Extraits

Quelques citations :

• A son interlocuteur : « est une réponse à votre requête en deux mots : vous voulez me voir en vrai. Cette expression me fait rire. Nous passons tant de temps dans les décors virtuels à piloter nos avatars, que la réalité matérielle n’est plus qu’un point étroit entre deux 3d. »

• A personne en particulier : « Montre moi le visage de ton Dieu, je connaitrai celui de ton monde »

• En parlant d’une de ses rencontres : « Peut être y a-t-il encore des bouts de vrai ciel jaune au-dessus de sa rue ? Et qu’elle lèvre de temps en temps les yeux vers eux. »

• En parlant de sa mère : « aurais-je fais plus ? j’aurais fais pire si je l’avais pus. »

• En parlant d’une de ses rencontres : « vous aurez compris que j’ai tenu à lui plus que je le dis. Mais il est mort bêtement et ce n’est pas une chose qu’on pardonne à quelqu’un dont on avait besoin pour vivre. »

• En parlant d’une de ses rencontres : « Il était impossible de changer son goût pour ce qu’elle appelait la liberté et qui consistait à errer dans les coursives en écoutant le claquement joyeux de la plante de ses pieds nues sur le sol… »

  La première fois que j’ai vu cmatic, j’ai remarqué ses mains avant son visage : maigres, nerveuses et desquamées de frais, elles portaient, malgré la perfection du peeling, un palimpseste de piqûres d’Insectes. Plus tard j’ai cherché, dans le passé de cmatic, un quelconque entraînement à la souffrance, ou une tournure d’esprit qui lui aurait fourni une protection naturelle contre elle : je n’ai rien trouvé

Elle superpose sa mollesse de chevelure dénouée aux contours aigus des tours, et ce doit être un soulagement pour ses yeux fatigués. L’ombre applique la tendresse de l’incertitude aux angles urbains, pose des bandages sur les cicatrices les plus voyantes, étouffe les jeux épuisants des reflets et souffle sa buée autour des lumières crues.

Accrochant au passage les reflets versatiles des faisceaux publicitaires, le vaisseau plonge dans l’arc vert de la tour aéroportuaire huong. Vous ne l’avez pas connue. Le vol via vide a rendu inutiles ces immenses courbes de métal et de glace qui généraient les champs nécessaires aux atterrissages urbains, ainsi que d’abominables désordres organiques dans un rayon de plusieurs centaines de mètres. Elles avaient leur genre de beauté

Les amoureux guéris traînaient des vies catarrheuses, sevrés d'une peau mais pas du besoin que celle-ci comblait. À ces existences débarrassées de la douleur, le sens manquait toujours. Leur big bang affectif ne s'effondrait pas sur lui-même pour exploser à nouveau, réinventer le tournoiement des galaxies et repeindre en or les confins de l'infini. L'entropie régnait sans recours dans ces vies éparses. Tout le monde n'a pas le courage de mourir d'amour.

Cet homme d’une banalité qui confinait au symbole a approché sa propre fin avec une conscience que j’envie. Je ne dis pas qu’il m’a, par une attitude remarquable, ouvert une porte quelconque sur l’acceptation de notre mortelle condition : la seule chose en lui qui, durant sa lente agonie, l’a disputé à la terreur est le point d’interrogation. Mais il n’est plus. Voilà bien un effort que je n’ai pas encore fait, et qui suffit à transformer ce quidam en mystère. À travers le sombre miroir, l’ombre portée de n’importe quel être humain s’étend jusqu’à l’infini

Mais il n’a pas non plus l’habitude de nier l’évidence : ce soir-là, devant les lumières de ha rebin, une main brûlante posée sur la vitre glacée, il sent des choses sombres bouger dans sa poitrine et beaucoup de force en-allée. Pour avoir vécu les mêmes angoisses que lui, j’ai l’impression de suivre parfaitement le fil de sa pensée qui s’affole et fait des nœuds.

Le décès fut constaté à 8 h 25, le corps évacué à 8 h 32, les effets personnels à 8 h 47, la désinfection prit fin à 9 h 03, à 9 h 14 monsieur viaderpuram honorait monsieur giès sur le slackbed (à moins que ce ne soit le contraire). Monsieur giès quitta la chambre à 9 h 35, monsieur viaderpuram déposa une plainte sur le réseau du fugu à 10 h 01 (il manquait un céladon dans sa mallette d’échantillons).

La puce s’arrête là. D’autres informations sur cmatic existent, dans d’innombrables serveurs militaires. Il a dû les consulter, par pure vanité : il est toujours flatteur de savoir qu’on vous espionne. Je l’ai fait aussi, en piratant les immenses archives bagdadies. J’y ai appris qu’on le crédite « d’aptitudes concrètes et de tendances schyzotypiques ».

Maintenant, quittez le module scolaire, fermez les yeux et entrez dans ce lointain présent, sur les traces de cmatic. Tout d’abord, imaginez un vieux vaisseau à trajectoire parabolique. Vous avez dû en voir quelques-uns au tout début de votre enfance ;