de l'un de ses rares sourires.

- Vous êtes cinglée, vous savez ?

- C'est ma seule planche de salut.

[...]

- Cecily Ashby, dit-il à la plus petite.

Elle ouvre ses mains jointes, révélant une alliance en or. Linden s'en saisit et la passe au doigt menu de la jeune épouse.

- Ma femme, continue-t-il.

Elle rougit et semble rayonner.

Avant que j'aie le temps de comprendre ce qui m'arrive, Deirdre ouvre à son tour les mains, et Linden procède de même, me passant l'alliance au doigt.

- Rhine Ashby. Ma femme.

"Tout ça ne rime à rien, me dis-je. Il peut bien m'appeler sa femme ; quand je me retrouverai de l'autre côté de la barrière, cette alliance ridicule n'aura aucune valeur. Je suis toujours Rhine Ellery."

Je m'efforce de m'imprégner de cette pensée, mais je suis saisie d'une sueur froide. Mon coeur pèse une tonne. Le regard de Linden croise le mien, et je ne détourne pas les yeux. Je ne succomberai pas.

Il s'attarde un instant puis se tourne vers la troisième épouse.

- Jenna Ashby, dit-il à l'autre fille. Ma femme.

L'homme en blanc déclare alors :

- Ce que le destin a réuni, rien ni personne ne pourra le séparer.

"Le destin, pensé-je, est un voleur."

C'est le premier coup de feu. Je sais qu'il y en aura une dizaine d'autres.

« Fou en F5. Cavaliers en E3.

Dehors le vent se déchaîne, et j'entends se répéter à l'infini. :" Il gèlera en enfer"

" Gèlera en enfer..." »