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— Qui est-ce ?
Ellis pointa le personnage tout à gauche qui n'avait pas de nom.
— C'est Jon.
— Jon ?
— Oui.
— Comment ça pourrait être Jon ? On est allés la semaine dernière à la poste et on ne l'a rencontré qu'hier.
— Je sais. C'est pour ça que je ne connaissais pas son nom.
Afficher en entier— Vous avez l'air normal. J'aurais jamais deviné.
Jon redressa les épaules.
— Normal ?
Maintenant, son ton était lourd, il s'accordait avec son expression bizarre.
— Ouais, vous savez.
Abbot fit un signe de la main.
Rudy l'imita. Jon lui lança un regard, alors il arrêta.
Abbot et Jon se fixaient du regard.
— Et quelle est votre définition de normal ?
Jon était déjà très grand. Rudy ne lui arrivait qu'à l'épaule. Mais maintenant, il semblait être deux fois plus grand. Ça rappelait un peu à Rudy le poisson-boule qu'il avait vu dans son livre d'images. Abbot semblait toujours en colère, mais il n'osait pas regarder Jon dans les yeux.
— Vous savez, normal. Comme dans « pas un pédé ».
Rudy rangea les cartes dans sa poche.
— Jon n'est pas un pédé, il est gay. Gay signifie heureux. Peut-être que vous devriez être gay comme ça vous serez heureux aussi. Jon est gentil. Il a aidé Ellis quand il était blessé. Beaucoup de gens ne sont pas très gentils.
Afficher en entierDerrière la touffe d'arbustes et d'arbres, quelqu'un appela le nom de Rudy.
— C'est mon frère, Ellis. Tu vas aimer Ellis.
De l'autre côté des fourrés, un homme avec les mains en entonnoir autour de la bouche se précipita sur le grand pan de pelouse.
— Rudy !
— Je suis par là !
Jon grimaça et pressa ses doigts sur ses tempes. Avec la torpeur qu'il avait trouvée dans sa solitude maintenant brisée, chaque flash de lumière lui brûlait les yeux et chaque bruissement des feuilles qui se frottaient aurait tout aussi bien pu provenir de métal froissé. Il se détourna pour fuir tout ce chaos et manqua de rentrer dans Ellis. Il avait la même couleur d'yeux que Rudy.
— Salut, Ellis !
Rudy fit un signe de la main. Jon se dirigea à droite et Ellis fit pareil. Ils échangèrent un regard. Jon se dirigea à gauche et Ellis le contourna.
— Bon sang, Rudy ! J'ai tourné la tête à peine une minute. Tu sais que tu n'as pas le droit de t'éloigner. C'est la règle numéro deux, tu te souviens ? Ne pas s'éloigner.
— Pardon.
Ellis prit Rudy par le bras et ce dernier se leva. Les deux frères faisaient pratiquement la même taille. Mais alors que Rudy était de fine constitution, Ellis était plus musclé. Et à la place de la lueur enfantine, les yeux d’Ellis étaient remplis de circonspection. Du même style que l'on trouvait chez les gens qui assumaient trop de choses depuis trop longtemps. Jon avait vu le même regard dans son miroir, ces deux dernières décennies et demie.
— C'est mon ami, Jon, dit Rudy en tendant la main en direction de Jon. Il est allergique aux chewing-gums.
— C'est bien, Rudy.
Ellis lui tira le bras.
— Viens, on doit y aller.
Rudy s'écarta.
— Mais Jon vient manger de la glace avec nous.
— Je suis désolé, dit Ellis en rougissant. Je ne voulais pas qu'il vienne vous ennuyer.
Il tira à nouveau sur le bras de Rudy.
— S'il te plaît, Rudy. On doit y aller.
— Il ne m'ennuyait pas, répondit Jon.
— Je suis quand même désolé.
Le rouge des joues d'Ellis se fit plus vif.
— Rudy. Allons-y.
— Mais on allait manger de la glace !
— Il est neuf heures du matin. Il n'y a pas de glace.
— Paulie's Diner, dit Jon.
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