Extraits

....... mais surtout, il y avait des lettres d'amour. Car même en dehors de la Saint-Valentin, l'amour restait le plus commun des dénominateurs, le sujet qui ralliait la majorité des plumes. L'amour décliné à tous les temps et sur tous les tons, servi à toutes les sauces sous forme de lettres enflammées ou courtoises, tantôt coquines tantôt chastes, sereines ou dramatiques, violentes parfois, souvent lyriques, d'autant plus émouvantes que les sentiments s'y exprimaient en termes simples, jamais autant cependant que lorsqu'ils se dissimulaient entre les lignes et derrière les mots anodins, se consumant en filigrane.

Bilodo s’aperçut alors que la lettre n’était plus dans la main du mort. L’étreinte de Granpré avait du se relâcher au moment du trépas, et la lettre avait glissé dans le caniveau, aussitôt entraînée par le courant rapide. (...) un éclair zébra le ciel à l’instant où une prise de conscience tout aussi fulgurante illuminait Bilodo : avec la disparition de cette lettre, engloutie par les entrailles du monde, c’était son seul lien avec Ségolène qui venait de se rompre.

On ne saurait planer à jamais. Finalement rattrapé par la gravité, Bilodo retomba sur terre, encore abasourdi par la lente détonation de l’orgasme poétique qu’il venait de connaître. C’était donc vrai que l’amour donnait des ailes.