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Il crut tout d’abord qu’il s’agissait d’une métisse avant de se raviser pour une de ces Indiennes d’Amérique comme il en avait croisé une fois dans un théâtre quelques semaines plus tôt. Elle était vêtue d’une robe d’été, ample et décolletée, garnie de rubans et de franges en dentelle. Ce qui ressemblait à une fine traîne en voile, presque invisible, s’étalait derrière elle, à l’instar des tenues de mariée. Allongée sur le flanc, elle était horriblement cambrée, sa tête rejetée en arrière, les cheveux recouvrant une partie de son visage. Ainsi couchée, elle ressemblait à une danseuse figée dans un effort, comme si elle avait voulu prendre la forme d’une roue. Ses bras étaient serrés contre sa poitrine, les doigts crispés pour retenir quelque chose. Guy se précipita à son chevet avant de se raidir au-dessus du corps. Un frisson de terreur lui remonta le long de l’échine pour envahir son esprit. Il s’était totalement trompé.

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Guy dévalait les marches derrière Faustine. Tout comme elle, il ne portait qu’une robe de chambre par-dessus sa tenue de nuit et avait chaussé à la hâte ses souliers, à la demande de la jeune femme. La maison tout entière était endormie. Quoi qu’il se fût produit, cela n’avait pas eu lieu en ces murs. Guy avait mal à la tête, il lui semblait qu’une brique de plomb s’était fichée sous son front et tentait de sortir à chaque pas. Ce n’était pas un bon vin, ou bien il en avait un peu trop abusé...

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C’est que, et Guy ne tarda pas à l’apprendre, les bêtes étaient tuées la nuit, puis dépecées et préparées durant le jour. Un concerto de raclements aigus et rapides s’élevait d’un peu plus loin, des échaudoirs. Là, une armée d’hommes à la carrure développée terminaient de découper les carcasses qui allaient faire vivre tout Paris l’espace d’une journée. Ces hommes, les chevillards comme on les appelait à cause des chevilles, les crocs en fer sur lesquels ils suspendaient les bêtes, effectuaient leur labeur en plaisantant, d’humeur plutôt bonne, et souvent enclins à rire bruyamment. Guy ne s’attarda pas. S’il n’était pas mal à l’aise face à cet étalage de viande morte, il était plutôt déçu par la jovialité qui se dégageait des travailleurs. Il s’était attendu à quelque chose de plus sinistre. Il n’y avait guère que l’odeur de viande et de sang, ce parfum pénétrant, chaud et dense, qui devenait écœurant à la longue.

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Si Milaine lui avait toujours paru un peu trop « folle », délurée, pour avoir envie de coucher avec elle, avec Faustine, il en était autrement. Faustine était le joyau de la maison. Pour l’avoir, il ne suffisait pas de tomber les billets, il fallait que Faustine ait confiance. Il fallait qu’elle connaisse le client, que ce soit un habitué. Et s’il était enfin prêt à mettre le prix prohibitif pour s’offrir une nuit avec Faustine, encore devait-elle l’accepter. Car Faustine s’octroyait le luxe de refuser.

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L’homme est ainsi constitué, vous savez ? Il a des besoins, c’est bien pour cela que notre bonne société tolère et même encourage les lupanars, et cela, ni vous ni moi n’y pouvons rien changer. Votre mari n’est pas plus vicieux qu’un autre, il ne fait qu’obéir à une pulsion ancestrale, et il a à cœur de ne pas vous en faire subir le caprice directement ! — Un porc ! Et cette garce ne vaut pas mieux !

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Milaine se tenait assise dans l’angle opposé, sa robe serrée contre elle ne suffisait pas à dissimuler sa nudité. Son ample chevelure rousse lui tombait sur les épaules sans rien pour la retenir ; il n’y avait aucun doute sur ce qu’il s’était passé dans cette chambre avant que la femme trompée ne fasse irruption. — Madame, dit Guy, je suis certain que le scandale ne sied guère à la réputation de votre famille dans cet immeuble, aussi vais-je raccompagner la demoiselle et vous laisser régler votre différend dans l’intimité de votre couple.

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Combien d’hommes avait-il admirés secrètement tandis que pesait sur leurs épaules le poids, non d’une famille, mais de dynasties entières, d’entreprises ancestrales, de noms prestigieux ? Tous encaissaient, vaillamment, comme habités par ce devoir, chevauchant fougueusement leur avenir en apparence alors qu’ils n’étaient que prisonniers volontaires d’une destinée. Pour Guy, cela avait fini par devenir impossible. Il avait étouffé.

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Loin de cette bonne société qui plaçait en lui des attentes démesurées, loin de sa famille exigeante, de sa femme qui imposait au lieu de partager. Il percevait dans le regard de sa propre fille une attente, au-delà de l’admiration, le vœu pieux de ne jamais être déçue par ce père que tout le monde voulait formidable. C’en était trop pour cet homme qui s’était toujours rêvé voyageur, aventurier, libre comme l’air, à décortiquer le monde et les âmes sans autre pression que celle de ses besoins naturels.

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Louise était contente. Elle venait de trouver un petit cheveu qui avait réchappé à sa gourmandise. Juste au-dessus de l'oreille. Elle le prit délicatement entre son index et son pouce et tira un coup sec pour le porter à sa bouche.

Elle le garda longuement sur la langue, pour savourer cette satisfaction.

Louise était parfaitement chauve à présent.

Pourtant cela ne semblait pas perturber Lucifer.

Le Diable s'en fichait de son apparence au final, tout ce qu'il voulait, c'était son âme.

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— Alors pourquoi une telle différence entre le choix d’une victime facile et celui d’une scène de crime dangereuse pour lui ? s’étonna Perotti.

— Il veut s’assurer d’avoir sa proie, proposa Faustine. Comme un homme désireux de plaisir acceptera n’importe quelle fille pour peu qu’il ait l’assurance d’en jouir, plutôt que de risquer d’être bredouille en se montrant difficile. Ensuite, son fantasme prend le pas, lui ordonne d’exposer, son excitation est fonction du danger.

— Encore le sexe ! s’exclama Perotti. Pourquoi rapportez-vous tout à la sexualité ?

— La civilisation de toute l’humanité s’est bâtie sur la sexualité ! Nous lui devons notre survie ! C’est en nous, profondément enfoui dans nos comportements, elle est au cœur même de nos trajectoires personnelles, c’est le moteur de la vie !

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