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– (…). Pendant tout ce temps, j’ai voulu revenir dans mon clan. Mais là-bas, je suis un étranger. Les gens me haïssent, car j’étais l’esclave de notre ennemi. Et maintenant, je sers ses couleurs.
Une immense lassitude s’abattit sur lui, et l’espace d’un instant, il eut de tout abandonner. Pourquoi se battait-il exactement ? Avait-il vraiment cru que ramener l’œuf dans son ancien clan lui rendrait une famille ? Il avait tout perdu. Partout où il irait, il serait rejeté. Aucun clan ne voudrait de lui. On le méprisait, lui, qui en plus, avait perturbé le bon ordre de la cérémonie du sacrifice. Il n’était qu’un paria qui s’acharnait à s’accrocher à une identité qu’on lui refusait toujours et partout. Pourquoi ne s’était-il pas laissé tuer ? Tout serait terminé à présent. Il ne ressentirait pas cette atroce confusion, cette peine qui lui crevait le cœur.
Afficher en entierIl voulait l’œuf. Il le voulait vraiment. Et il voulait sa vengeance. Tout ravager. Dominer.
Savoir, enfin, ce que cela faisait, d'être Torok.
Afficher en entierAvec les ans, Torok aurait pu se lasser de lui - il se lassait de tout très vite - mais Faolan, adolescent puis adulte avait continué de le fasciner : sa silhouette presque féline, souple et élancée comme celle d’un danseur, ses cheveux noirs en bataille, son nez cassé - par Torok, bien entendu.
Afficher en entierIl tendit la main vers son visage. Faolan ne parvint pas à bouger. Il était pétrifié par la peur. Il crut que son maître allait lui écraser la tête contre le poteau afin de le maintenir pendant qu’il officierait, mais avec une délicatesse étrange, il lui caressa la joue.
_Tu seras toujours avec moi, lui dit-il.
Ses doigts s’enroulèrent dans ses cheveux.
_Regarde moi dans les yeux. Je veux voir la vie en partir.
Afficher en entierCependant, une partie de lui demeurait viscéralement liée à son ancien maître. Pire encore, en dépit de toutes ces horreurs, il éprouvait pour lui une reconnaissance trouble : sans lui, sans cet enfant qui l'avait réclamé à l'époque, dans la démence du banquet, il serait mort. Il aurait été dévoré comme son père. Torok lui avait sauvé la vie. Et pendant dix ans, Torok avait été toute son existence. Faolan n'avait jamais été seul. De façon folle, il s'était accroché à son tortionnaire, car sa famille décimée, cet homme était tout ce qui lui restait.
Afficher en entierIl haïssait les cagoules qui aveuglaient, qui étouffaient. Instinctivement, il porta la main à sa gorge, prit une grande inspiration…
Ça va, tout va bien. Tu es seul. Il n’est pas là. C’est fini. C’est passé.
Afficher en entierFaolan prit une grande inspiration. Peut-être pouvait-il le faire, après tout ?
Sans paniquer, en réglant bien sa respiration, il se mit à courir le long de la grève, sur les traces des bouquetins.
Afficher en entierSes pouces trouvèrent les yeux de l’homme et il les enfonça profondément dans les orbites. Il sentit la résistance gluante des globes oculaires, puis leur éclatement mou et spongieux…
Afficher en entierHésiter, douter, penser, c'était mourir.
Afficher en entierDepuis quatre jours, Faolan était recroquevillé dans une étroite cage en bambou suspendu au dessus du vide. Le jour, le soleil le calcinait; la nuit, il grelottait de froid. Le vent s'insinuait en permanence entre les barreaux, chaud ou glacial. On lui octroyait une coupelle d'eau chaque soir, ainsi qu'un peu de nourriture. La faim restait une obsession. Elle lui emplissait toute la tête, au point de reléguer les sélections du lendemain à un plan tout à fait secondaire. A chaque mouvement, des lumières fantômes se multipliaient devant ses yeux.
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